La famine résultant de la guerre en Ukraine frappe déjà les pays arabes
Importateurs de plus de 50 % du blé qu'ils consomment en provenance de Russie et d'Ukraine, les pays du Moyen-Orient tentent tant bien que mal d'atténuer la famine qui les touche déjà tous, notamment le Liban, le Soudan, l'Égypte, la Somalie, la Syrie et les territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, ainsi que le Yémen, ravagé par la longue et sanglante guerre qui ravage le pays depuis huit ans. C'est l'une des conséquences les plus dramatiques de l'invasion et de la destruction de l'Ukraine, déclenchées par le président russe Vladimir Poutine.
Plusieurs de ces pays souffraient déjà de pénuries alimentaires dues à la sécheresse, notamment la Somalie, qui connaît sa pire sécheresse depuis 40 ans, tandis que l'instabilité politique et la fragilité de son gouvernement ont facilité une résurgence djihadiste qui menace également toute la bande sahélienne.
Le Liban, qui présente malheureusement toutes les caractéristiques d'un État en faillite, ne peut plus nourrir deux millions de ses propres citoyens ni plus d'un million de réfugiés palestiniens et syriens, dont l'afflux massif fuyant la guerre en Syrie a déchiré les coutures du pays des cèdres. Le Liban importait auparavant 66 % de son blé d'Ukraine et 12 % de Russie. Le manque d'approvisionnement depuis que ces réserves ont commencé à manquer a entraîné une forte hausse du prix du pain et l'imposition d'un rationnement. Pire encore, même s'ils pouvaient compenser les pénuries par d'autres sources, leur capacité de stockage est désormais inférieure de moitié à ce qu'elle était avant 2020, lorsque l'explosion massive du port de Beyrouth a détruit leurs stocks de céréales et réduit en cendres un quart de la capitale.
La Syrie, dont la guerre civile n'est pas encore totalement terminée, n'est pas moins touchée. Toutefois, l'interruption des approvisionnements en blé en provenance d'Ukraine a fait grimper les prix en flèche. Les familles syriennes, déjà accablées par onze années de guerre, ont dû réduire encore davantage leur consommation alimentaire. Le spectre de la malnutrition est devenu une triste réalité, en particulier pour les enfants, dont les taux de mortalité ont ramené le pays à une situation qui rappelle les périodes les plus sombres de son histoire.
Les réfugiés palestiniens de la bande de Gaza ont vu leur sort s'aggraver encore. La crise économique a encore réduit la capacité des agences des Nations unies et des ONG à distribuer de la nourriture dans la région. À Gaza, dont l'approvisionnement alimentaire global dépend à 70 % des importations, les besoins en blé et en farine ont transité par l'Égypte, qui a elle-même été frappée par des pénuries dues à la guerre en Ukraine et qui peine à répondre aux besoins de ses quelque 100 millions d'habitants. La première conséquence, tant au pays des pyramides qu'à Gaza, a été une explosion des prix. Dans l'enclave côtière de Gaza, soumise à un blocus, la situation a encore été aggravée par les effets dévastateurs des opérations successives de missiles de représailles israéliens et de la pandémie de COVID-19.
Comme le reste du monde, gravement touché d'une manière ou d'une autre par cette guerre, les pays arabes cherchent des solutions urgentes pour remplacer leurs importations de céréales en provenance d'Ukraine et de Russie, les greniers stratégiques du monde. Et, comme les autres, ils comptent aussi sur les États-Unis, le Canada, l'Inde et la France pour combler le vide. Dans la région du Moyen-Orient, ils savent que ces importations seront de toute façon plus chères et insuffisantes. Il est déjà clair que la volatilité des prix du blé et les pénuries entraînent une augmentation de la faim chez les plus pauvres. Et il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que l'insécurité alimentaire déclenche une pression sociale qui, dans un passé récent, a conduit à l'instabilité, à des troubles et même à des changements de régime.
Les famines ont toujours été la cause immédiate de conflits majeurs, de guerres civiles et de guerres entre deux ou plusieurs pays, et ont à leur tour entraîné l'affaiblissement des populations et la propagation de nombreuses maladies. Pour Vladimir Poutine, tout cela n'est qu'un effet secondaire de son "opération militaire spéciale" en Ukraine. Mais l'humanité ne doit pas pardonner cela.