Avis

Il est urgent de modifier la règle de l'unanimité dans l'UE

photo_camera Atalayar_ Unión Europea

Trois pays ont opposé leur veto à la mise en œuvre du fonds de relance européen, les 750 milliards d'euros qui tenteraient d'atténuer la débâcle financière causée par la pandémie. Bien sûr, les 140 milliards d'euros qui correspondraient à l'Espagne pendent aussi du blocus de ces fonds, et dans lequel le gouvernement de Pedro Sánchez place l'axe de réussite de son mandat. Comme tout est étroitement lié, le cadre financier pluriannuel 2021-2027, avec ses 1 100 milliards d'euros, et le budget 2021 lui-même, estimé à 160 milliards, sont également dans l'air.  

Il serait évidemment facile de reprocher à la Hongrie, à la Pologne et à la Slovénie de ne pas admettre que la réception de ces fonds est soumise à une évaluation du respect de l'État de droit dans le pays bénéficiaire. Cette évaluation était une concession nécessaire pour l'accord, demandée par les pays dits frugaux qui, avec les Pays-Bas en tête, sont les plus économes et donc ceux qui contribueront le plus à la solidarité communautaire. Cette demande est d'autant plus logique qu'il n'est pas facile d'expliquer à une opinion publique austère que le fruit de leurs économies va être "dilapidé" par ceux qui ont la réputation, bien que largement injuste, d'être des manirottes.

C'est une question épineuse, dans la mesure où ce pilier fondamental de l'acquis européen est ouvert à une interprétation qui, sans remettre en cause le noyau des libertés démocratiques fondamentales, peut être interprétée de différentes manières. Du point de vue le plus strict, les tentatives du gouvernement de Mateusz Morawiecki en Pologne de domestiquer le système judiciaire risquent de miner l'État de droit tout autant qu'en Espagne par une réforme de l'élection du Conseil général du pouvoir judiciaire. C'est précisément l'argument avancé par Varsovie. Les mesures implacables de Viktor Orban pour freiner l'immigration clandestine en Hongrie pourraient être placées sous le même éclairage que celles adoptées en Grèce, par exemple, où les camps de réfugiés désespérés ressemblent à des camps de concentration. Les pressions exercées sur les médias et les journalistes magyars ne semblent pas non plus très différentes des tentatives de création d'un "ministère de la vérité" sous d'autres latitudes européennes.

Cependant, la subordination des fonds à une évaluation de l'État de droit est un pacte conclu entre le Conseil des chefs d'État et de gouvernement et le Parlement européen, qui laisse peu de place à la renégociation. Il est très probable que l'on trouve une formule qui permettra aux Polonais, aux Hongrois et aux Slovènes de sauver la face, d'autant plus qu'ils font également partie des pays qui bénéficient le plus de la manne des fonds de relance tant attendus. 

Risque d'accélération de l'effondrement

Ce retard ajouterait encore plus d'incertitude et d'effondrement économique à celui qui s'est déjà produit. La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a déjà mis en garde contre cette situation, ayant reçu les données qui démontreraient la prolongation de l'hiver économique dans lequel l'UE, notamment toute la zone euro, est plongée.

Cela met une fois de plus en évidence le problème posé par la règle de l'unanimité, qui permet d'arrêter des initiatives ou des mesures de nature impérative en raison de la divergence ou de la réticence d'un ou de plusieurs membres de cette société qu'est l'Union européenne. Il est vrai que des mécanismes ont déjà été essayés et mis en place pour contourner la règle, mais l'accord nécessaire n'a pas été trouvé pour mettre en œuvre une Europe à deux vitesses ou plus, conformément aux souhaits ou à la volonté d'avancer d'un ou plusieurs d'entre eux dans de nombreux domaines.

Les accords par consensus ont l'avantage d'obtenir des concessions de la part de tous les acteurs, mais en échange ils présentent l'inconvénient de leur lenteur exaspérante alors que la compétitivité entre les acteurs mondiaux qui se disputent le monde est chaque jour plus dure et plus agressive. Le cas présent démontre le caractère péremptoire de la question fondamentale, à savoir l'obtention des fonds nécessaires pour faire face à la catastrophe causée par la pandémie. Cela n'empêche pas que ce qui serait le plus petit dénominateur commun de l'État de droit au sein de l'UE soit abordé avec détermination mais avec suffisamment de calme. 

On pourrait dire que le noyau fondateur - Allemagne, France, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg - avait une homogénéité démocratique qui a été échangée contre la diversité au fur et à mesure des élargissements successifs. C'est une raison de plus pour entreprendre cette révision, qui ne doit cependant pas céder sur le respect des libertés fondamentales, mais qui ne doit pas empêcher les personnes les plus déterminées de faire des progrès dont, au final, tous les Européens bénéficieront.