L'Éthiopie est-elle importante ?
L'Éthiopie existe. Personne n'en doute, mais est-ce important ? Réfléchissez-y et répondez honnêtement. Ce pays, situé dans la Corne de l'Afrique, compte 115 millions d'habitants. Le voyage en avion de Madrid à sa capitale Addis-Abeba, avec une escale, dure environ dix heures, en fonction de l'endroit où s'effectue le transit. Un vol long et fatigant. L'Éthiopie est loin de l'Espagne, mais elle est aussi loin de nos cœurs.
Il n'y a pas si longtemps, il était à la mode de voyager dans ce pays : ses temples et ses églises chrétiennes, le plus grand marché de tout le continent africain et ses magnifiques paysages naturels servaient d'attraction touristique. Une fois sur place, sortir des sentiers battus signifiait emprunter une route qui n'avait rien à voir avec ce qui était annoncé ; sortir des sentiers battus signifiait entrer dans une autre réalité, moins sympathique, qui ne pouvait cacher la pauvreté et la famine dont souffrait une grande partie de la population. Selon l'itinéraire choisi et la main qui vous guide, les choses changent comme les champs changent à chacune des saisons de l'année. Ceux qui ont opté pour cette autre voie parlent d'une expérience inoubliable, pour le meilleur et pour le pire ; aussi d'une voix qui s'installe dans la conscience et qui, au début, vous hante continuellement, bien qu'avec le temps et le retour à la vie quotidienne, elle s'estompe comme les flammes d'un feu de joie abandonné.
L'Éthiopie est éloignée non seulement géographiquement, mais aussi de notre intérêt, de notre regard. Aujourd'hui, elle fait occasionnellement la une des médias car, outre la faim et la misère si caractéristiques (et supposées) de cette partie du monde, la guerre civile qui a débuté en novembre dernier lorsque les rebelles du Tigré ont attaqué une base militaire s'aggrave. Une année qui ne semble pas vouloir ouvrir la porte à la paix. Ces jours-ci, les bombardements viennent de l'autre côté : de l'armée officielle du gouvernement d'Abiy Ahmed, au pouvoir depuis 2018.
Les deux parties sèment le chaos dans un pays déjà chaotique. Les morts se comptent par milliers, les personnes déplacées dans cette partie nord de l'Éthiopie sont désormais au nombre de deux millions, et les personnes qui espèrent survivre en s'appuyant sur les ONG présentes dans la région sont au nombre de cinq millions. L'horreur, c'est que la situation est si grave que même l'aide humanitaire n'arrive pas là où elle doit aller. Ni nourriture, ni médicaments. Ces chiffres sont fournis par l'ONU, qui a également vu sept de ses hauts fonctionnaires expulsés.
L'Éthiopie existe, mais ni dans les cafés, ni dans les bus, ni dans les conversations entre amis ou membres de la famille, elle ne devient le protagoniste, le sujet du débat. C'est loin, c'est vrai, mais l'éloignement ne doit pas être synonyme du mot insensibilité.