Tous contre Macron, la France sombre dans le chaos

Le système de retraite actuel en France, l'un des plus généreux au monde, n'est pas viable. C'est ce que reconnaissent la grande majorité des économistes, statisticiens, analystes et sondeurs d'opinion et planificateurs budgétaires. Avec un taux de natalité proche de la moyenne européenne, qui comprend déjà l'Italie et l'Espagne, l'âge officiel de la retraite en France est actuellement fixé à 62 ans, avec de nombreuses exceptions qui permettent, par exemple, aux conducteurs de train de partir à la retraite beaucoup plus tôt. Pour eux, ce droit a été acquis lorsque les locomotives fonctionnaient à la vapeur et au charbon. Aujourd'hui, ces locomotives ne se trouvent plus que dans les musées, les trains sont à grande vitesse, les conducteurs de train n'ont pratiquement plus d'opérations à effectuer, la grande majorité d'entre elles étant désormais télécommandées, mais le droit à une retraite complète subsiste, même si l'espérance de vie est passée à près de 90 ans en moyenne. Ce n'est pas le seul secteur à bénéficier de cet avantage. Une quarantaine d'exceptions font également pâlir d'envie les Français, soumis au régime commun de la retraite à 62 ans, ce qui donne l'impression aux Allemands, Italiens et Espagnols, par exemple, qui ont déjà fixé l'âge officiel de la retraite à 67 ans, de faire partie du camp des nuls.  

De plus, comme le système est un système par répartition, ces pensions généreuses pour tant de personnes dépendent des jeunes générations de travailleurs et de cotisants, qui sont aujourd'hui soumis à la volatilité de leurs emplois, qui disparaissent à une vitesse vertigineuse, car les progrès technologiques nécessitent beaucoup moins de main-d'œuvre, mais beaucoup plus qualifiée.  

Bien que la France soit à l'avant-garde de l'Union européenne, elle n'a pas pu échapper à la demande générale de Bruxelles de mettre de l'ordre dans un système qui accumule chaque année des déficits croissants et le rend absolument non viable. Le président Emmanuel Macron s'y est attelé dès son premier mandat, et tous les syndicats se sont dressés contre lui, l'obligeant à reculer, comme ils l'avaient fait et réussi avec tous les autres présidents qui s'y étaient essayés avant lui.  

L'aggravation de la crise, sous l'effet notamment de la pandémie, et toutes les conséquences de la concurrence chinoise comme de l'invasion de l'Ukraine, ont rendu encore plus urgente la nécessaire réforme du système. Macron n'a pas non plus proposé un mouvement de balancier radical. Il a d'abord proposé de repousser le départ à la retraite à 65 ans, puis a reculé à 64 ans, ce qui place encore les Français du côté de la liesse absolue bien avant les Allemands, les Italiens et les Espagnols.  

Enfin, pas avant. Pratiquement tous les syndicats français, où l'attitude de contestation et surtout de combat de rue est plus typique de la première moitié du 20ème siècle que d'aujourd'hui, ont été aussi enthousiastes dans leurs manifestations, grèves et destructions de mobilier public que dans l'entre-deux-guerres, ou en mai 68 si l'on veut un exemple plus proche. Ces mobilisations ont été rejointes par La France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon.  

Le recours à l'article 49.3, décrié mais constitutionnel 

Mais la bataille décisive se joue au siège de la souveraineté populaire, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale et au Sénat, les deux chambres législatives françaises. La journée de jeudi a été décisive, car le parti macroniste, rebaptisé Renaissance, avait besoin des voix des Républicains (LR), le nouveau nom de la droite traditionnelle et gaulliste. La Première ministre Elisabeth Borne, après un effort acharné pour obtenir le soutien de l'ensemble des LR, a constaté qu'au moins quelques députés LR ne voteraient pas pour elle. Elle a donc opté pour la solution radicale permise par l'article 49.3 de la Constitution, qui permet d'adopter une loi sans le soutien du corps législatif.  

Elle s'est contentée d'annoncer que la réforme des retraites se ferait par cette procédure, et l'opposition s'est empressée de certifier qu'elle présenterait les motions de censure correspondantes. Pour l'heure, le gouvernement Macron-Borne devra en affronter trois : celle du parti le plus à droite de l'hémicycle, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, celle qui sera inévitablement présentée par les partisans de Mélenchon (lui-même n'est pas député), ainsi que celle que les centristes du parti LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) sont également en train de rédiger.  

Dans la composition actuelle de l'Assemblée nationale, aucune des trois motions de censure n'a de chance d'aboutir. Il suffira que les députés LR, qui n'ont pas soutenu le projet de loi, s'abstiennent de voter sur les motions respectives.  

Macron approuvera donc finalement sa réforme des retraites édulcorée et son gouvernement ne tombera pas à cause des motions de censure, mais il sortira sans doute affaibli de toute cette affaire. Les syndicats et l'opposition d'extrême gauche continueront à s'agiter dans les rues, selon leurs propres déclarations, et persisteront dans leur tentative de paralyser complètement le pays.  

Dans ces conditions, la tentation de convoquer des élections anticipées ne manquera pas de planer sur l'Elysée. Mais au vu du paysage politique et des résultats des sondages, une telle convocation n'entraînerait pas de changement substantiel dans les chambres législatives, et renforcerait plutôt la présence médiatique des deux pôles extrêmes de l'arc parlementaire : le lepénisme et le mélenchonisme.  

En attendant, les deux camps fixent le calendrier des nouvelles mobilisations. Et Paris, la ville lumière, s'enfonce dans des montagnes d'ordures non ramassées, sur lesquelles les rats (à quatre pattes) semblent être devenus plus nombreux et plus forts.   

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