Un journaliste turc lance un refuge pour les écrivains frappés par la censure gouvernementale

Can Dundar crée une maison d'édition en Allemagne pour imprimer les livres interdits par Erdogan

AFP/TOBIAS SCHWARZ - Journaliste turc et ancien rédacteur en chef du quotidien turc Cumhuriyet Can Dundar

La censure pourrait bien être le mot qui définit le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. Il y en a beaucoup d'autres qui pourraient également le faire, mais aucun qui n'a laissé une telle marque sur la société ottomane au cours de ces plus de sept années à la tête du gouvernement. L'arrestation de journalistes, l'interdiction de publier des articles et des livres et l'adoption de lois qui attaquent directement la liberté d'expression sont une constante depuis l'arrivée d'Erdogan au pouvoir à Ankara. Cependant, la société, illustrée aujourd'hui par le journaliste Can Dundar, n'est pas restée les bras croisés et a cherché des moyens de contourner le contrôle du gouvernement turc.

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Dundar a annoncé la création d'une maison d'édition en Allemagne pour imprimer les livres dont la production et la diffusion sont interdites sur le territoire turc. Le journaliste a annoncé cette initiative dans une interview accordée au média d'opposition Cumhuriyet, mercredi. Il a déclaré que "de nombreux journalistes ne trouvent pas la possibilité d'écrire et de s'exprimer en raison des pressions croissantes (en Turquie) ces dernières années, et les publications sont confisquées et éliminées". Il ajoute que "la maison d'édition en exil servira de refuge aux écrivains et les aidera à publier leurs livres sans être interdits", donnant ainsi une voix à tous ceux qui en sont privés dans le pays turc.

Le ministère turc de l'Éducation lui-même a noté dans un communiqué que "depuis 2016 (...) plus de 300 000 livres ont été confisqués et détruits", dont certains contenant le mot "Pennsylvanie", où le religieux Fethullah Gulen, accusé d'être à l'origine du coup d'État contre le président Erdogan il y a cinq ans, a été exilé. Les tentatives visant à empêcher la société de recevoir des informations non supervisées par l'exécutif se poursuivent. Il en va de même pour les condamnations de journalistes qui s'opposent au régime et qui montrent - ou du moins tentent de montrer - la réalité qui se cache derrière les décisions d'Ankara dans des territoires tels que la Syrie.

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Can Dundar est l'un de ceux qui ont été contraints de quitter leur pays et de se réfugier en Allemagne en raison des persécutions gouvernementales. Le journaliste a été condamné à 27 ans de prison pour la publication d'une vidéo dans laquelle il expliquait le réseau reliant les services de renseignement turcs aux organisations terroristes pour des opérations sur le territoire syrien. La vidéo, publiée par le même média d'opposition qui sert aujourd'hui de porte-parole à Dundar et dont il était le rédacteur en chef avant d'être contraint de quitter la Turquie, contenait des informations sur l'envoi par les services de renseignement turcs de cargaisons d'armes à diverses organisations terroristes en Syrie, dont l'ISIS.

Le nouvel éditorial créé par Can Dundar pourrait marquer un tournant en termes de censure en Turquie. Beaucoup de ceux qui sont actuellement incapables de dire ce qu'ils pensent auront désormais un moyen de publier et de diffuser des idées qui ne verraient jamais le jour à l'intérieur des frontières du pays de Recep Tayyip Erdogan. Néanmoins, le président poursuit ses efforts pour maintenir un contrôle étroit sur les informations qui parviennent à la société, le dernier exemple en date étant la loi sur le contrôle des réseaux sociau.

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"La lutte contre la désinformation est aussi importante que la lutte contre le terrorisme", c'est ce qu'ils utilisent pour défendre la nouvelle attaque contre la liberté d'expression qui a déjà généré les premières protestations, même sans connaître les mesures exactes qui seront adoptées. La nouvelle loi fera de la désinformation un crime et prévoit des peines pouvant aller jusqu'à cinq ans pour la diffusion de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. Malgré les assurances d'Erdogan selon lesquelles "la Turquie est incomparablement libre", l'Association des journalistes turcs n'a pas tardé à exprimer son désaccord, estimant que toute personne qui critique le gouvernement ou l'une de ses décisions est considérée comme "un ennemi".

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