La misère des enclavés 

La miseria de los enclaves 

Depuis que le Maroc a décidé d’interdire la contrebande et de fermer les points de contact avec les deux enclaves espagnoles, Ceuta et Melilla, rien n’a été fait pour permettre aux populations qui vivaient de ce commerce « atypique » de tenir.  

Les frontières poreuses entre le Maroc et l’Espagne font vivre des milliers de familles et la contrebande florissante a permis l’expansion d’un marché parallèle, plutôt toléré et qui a bénéficié aux deux riverains pendant de longues années.    

Du côté marocain, les plus démunis louent leurs corps et force de travail pour acheminer les marchandises vers le marché local. Les femmes sont en première ligne, chargées de lourds ballots, le dos courbé, elles traversent les frontières plusieurs fois par jour, ce qui leur a valu le sobriquet de femmes mules. Une pseudo paix sociale s’est installée dans la région même si elle profitait aux plus riches.  

En ce mois de février 2021, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de Fnideq pour exprimer leur ras le bol d’une année qui a vu leur pouvoir d’achat s’éroder sans qu’on leur apporte le moindre soutien. Une asphyxie économique que les populations locales vivent comme une terrible injustice depuis l’arrêt de tout commerce au poste de Bab Sebta en octobre 2019. Rappelons que le poste frontalier de Melilla est, quant à lui, fermé depuis 2018. « Nous n’avons plus de quoi vivre ! » scandent les manifestants face aux autorités qui ont été incapables de créer un cercle vertueux, d’intégrer les frontaliers dans les chantiers de développement de la région notamment dans le mastodonte Tanger Med qui pourrait absorber une bonne partie du chômage dans ces zones enclavées. Par ailleurs, et malgré les promesses et les annonces faites, rien n’a été pensé dans l’immédiat pour permettre à des milliers de personnes de gagner leurs vies dignement suite à l’arrêt brutale de leurs activités et les projets prévus dans la région ne pourront avoir de réelles retombées économiques que dans une dizaine d’années, préviennent les spécialistes.  

Les tensions actuelles pèsent lourdement sur l’équilibre économique fragile et précaire sur lequel s’appuient des milliers de foyers au royaume. C’est le poids du commerce informel au Maroc que l’on questionne à travers cette crise. Il est estimé entre 20 et 30% du PIB du pays et serait créateur de 70% des emplois qui pèsent de tout leur poids dans la crise actuelle. En volume cette activité illégale est évaluée entre 15 à 20 milliards de DH. Le site marocain Media 24 rapporte dans un entretien accordé au ministre Ahmed Reda Chami à propos de la fermeture de Bab Sebta qu’il s’agit d’ "une décision qui s’inscrit dans une logique de souveraineté nationale", (...) "une mesure nécessaire [qui] permet de stopper les flux de la contrebande qui pénalise le made in Morocco, favorise l’informel et la fraude fiscale et entretient la vulnérabilité sociale dans cette zone. Notamment pour les femmes et les familles qui vivent et survivent des activités de contrebande ». 

Des mots qui n’apaisent pas la colère des manifestants qui exhortent les autorités à ré-ouvrir les frontières. Une requête qui ne semble pas à l’ordre du jour du côté de Rabat.  

Vendredi dernier le sit-in du boulevard Mohammed V n’a pas été autorisé et les manifestants se sont inscrits, de facto, en dissidence. La préfecture de M’diq-Fnideq l’a considéré comme étant une violation des dispositions de l’état d’urgence sanitaire. Si la police a voulu disperser les populations, les affrontements ne se sont pas fait sans heurts. Du côté de la police on déplore 6 blessés. Jets de pierre et bousculades ont également été recensés et conduits dix autres personnes à l’hôpital. Les responsables locaux ont ouvert une enquête mais quelle réponse apporter à la crise ?  

A la préfecture de Fniq on promet un " programme relatif à l’élaboration et la mise en oeuvre de mécanismes d’appui et d’accompagnement visant à impulser l’employabilité et promouvoir l’entrepreneuriat au profit des personnes en situation de précarité, notamment les femmes et les jeunes". En appuie à ces mesures, 400 millions de dirhams (MDH) ont été débloqué pour la réalisation d’une série de projets dans le cadre du Programme intégré de développement économique et social de la préfecture de M’diq-Fnideq et la province de Tétouan. Qui sera concerné par ces mesures et dans combien de temps seront-elles effectives ? Le diable se cache dans les détails…  

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