Les adieux suisses à l'UE à la manière helvétique

Adiós suizo a la UE al helvético modo

Début juin, la Suisse perd l'un des nombreux privilèges dont elle bénéficiait dans ses relations avec l'Union européenne : son précieux matériel médical devra passer par les mêmes procédures douanières et autorisations bureaucratiques que s'il s'agissait d'un pays tiers. Ces nouveaux obstacles entraîneront une perte annuelle de quelque 80 millions de francs pour un secteur qui exporte 46% de sa production vers l'UE, mais surtout, ils introduiront une nouvelle sensation d'isolement qui pourrait s'étendre à de nombreux autres secteurs et devenir chronique. 

L'opinion publique européenne a à peine eu le temps de se rendre compte que, loin d'intensifier ses relations bilatérales et de poursuivre son intégration, la Suisse a décidé de ralentir ce processus, voire de claquer la porte. En effet, le 26 mai de l'année dernière, sept années de négociations entre Bruxelles et Berne en vue de conclure un accord-cadre qui consoliderait et approfondirait une relation qui dure depuis plus d'un demi-siècle ont pris fin dans le froid. C'est le temps qui s'est écoulé depuis l'accord de libre-échange, renforcé en 2001 par les accords bilatéraux UE-Suisse, désormais considérés comme obsolètes par les deux parties, mais surtout par Bruxelles. 

L'accord-cadre qui a échoué visait également à regrouper les plus de 120 accords qui régissent les relations entre les deux parties dans de nombreux secteurs, mais surtout à permettre que la législation européenne, très dynamique, s'applique automatiquement à la Confédération suisse également, de la politique agricole commune aux exigences et conditions du commerce des équipements médicaux, en passant par les réglementations actuelles et futures du système financier ou les droits du travail. Et, bien sûr, avec la Cour de justice européenne comme arbitre final des conflits éventuels. 

En réalité, le projet d'accord-cadre qui a échoué était conclu depuis 2018, dans l'attente de la ratification par l'UE et la Suisse elle-même. Et c'est précisément au Parlement suisse que d'intenses débats ont eu lieu, remettant en cause la pertinence de l'approbation du projet susmentionné. Finalement, trois "différences substantielles" ont été citées par Berne pour justifier l'annulation définitive des négociations : la protection des salaires, les règles relatives aux aides d'État et l'accès des citoyens de l'UE aux prestations de sécurité sociale suisses. 

Les conservateurs et les syndicats obtiennent ce qu'ils veulent

Les conservateurs de l'Union pour un centre démocratique (UDC) ont été les plus belliqueux, et par conséquent les plus fêtards, décrivant l'échec comme une "victoire pour la souveraineté suisse et la démocratie directe". Ce n'est pas l'avis des autres principaux partis de l'arc parlementaire qui, dans l'ensemble, pensent que le pays sera plongé dans l'incertitude d'un isolement progressif, qui ne sera probablement pas aussi splendide que le prédit l'UDC. 

Les syndicats sont également satisfaits, particulièrement soucieux de protéger les salaires nationaux élevés contre ce qu'ils considèrent comme une concurrence inévitable des travailleurs de l'UE à court terme. Les syndicats et une partie du Conseil fédéral suisse (gouvernement) ont fait preuve d'une intransigeance totale en refusant d'accepter les demandes de l'UE concernant l'égalité des droits (sécurité sociale) pour ses travailleurs avec leurs propres homologues suisses. Selon le ministre suisse des affaires étrangères, Ignazio Cassis, "cela aurait signifié un changement de paradigme dans la politique migratoire suisse". 

Le gouvernement suisse préconise donc de garantir la coopération bilatérale en poursuivant les accords existants, et propose "d'entamer un dialogue politique avec l'UE sur la poursuite de la coopération". Bruxelles, en revanche, ne voit pas l'intérêt d'un nouveau dialogue après la rupture du précédent. Pour l'UE-27, la Suisse bénéficie d'une relation exceptionnelle qui lui donne le privilège d'exporter vers le marché européen sans aucun contrôle ni tarif. Mais en refusant de s'aligner sur la "modernisation" de la réglementation de l'UE, les anciens accords entre l'UE et la Suisse deviendront inévitablement caducs. 

La Suisse privilégiée est géographiquement située au cœur même de l'UE, une situation qui ne lui permet a priori pas de se retrancher dans un isolement complet. En fait, le pays dépend à plus de 50 % de l'approvisionnement en électricité des pays voisins de l'UE. Le rejet de la législation européenne progressive à cet égard signifie que ce marché n'est plus privilégié, comme dans de nombreux autres secteurs. 

La coïncidence du processus houleux du Brexit pendant les négociations aujourd'hui disparues a sans doute influencé l'humeur d'au moins une partie de l'échiquier politique suisse, qui voulait imiter la prétention britannique à choisir les avantages d'une relation privilégiée avec l'UE, surtout son accès illimité à son marché intérieur, tout en rejetant les devoirs et obligations communs correspondants et pesants. 

Les impacts de cette rupture devront être observés, au moins à court terme. Les intérêts communs sont énormes, comme le montre le fait que 52% des exportations et des investissements suisses sont destinés à l'UE, qui représente à son tour 70% des importations suisses. La libre circulation des personnes, que la droite populiste voulait abolir par référendum en 2020 mais a échoué, est toujours en place : près d'un demi-million de Suisses travaillent dans l'UE, tandis que 1,4 million de citoyens de l'UE vivent et travaillent en Suisse, et 315 000 autres franchissent chaque jour la frontière pour travailler en Suisse et revenir dormir en France, en Allemagne, en Italie ou en Autriche. Trop d'intérêts entremêlés pour être marginalisés d'un seul coup. 

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