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Maroc : Le tourisme à l’heure du bilan

photo_camera Marrakech

Le mois de décembre est celui des bilans, des projections et des résolutions. Cette année, le futur est des plus incertains. On avance en tâtonnant et le virus qui ne cesse de muter et de se propager n’a pas dit son dernier mot. Pour le Maroc les leçons de cette crise sanitaire sont à retenir. 

Pays touristique par excellence, le royaume chérifien a été lourdement pénalisé par les politiques de confinement. En novembre dernier la ministre du Tourisme, Nadia Fettah affirmait que les recettes touristiques avaient connu une baisse de 63%. 

Pourtant 2019 avait été une année record en matière de tourisme : 78,6 milliards de dirhams (7,41 milliards d’euros), contre 73,04 milliards de dirhams (6,89 milliards d’euros) l’année précédente et tous les indicateurs auguraient d’une année 2020 s’inscrivant dans cette tendance haussière. Mais les touristes n’étaient pas au rendez-vous. 

Les hôteliers et autres acteurs du secteur avaient gardé une lueur d’espoir pour les célébrations de fin d’année mais là encore ça ne s’est pas fait ! 

Une semaine avant les fêtes, le ministère de l’intérieur avait annoncé de nouvelles restrictions dont la fermeture des restaurants, un couvre-feu national et l’interdiction de fêter la soirée du réveillon dans les hôtels. 

La déception était grande pour la profession déjà bien fragilisée et les restaurateurs qui avaient à peine 48 heures pour écouler toute leurs victuailles et autres produits périssables. 

En même temps, la compagnie nationale Royale Air Maroc a annoncé la reprise de vols intérieurs suspendues depuis plusieurs mois et avait renforcé ses connexions aériennes, notamment vers Dakhla, Marrakech, Agadir et lançait 15 nouvelles routes en direction de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie, de la Belgique et du Royaume-Uni…

Après la reprise progressive de l'activité des aéroports marocains, 78 vols hebdomadaires sont actuellement effectués sur 20 lignes aériennes mais les aéroports sont vides et les autorisations de déplacements entre les villes soumises à de nouvelles conditions. Le tourisme local est en berne et beaucoup d’établissements ont fermé. 

A Casablanca il n’est pas rare de voir des restaurants transformés en drogueries ou autres échoppes plus rentables. Le jeu des ouvertures et fermetures a atteint ses limites, après 4 mois de confinement sévère et le retour à de nouvelles restrictions, les commerces les plus fragiles ne s’en sont pas remis. Les petits artisans ont également fermé boutique.   

Dans un dernier soubresaut les acteurs touristiques ont essayé de réanimer la profession : « Redémarrer, Relancer et Réinventer », est devenu leur slogan mais depuis plusieurs mois la machine peine à redémarrer.  « Il faut nous résoudre à vivre avec le virus en respectant les gestes barrières », n’ont cessé de marteler les représentants du tourisme à Marrakech mais là encore la bataille n’était pas gagnée. 

Depuis plus d’une semaine, Casablanca, Marrakech, Tanger, Agadir vivent sous la contrainte du couvre-feu et leurs restaurants sont fermés. L’opération séduction lancée envers les nationaux n’a pas apporté ses fruits non plus. Les déplacements ont été soumis à de nouvelles restrictions. Les nationaux représentent 35 à 40% des revenus touristiques à Marrakech. La ville ocre à l’instar de Casablanca est classée en zone rouge ce qui la pénalise lourdement.

Dans son rapport de juillet, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement indique que sur une liste de 15 pays, l’industrie touristique marocaine est la 7e la plus touchée par la crise du COVID-19. Le manque à gagner est évalué entre 6 milliards et 11 milliards de dollars, « au pire des cas », a-t-on précisé et le pire est justement en train de se confirmer. 

La profession déplore, par ailleurs, une perte d’emploi de 50 %. Pour mémoire, le tourisme contribue à hauteur de 7 % du PIB du Maroc et la saison 2021 est déjà compromise, avertit la Fédération du tourisme. 

Pour les fêtes de fin d’année, quelques touristes européens (majoritairement français) sont venus profiter du soleil du Royaume et plus particulièrement dans les zones du Sud. « Nous avons reçu très peu de touristes dans notre établissement mais quelques Français sont tout de même venus passés les fêtes de fin d’année chez nous », avoue un hôtelier de M’hamid El Ghizlane qui préfère garder l’anonymat. Car en ce moment, il ne compte pas déclarer les clients, « Notre structure ne survivra pas aux impôts ! », conclut-il.