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La dictature cubaine fait son œuvre, davantage de restrictions de la liberté

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Il n'y avait rien d'autre à attendre. Les manifestations inattendues et surprenantes qui ont eu lieu dans tout Cuba aux cris de "Liberté", "La patrie ou la vie" ou "A bas la dictature" n'ont fait qu'alerter la gérontocratie communiste qui règne sur l'île que son pouvoir pourrait vaciller. Pour le président Díaz Canel, son supérieur Raúl Castro et le reste de la "nomenklatura" au pouvoir, les manifestations ne sont rien d'autre que les tentatives contre-révolutionnaires d'une infime minorité de saper leur "paradis", encouragées par des noyaux anticastristes aux États-Unis.

Loin d'écouter les appels à plus de liberté et de démocratie, le régime cubain est revenu à ce qu'il fait de mieux : la répression et les restrictions. Des centaines d'arrestations de manifestants et de dissidents doivent encore être élucidées, sans parler de la mort mystérieuse en cascade de pas moins de six généraux de l'armée cubaine, et le régime a publié sa première loi sur la cyber-sécurité. Il établit jusqu'à 17 "incidents", une manière douce d'énumérer les crimes que le régime considère comme présentant un danger moyen à très grave, tous punissables par les différents degrés d'emprisonnement déjà prévus par le sévère code pénal cubain.

Comme il est d'usage dans toute dictature qui se respecte, pour les dirigeants de La Havane, les crimes les plus graves sont "la diffusion de fausses nouvelles, de messages offensants, de messages diffamatoires et de ceux qui ont un impact sur le prestige du pays". La loi cubaine n'entre pas dans le détail de ce en quoi consiste chacune de ces infractions. Il va donc de soi que les fausses nouvelles, les messages diffamatoires ou le discrédit du pays seront tout ce que veulent ses dirigeants communistes, qu'il s'agisse de propager la famine et le manque d'horizons dont souffre la grande majorité de la population, de la confiscation de la majeure partie du salaire que devraient recevoir les travailleurs de la santé ou les éducateurs cubains en mission à l'étranger, ou de la corruption qui sévit parmi les dirigeants et les institutions qui jouissent d'un certain pouvoir. 

La seule chose que le régime semble avoir apprise des manifestations du 11 juillet est que l'accès de la population à l'internet signifie que les gens ont beaucoup plus de sources d'information que les sources officielles du régime. Arrivé à Cuba en 2018, l'internet mobile a fait gonfler les réseaux de récits de Cubains qui démontreraient à leurs propres compatriotes l'asphyxie informationnelle à laquelle le régime les soumet depuis 63 ans, et, en somme, les a maintenus dans un mensonge permanent depuis quatre générations.

A chacun son "blocus"

Il est ironique que, pour un régime qui fonde l'un des piliers de sa légitimité à se prolonger indéfiniment sur le "blocus" auquel il est censé être soumis par les États-Unis, il bloque à son tour toute tentative de liberté d'expression du peuple cubain. La promulgation de cette nouvelle loi sur la cybersécurité coïncide d'ailleurs avec la condamnation par La Havane du Sénat américain pour "agression", lorsque la Chambre des représentants a adopté un amendement qui oblige le président Joe Biden à utiliser toutes les capacités technologiques du pays pour fournir aux Cubains un accès illimité à l'internet, en contournant la censure du régime.

Cette mesure coïncide également avec un nouvel emprisonnement du dirigeant de l'Union patriotique cubaine (Unpacu), José Daniel Ferrer. Assigné à résidence, le dissident et leader de l'opposition n'a pu participer activement à aucune des manifestations organisées dans plus de 40 villes cubaines le 11 juillet. Cela n'a pas empêché le régime de l'inculper de "trouble à l'ordre public" et de lui infliger une nouvelle peine de quatre ans de prison. Le Parti communiste cubain (PCC) craint l'importance croissante de Ferrer, qui s'est permis de créer un parti politique, le Parti du peuple, en opposition au seul parti autorisé, le Parti communiste, et d'être élu parmi les dissidents à la tête du soi-disant Conseil pour la transition démocratique à Cuba.

Comme c'est devenu une habitude lassante, chaque geste du régime cubain qui laisse entrevoir une ouverture ou une évolution est suivi presque immédiatement d'un nouveau tour de vis sur les libertés et d'un durcissement du traitement des dissidents ou des militants de l'opposition. Ce comportement pourrait également être interprété d'une autre manière : les naïfs qui, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'île, entretiennent la moindre lueur de confiance dans le fait que le régime finira par s'ouvrir, en contradiction avec l'expérience historique selon laquelle aucune dictature des soi-disant gauchistes n'est jamais tombée pacifiquement, devraient perdre tout espoir.