Erdogan défend le maintien de son contrôle sur l'aéroport de Kaboul
L'Afghanistan continue de tomber sous l'offensive des Talibans. Ces dernières heures, les insurgés ont pris la citadelle de Kandahar, capitale de la province du même nom et deuxième plus grande ville du pays. Outre Kandahar, la citadelle d'Herat (la troisième plus grande ville du pays), Quala-e-Naw, Lashkar Gah, Firozkoh, Tarinkot, Qalat et Pul-e-Alam sont tombées, faisant de Pul-e-Alam la seizième capitale provinciale sous le contrôle des Talibans. La prise de Kandahar a constitué un tournant dans les offensives, car elle pourrait entraîner la chute rapide des autres provinces. En outre, ces prises de contrôle ont amené une grande partie du sud et de l'ouest de l'Afghanistan au bord de l'effondrement.
Face à cette situation, et selon différents médias citant des sources diplomatiques à Doha, au Qatar, le gouvernement afghan aurait proposé un accord de partage du pouvoir avec les talibans en échange d'un cessez-le-feu. Pour sa part, l'ambassade des États-Unis à Kaboul a déjà demandé à tous ses ressortissants de quitter le pays "immédiatement". Ces mises en garde ont été rejointes par le Canada qui, selon le média canadien Global News, se prépare à envoyer des forces d'opérations spéciales en Afghanistan pour évacuer son personnel démocratique.
Toutefois, dans une déclaration commune, les secrétaires d'État et de la défense américains ont indiqué qu'ils avaient eu une série d'entretiens avec le président afghan Ashraf Ghani, l'assurant que "les États-Unis restent attachés à la sécurité et à la stabilité de l'Afghanistan".
Alors que le gouvernement aurait demandé l'aide de l'Inde, le ministère afghan des affaires étrangères a également demandé l'aide de la Russie ainsi que l'achat d'hélicoptères militaires, selon Interfax.
D'autre part, étant donné le vide d'influence laissé par le retrait des troupes internationales et le chaos déclenché par les offensives des insurgés, la Turquie profite de la situation pour s'enraciner et étendre son influence économique et politique dans le pays, dans le cadre de ce qui serait "une stratégie plus large". En outre, Erdogan veut s'ériger en médiateur alternatif capable de mettre un terme aux offensives des talibans. Dans une interview télévisée accordée à CNN, il a déclaré qu'il y aurait "la possibilité de rencontrer le chef des talibans dans le cadre des efforts visant à mettre fin aux combats en Afghanistan".
Dans cette optique, la Turquie continue à entretenir des contacts avec les talibans pour tenter de maintenir les troupes turques en Afghanistan sous le prétexte de sécuriser l'aéroport de Kaboul. Dans cet ordre d'idées, M. Erdogan a indiqué que la Turquie envisageait de "gérer les opérations de l'aéroport de Kaboul" et a noté que "c'est une nouvelle ère, maintenant il y a trois autorités principales dans ce domaine : l'OTAN, les États-Unis et la Turquie". En ce sens, la Turquie souhaiterait maintenir la mission de "protection des aéroports", ce qui lui permettrait de devenir un acteur important et nécessaire en Afghanistan.
Parallèlement, le ministre turc de la défense, Hulusi Akar, a souligné que "l'objectif principal de l'opération aéroportuaire est d'empêcher l'Afghanistan de devenir un pays isolé". Il a noté que des déclarations ont été faites selon lesquelles "en cas de fermeture de l'aéroport de Kaboul, toutes les missions diplomatiques seront retirées". Nous sommes tous conscients que nos frères afghans ne veulent pas non plus de cette situation, il serait donc bénéfique de garder l'aéroport ouvert", a-t-il ajouté.
M. Erdogan affirme en outre que les États-Unis sont favorables à ce qu'Ankara garantisse la sécurité de l'aéroport et que les autorités turques maintiennent "certaines conditions", notamment un "soutien diplomatique" de la part de Washington.
"Nos institutions compétentes font des efforts qui peuvent aller jusqu'à la tenue de certaines réunions avec les talibans.... Je peux même rencontrer quelqu'un qui est au pouvoir", a ajouté Erdogan.
Tout comme la Turquie a tenté d'utiliser la guerre civile en Syrie pour structurer son influence et son pouvoir dans le pays, le gouvernement d'Erdogan tenterait la même manœuvre en Afghanistan. L'Afghanistan, avec une population de plus de 38 millions d'habitants, se présenterait dans cette situation délicate comme un scénario idéal pour que la Turquie commence à mettre en œuvre des mesures économiques, en plus de promouvoir son arsenal militaire.
L'intérêt d'Ankara pour l'établissement d'une relation forte avec les Talibans s'inscrirait dans une vision plus large visant à renforcer l'influence turque en Asie centrale, en tirant parti des liens historiques. En ce sens, la stratégie de la Turquie consisterait à transformer des pays ayant une histoire commune en un pôle économique et commercial régional, qui bénéficiera le plus de ses capacités. Ainsi, un rapprochement avec les talibans en Turquie offrirait une occasion importante pour le pays ottoman de diriger l'effort de reconstruction en Afghanistan et de donner la priorité à ses infrastructures dans le pays.
D'autre part, le Pakistan soutiendrait la présence turque. Le Premier ministre pakistanais Imran Khan a déclaré dans plusieurs déclarations aux médias étrangers qu'après une conversation avec le ministre turc de la Défense, "des efforts seraient faits pour faciliter les pourparlers entre les talibans et Ankara". Il a ajouté que "la meilleure chose à faire est que la Turquie et les Talibans aient un dialogue direct afin que les deux parties puissent parler des raisons pour lesquelles il est nécessaire de sécuriser l'aéroport de Kaboul".
De cette façon, Ankara profiterait de l'effondrement rapide des forces gouvernementales et de la progression des talibans, une situation qui a conduit les pays occidentaux à exiger que leurs citoyens quittent immédiatement l'Afghanistan, ce qui donnerait à la Turquie plus de pouvoir pour s'établir dans la région face à la cessation de la présence occidentale sur le territoire.