Que s'est-il passé au sommet de l'OTAN ?

OTAN

Le sommet de l'OTAN est un événement clé, non seulement en raison de la guerre en Ukraine, mais aussi de l'apparition du nouveau Concept stratégique. Ce document déterminera la politique de l'Alliance pour les dix prochaines années, avec des conséquences mondiales qui dépendront de ce qui sera écrit dans ce document

Trois choses peuvent être considérées comme acquises lors de ce sommet : 

  1. La Russie est une fois de plus l'ennemi à battre, l'invasion de l'Ukraine en étant la preuve définitive. L'Ukraine a reçu un soutien politique et militaire. Une telle déclaration sera très certainement perçue par la Russie comme une provocation. Il est fort probable que la Russie réagisse sur le terrain, en intensifiant son offensive pour contrôler le Donbas, démontrant ainsi sa supériorité numérique.
  2. La présence militaire de l'OTAN dans les États baltes et en Europe centrale et du Sud-Est s'accroît avec le renforcement de la présence avancée renforcée dans les États baltes et en Pologne et la mise en place de PEF en Roumanie, en Bulgarie, en Hongrie et en Slovaquie. Il s'agit d'un geste envers ces pays, qui réclament depuis des années une réorientation de l'Alliance vers l'Est. L'invasion de l'Ukraine par la Russie justifie une telle réorientation.
  3. La Finlande et la Suède vont rejoindre l'OTAN suite à la décision de la Turquie de lever son veto. Ces deux membres apportent à l'Alliance un contrôle accru des eaux de la Baltique et de l'Arctique, ainsi qu'une large frontière terrestre avec la Russie. La Russie réagira probablement à cette décision par des cyberattaques et des campagnes de désinformation visant à dépeindre son adhésion comme un geste belliciste de l'Occident. La Russie pourrait également jouer la carte de l'histoire et faire valoir que l'adhésion de la Finlande à l'OTAN pourrait amener Helsinki à réclamer la reconquête du territoire finlandais perdu après la Guerre d'hiver de 1939-40, en plus de sa relation spéciale avec la Russie.

Les préoccupations de l'Espagne - la reconnaissance explicite que les alliés soutiendront Ceuta et Melilla en cas d'attaque et la prise en compte des menaces du flanc sud - ont été prises en considération, mais pas avec l'attention que nous attendions probablement.

Ceuta et Melilla n'ont pas été explicitement mentionnées comme des territoires à protéger. Leur protection est couverte par le point 20 du Concept stratégique. Il stipule que l'Alliance protégera l'intégrité territoriale et la souveraineté de tous les Alliés. Mentionner Ceuta et Melilla aurait été une arme à double tranchant : s'il est certainement anormal que deux territoires espagnols ne soient pas couverts par le parapluie de protection de l'Alliance, leur inclusion explicite comme territoires méritant la protection de l'Alliance aurait impliqué qu'ils sont en danger d'être envahis, ce qui n'est pas le cas. En outre, la question de la souveraineté de Ceuta et Melilla est un différend bilatéral entre l'Espagne et le Maroc, ce dernier étant un allié majeur non membre de l'OTAN, à un moment où les relations entre les deux pays se ressoudent après la crise de l'année dernière. Le Maroc est susceptible d'interpréter une mention explicite d'une invasion de Ceuta et Melilla comme une provocation, ce qui pourrait envenimer les relations et entraîner un pic d'agressions massives de la part des immigrants illégaux.

En ce qui concerne le flanc sud, le Concept stratégique mentionne le Sahel à plusieurs reprises, mais dilue son attention sur les conflits, la fragilité et l'instabilité en Afrique et au Moyen-Orient (point 11) et sur la coopération avec les partenaires stratégiques pour faire face aux menaces dans la région (point 45). Aucun paragraphe spécifique n'est consacré aux menaces provenant de la région, et aucune disposition ne prévoit le lancement de missions dans la région. Au contraire, nous voyons l'Alliance se réorienter de plus en plus vers l'Indo-Pacifique, avec l'inclusion, pour la première fois, de la Chine comme menace, avec deux points (13 et 14) et la présence des présidents de la Corée du Sud et du Japon au sommet.

L'insistance hispanique à se préoccuper du flanc sud ouvre la porte à l'examen de la mesure dans laquelle l'Union européenne a échoué dans cette région pour que l'OTAN soit appelée à intervenir. Surtout si l'on tient compte du fait que, jusqu'à présent, on ne lui a pas demandé de s'impliquer. C'est la France et l'UE qui ont tenté de stabiliser la région sans succès, c'est donc à elles d'essayer de ramener la situation sur les rails. La guerre en Ukraine et le récent fiasco afghan rendent peu probable que l'Alliance décide de lancer une mission de combat ou de formation. Cela mettrait en colère à la fois les pays d'Europe de l'Est, qui ont gagné en influence décisionnelle avec la guerre en Ukraine, et la France, car Paris voit dans le Sahel une occasion de démontrer l'autonomie de l'UE pour assurer la sécurité mondiale sans dépendre des États-Unis. Il reste également à voir si les pays du Sahel - où prévaut un fort sentiment anti-occidental - accepteraient l'aide de l'OTAN. Ils sont susceptibles de percevoir l'OTAN comme le même chien avec un collier différent - il s'agit toujours d'une organisation militaire dirigée par des Blancs, mais avec un logo différent. S'ils rejettent l'aide de l'OTAN, le flanc sud continuera d'être ignoré.

En conclusion, l'OTAN se tourne vers l'Est et l'Indo-Pacifique. La Russie est l'ennemi, la présence de troupes en Europe de l'Est est renforcée et la Finlande et la Suède vont rejoindre l'Alliance. Ce sont les intérêts de l'Espagne qui ont été affaiblis. Ceuta et Melilla ne sont pas spécifiquement mentionnés comme des territoires à protéger, le point 20 laissant entendre que l'Alliance les protégera s'ils sont attaqués. Les préoccupations concernant le flanc sud remettent en question la capacité de l'UE et de la France à assurer la sécurité dans la région, ces deux organisations s'étant révélées incapables de contenir ou d'éradiquer l'instabilité au Sahel. L'OTAN, focalisée sur la Russie et peu désireuse, après l'Afghanistan, de se lancer dans une mission militaire, ne souhaitera pas s'impliquer. En outre, la présence des dirigeants de la Corée du Sud et du Japon et la mention de la Chine comme menace indiquent que l'Alliance se tourne davantage vers l'Indo-Pacifique comme futur théâtre d'opérations que vers le sud.

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