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Six mois pour faire de l'Europe une grande puissance souveraine

photo_camera Enmmanuel Macron

Au moins, le président français Emmanuel Macron ne peut pas être accusé de manquer d'ambition. A partir du 1er janvier, et pour six mois, la France prendra la présidence tournante du Conseil européen, avec un programme qui peut se résumer à "réaliser une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre d'adopter la politique qu'elle juge la plus appropriée et maîtresse de son destin". Tel est l'objectif, pour la réalisation duquel Macron a organisé pas moins de quatre cents réunions ministérielles et réunions des institutions et organes communs de l'UE-27 au cours du premier semestre de l'année. L'objectif est que, lorsque la France passera le relais à la République tchèque le 1er juillet, l'UE aura consolidé sa position de grande puissance dans la lutte géopolitique mondiale actuelle entre les États-Unis, la Chine et la Russie.


Les obstacles à cet égard sont nombreux et de grande envergure. Tout d'abord, le comportement de la pandémie Covid-19 et la propagation de la variante Omicron, dont le rythme brutal de contagion, même s'il est beaucoup moins meurtrier que celui des premières vagues, déséquilibre les plans de stabilisation et de relance de nombreux gouvernements européens. 
La voie que l'UE et l'OTAN, d'une part, et la Russie, d'autre part, vont emprunter à l'égard de l'Ukraine, où une bataille décisive est menée pour préserver l'indépendance et la souveraineté de Kiev à décider de son propre destin, et le désir évident de la Russie de rétablir une nouvelle version de son empire sur l'Europe de l'Est. La perdre serait un coup dur non seulement pour l'Ukraine elle-même et ses voisins, les républiques baltes émancipées et la Pologne, et certifierait la réduction de l'UE au rôle indésirable de simple spectateur de ce qui se passe non seulement dans le monde dans son ensemble mais aussi, plus grave, dans sa zone d'influence immédiate. 


Une élection présidentielle cruciale

Et, conformément aux règles démocratiques qui régissent ce grand espace de liberté et de démocratie qu'est l'Union européenne, la France elle-même sera soumise aux tensions d'une élection présidentielle cruciale. L'évolution des deux grandes questions mentionnées ci-dessus peut avoir une influence décisive sur l'expression des électeurs français. Les perspectives de la gauche et de l'extrême gauche sont actuellement sombres, comme en témoignent leur division de plus en plus évidente et la multiplication des candidats dont la seule raison d'être est, pour les vétérans socialistes, communistes et autres populistes d'ultra-gauche, de tenter de se faire une place au soleil. 


Heureusement, l'extrême droite, fragmentée cette fois entre les partisans de la vétérane Marine Le Pen et l'étoile montante du populisme Eric Zemmour, ne semble pas avoir beaucoup de chances de remporter l'Élysée. 
Tout cela fait que la course se réduit probablement à une finale entre Macron lui-même et la nouvelle chef de file de la droite néo-gaulliste, Valérie Pécresse, qui a déjà accumulé une grande expérience en tant qu'ancienne ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, mais surtout en tant que présidente à succès de la région Ile de France, la plus prospère et la plus porteuse du pays, qui comprend Paris et ses départements périphériques. 
Si, comme il est prévisible au vu de ce scénario, Macron gagne à nouveau ou que la France intronise sa première femme présidente, la vocation européenne de la France restera intacte et même plus accentuée si possible. 

Si une surprise devait se produire et que la gauche, soutenue par l'extrême gauche, remportait une victoire qui est actuellement complètement hors de propos, le changement pourrait être spectaculaire. A titre d'exemple, que s'est-il passé le 1er janvier à zéro heure ? La Tour Eiffel et l'Arc de Triomphe de Paris, ce dernier pour la première fois dans l'histoire, puisqu'il avait toujours porté le drapeau français, ont été drapés du drapeau européen, bleu et aux douze étoiles, une décision qui n'a pas été du goût de l'extrême gauche, et qui a également été sévèrement critiquée par l'extrême droite. Ils devront avaler deux tasses de ce bouillon, puisque le geste de déploiement du drapeau européen sur les monuments les plus emblématiques de France se poursuivra dans tout le pays durant la première quinzaine de janvier et au-delà.


Soutien indéfectible de l'Allemagne

Macron a le soutien du chancelier allemand Olaf Scholz, qui préside simultanément le forum du G7, les puissances les plus riches et les plus développées du monde, mais qui exclut toujours la Chine et la Russie, suspendue après l'annexion par la force de la péninsule de Crimée en 2014. Scholz souscrit pleinement à "la réalisation d'une Europe plus forte et plus souveraine", soutenu par sa ministre des affaires étrangères, l'écologiste Annalena Baerbock, qui a mis ses velléités anti-européennes au congélateur pour "soutenir pleinement le programme européen de la France". 


Autres objectifs, moins grandiloquents mais non moins importants, pour les six mois du Gaulois à la tête de l'UE : l'instauration d'un salaire minimum dans toute l'UE, la réglementation définitive du numérique et la création d'une taxe carbone, basée sur son impact environnemental, qui serait supportée par les produits importés en Europe.  Et, last but not least, Macron veut s'attaquer à une réforme majeure du traité de Schengen, afin, dit-il, de "mieux protéger nos frontières européennes", notamment face aux crises migratoires, peut-être l'un des sujets les plus sensibles de toute campagne électorale dans un pays de l'UE.  Nous parlons de nouvelles cessions de souveraineté nationale, donc de très grands mots.
Pour paraphraser Alfonso Guerra, ce ne serait pas une mauvaise chose si, à la fin de ce semestre, même la mère qui l'a porté ne connaissait pas l'Europe - pour le meilleur, bien sûr.