Menace de fracture en Israël

C'est la première fois dans l'histoire de l'Etat d'Israël que son principal emblème et garant de la sécurité nationale, c'est-à-dire une partie de ses forces armées, remet sérieusement en cause le gouvernement, allant jusqu'à utiliser le terme d'"insubordination".  

Les manifestations qui se multiplient, en intensité et en nombre, et qui montrent chaque semaine à la coalition gouvernementale, dirigée par Benjamin Netanyahu, son mécontentement et son opposition radicale au projet de réforme de la justice, ont été rejointes dimanche dernier par 37 des 40 pilotes réservistes du 69e escadron de combat de l'armée de l'air. Dans la lettre adressée à leur commandant, les pilotes ont annoncé leur intention de ne pas tenir les séances d'entraînement aérien prévues mercredi, mais plutôt de tenir des discussions en dehors des installations officielles à Jérusalem "pour sauvegarder la démocratie et l'unité du peuple". 

Cette annonce a été suivie d'une lettre ouverte des dix anciens chefs de l'armée de l'air israélienne encore en vie, du général de division Dan Tolkovsky, qui a servi de 1953 à 1958, au général de division Amikam Norkin, qui a commandé l'armée de l'air jusqu'en 2022. Les quatre commandants historiques qui n'ont pas signé la lettre sont décédés. Le texte, adressé au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au ministre de la Défense Yoav Gallant, fait état de "la grave préoccupation avec laquelle ils suivent les processus qui se déroulent actuellement dans l'État d'Israël et en particulier dans l'armée de l'air"... "Nous craignons les conséquences que ces processus représentent pour la sécurité nationale".  

Soulignant l'excellente et irréprochable motivation des pilotes réservistes dans leur service continu à l'Etat, ils appellent le gouvernement à "arrêter le processus [de réforme judiciaire] et à trouver une solution dès que possible".  

Bien qu'elle ne soit pas explicitement mentionnée, cette initiative fait suite à des discussions qui ont eu lieu dans les salles des drapeaux des casernes des Forces de défense israéliennes (FDI). Une autre lettre circulant au sein d'un des corps d'élite, la fameuse Unité 8200, avait recueilli mardi plus de 500 signatures, selon le Jerusalem Post.  

La situation est devenue si grave que le ministre de la Défense, tout en exprimant sa volonté de dialogue, dénonce "l'insubordination" qui résulterait de l'extension de ces protestations, "ce qui nuirait à la capacité d'Israël de mener à bien ses missions". L'actuel chef d'état-major général, le général de corps d'armée Herzi Halevi, l'a également souligné : "Je ne permettrai pas que l'on porte atteinte à la capacité de Tsahal d'accomplir sa mission existentielle, qui est de sauvegarder la sécurité de la nation".  

Sans renier leur droit de protester, en l'occurrence pour leur désaccord avec une réforme qui, selon eux, porterait un coup décisif à Israël en tant qu'État démocratique, d'autres généraux en exercice ainsi que l'ancien premier ministre et ministre de la défense Benny Gantz ont appelé les pilotes réservistes à "remplir leurs engagements dans leurs unités respectives, à la fois envers leurs subordonnés et leurs supérieurs ainsi qu'envers l'État d'Israël, en veillant à la protection de ses citoyens".  

Au sein du gouvernement, le controversé ministre de la Sécurité, Ben-Gvir, a pris l'opposition à partie, la rendant responsable d'une grande partie des nombreux incidents qui ont émaillé les manifestations. Ben-Gvir, qui déclare reconnaître le droit de manifester comme "un droit fondamental essentiel à la démocratie", a déclaré qu'il était prêt à "empêcher l'anarchie et l'incitation à nuire à l'État d'Israël".  

L'actuel chef de l'opposition et ancien premier ministre, Yair Lapid, a immédiatement réagi : "Le seul responsable du chaos et de la profonde division qui règnent dans la société israélienne et au sein de Tsahal est le gouvernement le plus destructeur de l'histoire de notre pays".  

Pour l'heure, et malgré les appels au dialogue avec les opposants du président Isaac Herzog, le Premier ministre Netanyahou reste déterminé à mener à bien sa réforme, qui réduirait l'indépendance du pouvoir judiciaire, en particulier celle de la Cour suprême, afin d'annuler des lois ou des règlements adoptés par la Knesset pour inconstitutionnalité. Netanyahou rappelle que l'objectif de la réforme est "le rééquilibrage des pouvoirs". Les manifestants les plus véhéments avertissent que si la réforme était adoptée, Israël cesserait d'être un État pleinement démocratique et risquerait de devenir une "république bananière". 

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