Trois des six agences spatiales les plus importantes au monde ont relevé ces dernières semaines leurs chefs de rang. Dans les trois cas, il s'agit d'hommes qui ont fait leurs preuves et ont été sélectionnés pour diriger la National Aeronautics and Space Administration des États-Unis - NASA -, l'Agence spatiale française - CNES - ou l'Agence spatiale européenne, ESA.
Celui qui a le plus récemment assumé ce rôle important est le nouvel administrateur de la NASA, l'avocat et homme politique démocrate Bill Nelson, qui a été nommé par le président américain Joel Bien le 19 mars. Cependant, ce n'est que le 29 avril qu'il a été approuvé à l'unanimité par le Sénat et qu'il a prêté serment devant la vice-présidente Kamala Harris, une cérémonie qui a eu lieu le 3 mai.
Bill Nelson, 78 ans, ami personnel du nouvel occupant de la Maison Blanche, aura pour bras droit l'administratrice associée Pamela Melroy, qui n'a pas encore été habilitée par le Sénat, mais qui le sera sans problème. Mme Melroy est un ancien pilote d'essai de l'armée de l'air, un ancien astronaute de la NASA et l'une des deux seules femmes à avoir commandé une mission de la navette spatiale.

Nelson entre à la NASA avec une miche de pain sous le bras. Le président Biden a demandé une augmentation de 6,3 % pour l'année fiscale 2022, ce qui représente 24,7 milliards de dollars, soit 1,5 milliard de plus que pour l'année fiscale 2021. Une telle somme d'argent va être concentrée sur quatre axes majeurs, de préférence sur des projets proches de la Terre mais aussi au-delà pour explorer le système solaire.
L'accent reste mis sur le programme Artemis de retour d'astronautes sur la Lune, qui conduirait la première femme et le premier astronaute de couleur sur notre satellite naturel, même s'il n'est plus question d'y poser le pied en 2024. Dans le même temps, la NASA renforcera ses missions robotiques vers Mars, qui devraient culminer fin 2030 ou début 2040 avec l'arrivée d'êtres humains sur la planète rouge.

Un deuxième scénario dans lequel Joe Biden et Bill Nelson veulent concentrer l'intérêt de la NASA est le développement de nouvelles technologies qui apportent une plus grande qualité aux bénéfices dérivés des activités spatiales. Dans ce domaine, l'objectif est de contribuer à la croissance de l'industrie spatiale commerciale et de promouvoir le développement des énergies propres.
Il existe également une ligne stratégique visant à améliorer la compréhension de la Terre en augmentant de manière substantielle les investissements dans les satellites d'observation qui peuvent traiter du changement climatique. Nelson sera chargé de lancer une nouvelle génération de plateformes spatiales dédiées à l'étude de questions urgentes pour la sauvegarde de la santé et de la vie sur Terre.
Une quatrième ligne d'action consiste à accorder une attention soutenue à la station spatiale internationale en tant que laboratoire de recherche en orbite. Elle nécessite un financement continu pour les vols spatiaux habités aller-retour, la poursuite des expériences à bord et les coûts énormes liés à l'envoi de fournitures d'oxygène, de nourriture, de carburant et de pièces de rechange. Tout ce qui précède vise à maintenir le complexe orbital pleinement opérationnel jusqu'en 2024 au moins, avec un équipage de sept personnes présentant toutes les garanties de survie.

Bill Nelson prend la tête de la NASA avec l'expérience d'avoir été astronaute, d'avoir été présent lors d'une mission spatiale et d'avoir consacré une grande partie de sa vie politique au Sénat aux affaires spatiales. En revanche, le président de la République française, Emmanuel Macron, a été enclin à proposer un néophyte du secteur pour occuper le poste de président de son importante Agence spatiale.
La personne désignée par l'Élysée est Philippe Baptiste, un ingénieur des mines de l'université de Nancy d'une cinquantaine d'années, ancien directeur de cabinet (2017-2019) de la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Frédérique Vidal. Il a ensuite été conseiller pour l'enseignement supérieur, la jeunesse et le sport auprès du Premier ministre de l'époque, Édouard Philippe. Avant d'être nommé le 14 avril par le Conseil des ministres du gouvernement français, Baptiste a également dû passer une évaluation de ses mérites, en l'occurrence par l'Assemblée nationale et le Sénat, qui ont finalement donné leur accord.

Avec l'élection de Philippe Baptiste, Emmanuel Macron a modifié le schéma suivi jusqu'à présent par l'administration française consistant à confier les rênes du CNES - abréviation de Centre National d'Études Spatiales - à un vétéran de son puissant secteur industriel. Mais le nouveau chef du CNES n'est pas un nouveau venu. C'est un spécialiste reconnu dans le domaine du numérique, des algorithmes et de l'intelligence artificielle, qui a travaillé en tant que responsable scientifique senior au sein de la compagnie pétrolière Total, chez IBM et dans des institutions de recherche officielles.
Pour piloter ce qui est considéré comme la principale agence spatiale des pays d'Europe occidentale, Macron et son actuel Premier ministre Jean Castex ont mis en avant la capacité du nouveau venu à réorienter l'industrie spatiale française vers des applications dérivées des technologies spatiales ayant un grand impact sur la société et l'industrie, et ont écarté son expérience et ses connaissances limitées dans le domaine spatial.

Philippe Baptiste remplace Jean-Yves Le Gall, vétéran et expert dans tous les aspects de l'astronautique mondiale. Le Gall est à la tête du CNES pour huit ans - de 2013 à 2021 - et avant cela, il a passé 12 ans à la présidence d'Arianespace, la première société européenne de services de lancement, ce qui l'a amené à parcourir le monde entier pour signer des contrats et des accords de coopération.
Avec un budget de 2 335 millions d'euros pour 2021, le nouveau responsable de l'espace français a déjà défini ses cinq grandes priorités. Ils reprennent les orientations formulées à son intention par les ministres de l'Économie, de l'Enseignement supérieur et des Armées, respectivement Bruno Le Maire, Frédérique Vidal et Florence Parly. Elles se résument à inverser le tissu industriel vers le numérique, à renforcer l'accès indépendant à l'espace, à renforcer l'innovation en favorisant les startups, à coopérer avec la stratégie spatiale militaire et à renforcer le rayonnement scientifique du CNES.

A l'Agence spatiale européenne (ESA), le nouvel homme fort est l'Autrichien Josef Aschbacher, 60 ans, qui a dynamité les aspirations du ministre et astronaute espagnol Pedro Duque. Titulaire d'un doctorat en sciences naturelles de l'Université d'Innsbruk, il devait prendre le poste de directeur général de l'ESA le 1er juillet, mais le départ de son prédécesseur, l'Allemand Jan Woerner, l'a propulsé à ce poste le 1er mars.
Il gère un budget de 6,49 milliards d'euros et a présenté le 7 avril l'Agenda 2025, la nouvelle feuille de route de l'Agence. La nouvelle voie tracée consiste à s'engager dans des missions spatiales plus ambitieuses, à étendre les programmes liés à la sécurité, à renforcer l'aspect commercial, à équilibrer le personnel et à renforcer les relations avec Bruxelles, maintenant que l'EUSPA a été créée. Elle souhaite également faciliter l'accès des capitaux privés aux nouveaux projets, fournir une expertise de haut niveau technique aux pays tiers et doubler les investissements dans les nouvelles technologies.