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COVID-19 : L’Afrique l’impossible pronostic

photo_camera Coronavirus in Africa

Mais que se passe-t-il donc en Afrique en ces temps de COVID-19 ? L’hécatombe annoncée par l’OMS n’a pas eu lieu et le continent semble se porter mieux que l’Europe et l’Amérique. Infrastructures médicales limitées voir désastreuses, système sanitaire fragile et quasi inexistant… L’Afrique n’avait apparemment aucun atout et aucune chance de s’en sortir en ces temps de pandémie. 

Mais elle a encore une fois, étonné et démenti les pronostics et tous les scénarios catastrophes que les Cassandre du monde lui prédisaient. Cette situation a interpellé, scientifiques, médecins, laboratoires et sociologues. Aujourd’hui, on se rend bien compte que le continent est toujours méconnu et n’obéit pas aux critères d’évaluation utilisés pour le jauger. L’Afrique demeure cette terra incognita pour le monde et les experts qui lui présageaient une mort certaine n’ont toujours pas compris son fonctionnement. Mais que se passe-t-il vraiment ? Et pourquoi les Africains parlent-ils aujourd’hui de maladie de « blancs » ?

Les prévisions de l'OMS étaient sombres. En mai dernier l’Organisation mondiale de la santé prévoyait 190 000 morts. Toutefois, les dernières statistiques de CDC Africa, comptabilisent 252,544 contaminations et 67.779 décès contre 150 000 décès en Europe. Ces chiffres peuvent être contestés bien évidemment. Ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les régimes autoritaires africains rompus à toute transparence et le manque de moyens pour tester et dépister les malades peuvent faussés de façon significative ces statistiques. Mais ce qui est sûr c’est que nous sommes bien loin des fosses communes qui ont servies de sépulture au Brésil et aux Etats-Unis. Le continent n’est pas en train de vivre la tragédie promise. 

L’Afrique compte 54 pays et 1, 2 milliards d’habitants et les stratégies mises en place pour faire face à la crise sanitaire sont aussi multiples. Les pays africains ont été touchés différemment par le coronavirus et si une grande partie a été épargnée jusqu’à présent par le virus, ce n’est pas le cas de tous. L’épidémie continue de progresser en Egypte, en Algérie, en Afrique du Sud et à Madagascar. « Avant que nous ayons accès à un vaccin efficace, je crains que nous devions vivre avec une hausse constante dans la région, avec des foyers à gérer dans de nombreux pays, comme c'est le cas actuellement en Afrique du Sud, en Algérie, et au Cameroun, qui nécessitent de très fortes mesures de santé publique », prévient Matshidiso Moeti, directrice régionale de l'OMS pour l'Afrique. 

L’Afrique compte 3 % du total mondial des cas de contamination au covid-19 selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Ce faible taux s’explique en partie par la jeunesse de ses populations dont 60% a moins de 25 ans. Par ailleurs, sa population vieillissante est très faible. Le continent compte 5% de personnes âgées de plus de 65 ans. L’Italie qui a payé un pesant tribut lors de la pandémie, compte à titre de comparaison la démographie la plus vieille d’Europe. Selon l’OMS « Dix des 54 pays d'Afrique recensent 80 % des cas, et l'Afrique du Sud à elle seule 25 % d'entre eux. Plus de 70 % des décès sont enregistrés dans seulement cinq pays : Afrique du Sud, Algérie, Nigeria, Égypte et Soudan ». 

Si l’Afrique du Nord s’en sort moins bien c’est à cause de sa proximité et de ses liens avec l’Europe mais elle se distingue également par la nature de ses populations. A titre d’exemple, l’Algérie est un des pays où l’on vit le plus longtemps en Afrique. 

Un autre facteur pèse également dans cette crise. En Afrique, on parle d’immunité croisée. Les populations qui sont en contact avec différents microbes pathogènes et et qui ont fait face à des virus comme l’Ebola ont renforcé leur immunité et leurs corps répondent mieux à l’attaque du nouveau virus. 

La chaleur est également un facteur qui intéresse les scientifiques et beaucoup d’expertises sont en cours pour étudier le comportement du virus en fonction de la température. Certains pensent que son incidence a joué un rôle important dans le ralentissement de la propagation du virus en Afrique. La combinaison entre la chaleur et le mode de vie à l’africaine qui préconise le plein air a abouti à protéger les populations. 

Le paludisme aurait aussi une incidence selon certaines pistes de recherches. Les malades soumis à l’hydroxychloroquine (traitement administré contre le paludisme), seraient moins sensibles au Covid-19 et et mieux lotis contre ses effets. 

Alors que la courbe épidémique s’envole à Madagascar qui était jusque-là épargné, la vigilance reste de mise sur le continent et certains scientifiques préviennent : il se pourrait que la pandémie soit plus lente en Afrique mais ce qui est sûr c’est qu’elle continue d’avancer.  

La faim et le chômage semblent suivre cette montée exponentielle. En Algérie, un homme s’est immolé la semaine dernière parce qu’i n’arrivait plus à nourrir sa famille et les émeutes du Kenya sont toujours présentes dans les esprits. Les violences policières, quant à elles, n’ont cessé d’augmenter dans la majorité de ces pays et leurs courbes est bien plus difficile à inverser que celle du COVID-19.