Coopérative Realpolitik

Pedro Sánchez Mohamed VI España Marruecos

Le retournement de situation de Sánchez était très attendu au Maroc. La France et l'Espagne, ainsi que le Royaume-Uni et l'Allemagne, connaissent bien l'histoire marocaine au Sahara. Accepter le généreux Plan d'Autonomie des Provinces du Sud du Royaume, comme le fait la communauté internationale, c'est reconnaître la pleine souveraineté du Maroc sur ses territoires ancestraux.

La visite de Sánchez à Rabat marque un tournant dans les relations diplomatiques hispano-marocaines. Et tout indique qu'un véritable partenariat sera forgé, au-delà des intérêts nationaux, qui comprendra également des intérêts stratégiques communs, en vue de défendre l'espace géopolitique commun aux deux voisins.

L'évolution démocratique et sociale du Royaume du Maroc, sa stabilité et son "soft power" reconnu l'ont positionné auprès des décideurs. Le pays est considéré comme le partenaire le plus solide des États-Unis, de l'UE et de l'OTAN en Afrique du Nord. En effet, il est le seul pays capable de garantir la paix, la prospérité et la sécurité. Ce sont des éléments essentiels pour tisser des relations internationales dans un ordre mondial troublé. 

Sur le flanc sud, le Maroc constitue un solide bastion pour l'Espagne face à l'instabilité d'une Algérie en panne, d'une Libye en reconstruction et d'un pays comme la Tunisie en régression. Tous ces pays ont pour frontière, au sud, non loin de l'Espagne et de l'Europe, des groupes terroristes qui errent librement dans le Sahel.

Ce scénario, associé à la crise de guerre actuelle au centre de l'Europe, appelle à une unité sans faille. Les États-Unis, l'UE et tous leurs alliés sur les cinq continents élaborent des stratégies globales pour réduire la Russie et ses alliés à néant par l'invasion macabre de l'Ukraine.

Ce contexte aurait précipité le changement de la politique étrangère du gouvernement Sánchez qui, en plus d'être conforme aux résolutions de l'ONU, implique une lecture intelligente des menaces réelles qui pèsent sur l'espace commun hispano-marocain avec le risque de s'étendre à toute l'Europe. La nécessité de s'y attaquer conjointement, à temps et avec force, exige une unité d'action urgente.

Malgré cela, de nombreux politiciens et analystes espagnols ne voient pas les raisons qui poussent Sánchez à opérer un revirement qui constitue la seule base réelle pour résoudre un problème inventé qui dure depuis près de 50 ans et dont les victimes sont des "personnes", littéralement abandonnées à leur sort. Certains par idéologie (Podemos, Bildu, ERC, CUP), d'autres par intérêt partisan (Vox, PP) et le reste brandit des arguments fantaisistes d'humiliation, de reddition, entre autres bêtises. En tout état de cause, il s'agit de raisons d'État, supranationales, qui n'ont rien à voir avec Ceuta, Melilla ou les eaux des îles Canaries, qui ne sont que des questions mineures.

La véritable menace vient des mercenaires du Polisario, qui sont devenus un vivier pour Daesh, et des mercenaires russes de Wagner. Les deux milices, soutenues par la junte militaire algérienne et le tsar Poutine de Russie, pourraient à tout moment déstabiliser un Maghreb affaibli, déplaçant le conflit vers l'Espagne. Poutine et son allié algérien pourraient faire germer des ramifications de la guerre Russie-Ukraine dans le Sahel. Face à ce scénario incertain, il était logique que Sánchez prenne position. Le geste infâme de l'Algérie, qui a rappelé son ambassadeur à Madrid pour des consultations et augmenté le prix du gaz en représailles, est typique d'un État qui voit ses intérêts menacés. Cet intérêt n'est autre que son ambition expansionniste vers l'Atlantique sur le dos des idiots du Polisario.

D'un point de vue économique, la nouvelle alliance renforcera le processus d'intégration de l'économie euro-marocaine, mené par l'Espagne, en mettant en œuvre les nouvelles priorités stratégiques d'un statut avancé avec l'UE, qui avait élevé le Maroc, lors du Conseil d'association de juin 2019, au rang de "partenaire de l'Europe pour une prospérité partagée", dans le cadre du nouvel Agenda de voisinage.

Cette coopération pourrait-elle donner un coup de pouce au méga-projet de pont entre les deux rives ou à l'installation du gazoduc Nigeria-Maroc-Espagne-Europe ? Les deux projets sont réalisables. Ce dernier point est le plus urgent, car l'Algérie a déjà prêté allégeance à la Russie, ce qui met en péril son partenariat avec l'UE.

La crise énergétique actuelle oblige le Maroc et l'Espagne à continuer à soutenir l'agenda vert en promouvant des projets de cette nature. Surtout lorsque les provinces du Sud sont en plein développement. Et l'Espagne, depuis les îles Canaries, pourrait participer à ces énergies (éolienne et solaire) en plus de l'hydrogène vert. De plus, le port de Dakhla, qui est en cours de construction, nécessiterait des autoroutes et des réseaux ferroviaires parallèles pour le transport de conteneurs (et de passagers) qui relieraient les provinces du Sud à celles du Nord, ainsi que la distribution par la route avec les pays de la CEDEAO.

En bref, les possibilités économiques sont énormes si l'on considère l'effet multiplicateur de tous les investissements possibles, publics et privés, et leur impact sur la création de nouveaux emplois dans les deux pays. Des investissements qui s'intégreraient dans le Nouveau Modèle de Développement (NMD) du Maroc et bénéficieraient des avantages offerts par la Charte d'Investissement récemment approuvée, qui prévoit des primes importantes. Une coopération "gagnant-gagnant" où la compétitivité partagée et la complémentarité factorielle des entreprises des deux côtés du détroit de Gibraltar et de l'Atlantique Sud prévaudront.

La décision de l'Espagne, qui sera suivie par la France et le Royaume-Uni, qui ne l'ont pas encore fait officiellement mais l'ont fait verbalement, ainsi que par l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas, etc., n'est qu'un pas de plus vers la libération du peuple sahraoui, qui souffre depuis longtemps, du joug algéro-polonais. Outre le déblocage des relations hispano-marocaines, qui se limitaient davantage à une coopération économique et antiterroriste, la décision de Sánchez neutralise toute ambition russo-algérienne dans l'Atlantique. 

Aujourd'hui, nous pouvons prédire la construction de relations avancées, au moins comparables aux relations franco-marocaines, sinon supérieures pour des raisons de proximité et d'espaces géopolitiques communs très particuliers.

En ce sens, une coalition défensive hispano-marocaine serait-elle possible des Baléares en Méditerranée aux Canaries en Atlantique, en passant par le Sahel ?
 

Envíanos tus noticias
Si conoces o tienes alguna pista en relación con una noticia, no dudes en hacérnosla llegar a través de cualquiera de las siguientes vías. Si así lo desea, tu identidad permanecerá en el anonimato