Afghanistan : vingt ans, ce n'est rien

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Comme le dit la chanson, vingt ans, ce n'est rien, mais les presque 2 500 soldats américains tués en Afghanistan au cours de ces deux décennies le sont. Lorsqu'au début du mois d'octobre 2001, George W. Bush a ordonné le déploiement de troupes américaines dans ce pays d'Asie centrale pour affronter Ben Laden et les groupes talibans, ni les analystes, ni les universitaires, ni les dirigeants politiques n'auraient pu imaginer que, vingt ans plus tard, le théâtre afghan continuerait d'être la scène du conflit international le plus virulent (dépassant de loin des conflits comme ceux de la Syrie, du Yémen, de la Libye ou du Congo). L'annonce du retrait des troupes américaines, une idée conçue par l'administration Obama en 2011, mais prévue pour le 11 septembre 2021, met sur la table plusieurs considérations sur ce conflit, que nous allons maintenant examiner.

La première est la forte charge symbolique du retrait. Bien que Joe Biden ait décidé de prolonger la présence militaire au-delà du 1er mai - date limite que son prédécesseur dans le bureau ovale de la Maison Blanche avait convenu avec les talibans, malgré les menaces d'attentats - la décision finale a été prise. Le 11 septembre marque non seulement le vingtième anniversaire des attaques contre les tours jumelles et le Pentagone, mais montre également que les États-Unis ne peuvent pas être éternellement le gendarme du monde. L'Afghanistan est une guerre que Washington n'a pas pu gagner et à laquelle il n'a pas su mettre fin, et le retrait porte en lui un message implicite au monde entier : deux décennies plus tard, les États-Unis ont dit qu'ils en avaient assez.

La seconde dérivée nous laisse entrevoir une politique étrangère de l'administration Biden qui semble plus pragmatique, plus austère, voire plus utilitaire. L'annonce du retrait n'est pas une surprise absolue, mais la manière dont il sera mis en œuvre l'est. Antony Blinken veut tourner la page au plus vite et fermer ce livre sanglant de l'histoire récente. L'Afghanistan a été l'un des cailloux dans la chaussure des États-Unis depuis la fin de la guerre froide, et la nouvelle politique étrangère du pays implique un engagement ferme à retirer définitivement les quelque 3 000 soldats qu'il a déployés en Afghanistan, une fois qu'il aura assuré une sortie sûre, ordonnée et décisive. Sans grandiloquence, mais avec une main ferme. Une stratégie très similaire à celle suivie en Libye, d'ailleurs.

Le troisième élément à souligner est ce que la décision pourrait signifier pour les relations transatlantiques. Des deux côtés de l'Atlantique, on a répété qu'en Afghanistan "nous y sommes entrés ensemble, nous avons appris ensemble, nous avons combattu ensemble, nous partons ensemble". L'annonce du retrait de Washington du pays d'Asie centrale a été accompagnée, quelques heures plus tard, de l'annonce du retrait de l'Alliance atlantique. L'OTAN met ainsi fin à son opération internationale de maintien de la paix la plus longue (18 ans) et la plus solide (l´ISAF a atteint un total de 130 000 soldats sur le terrain et cinquante pays participants). Il est presque impossible d'imaginer une mission internationale dans le pays asiatique qui ne soit pas dirigée par Washington, et il faudra analyser l'impact du nouveau scénario sur les zones géographiques et thématiques d'intérêt commun à tous les alliés : les relations avec la Russie et la Chine, la lutte contre le terrorisme à l'échelle internationale, les États en déliquescence, les armes de destruction massive, etc. Et rappelons-nous que le conflit afghan a été la seule fois où les alliés ont invoqué l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord, non pas pour accroître le parapluie sécuritaire de l'Amérique en Europe, mais pour que les pays européens aident Washington.

Enfin, n'oublions pas la réaction de la communauté internationale au retrait américain. Avec ou sans la présence militaire de Washington et des autres membres de l'OTAN, l'obtention d'un accord de paix viable semble bien lointaine, et le vide de pouvoir provoqué par le retrait des troupes américaines ne fait que soulever des questions sur la solution possible au conflit afghan. Rappelons qu'il s'agit de l'un des conflits les plus multiformes et multidimensionnels de la scène internationale actuelle, dans lequel plusieurs couches se superposent sur un même théâtre : les talibans, la présence résiduelle de Daech, les seigneurs de la guerre et de l'opium, et le gouvernement central. Ce serait une erreur stratégique majeure que d'abandonner complètement ce pays d'Asie centrale. Maintenir une présence diplomatique, une aide humanitaire et un soutien logistique au gouvernement afghan est donc probablement une bonne idée. Sans oublier la nécessaire implication des pays voisins directement touchés par l'insécurité émanant de Kaboul. Le Pakistan, l'Iran et, surtout, la Chine, auront les yeux grands ouverts. Il faudra surveiller les pourparlers entre les talibans et le gouvernement afghan qui auront lieu prochainement en Turquie, et voir quel message la communauté internationale enverra au pays d'Asie centrale à partir de septembre.

Miguel Ángel Medina, directeur adjoint de la chaire d'études mondiales Antoni de Montserrat de l'Universitat Abat Oliba CEU.

Précédemment publié dans The Diplomat
 

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