"Il n'est pas possible de fournir une formule simple sur la façon d'amener les terroristes à se retirer de l'activisme violent et/ou à développer et exécuter un programme de déradicalisation, applicable à tout groupe terroriste dans le monde"

Est-il possible d'encourager la déradicalisation des terroristes djihadistes ?

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Le terrorisme djihadiste met une fois de plus les sociétés occidentales à l'épreuve, en l'occurrence en ce qui concerne la resocialisation de ceux qui l'ont rejoint et qui ont fait partie des rangs d'une sorte d'organisation proche de cette idéologie. Pourquoi est-ce un défi ? Si l'on analyse les bases du "vieux" terrorisme, comme le cas de l'ETA ou de l'IRA guidés par des fins purement politiques, les tactiques employées pour la déradicalisation ou l'abandon de la violence de leurs adeptes, posent un défi plus objectif que dans le cas du djihadisme, où le contre-récit doit faire face à une pensée qui va bien au-delà du simple désir de changement politique, il est confronté à une connotation divine.

Il existe différents facteurs, variés et innombrables, qui conduisent un individu à s'engager dans le djihadisme, c'est pourquoi il est essentiel de les connaître et de les contrecarrer à un niveau préventif avant leur radicalisation et à un niveau reconstructeur, une fois que l'individu y est déjà plongé et que nous voulons le freiner et l'arrêter.

Des doutes surgissent également quant à leur traitement pénitentiaire, remettant en cause la dispersion des prisonniers, comme cela s'est produit avec les prisonniers de l'ETA et la problématique de la Doctrine Parot. Est-il préférable de regrouper les prisonniers pour le terrorisme djihadiste et d'empêcher ainsi la diffusion de leur idéologie par le reste des prisonniers, ou vaut-il mieux les disperser ? Outre l'incertitude qui accompagne la libération de ces sujets, comment évaluer et s'assurer que l'individu a réellement abandonné la pensée djihadiste ? Dans le cas des anciens membres de l'ETA, comme le montre le livre de Fernando Reinares "Patriotas de la muerte" (Patriotes de la mort), l'abandon et la cessation de l'appartenance au groupe n'impliquent pas un repentir ou un changement d'opinion sur l'idéologie qui les a poussés à participer. Ce sont là quelques-uns des problèmes que pose le traitement des éléments subjectifs qui affectent et sont conçus différemment en fonction de l'individu et de sa situation personnelle et sociale spécifique. 

Atalayar_Terrorismo Radicalisation violente, déradicalisation et désengagement djihadiste

L'immersion d'un individu dans un processus de radicalisation peut ou non aboutir à l'inclusion ou à la participation finale de celui-ci à des activités terroristes, tout en étant un processus réversible, la déradicalisation étant comprise comme "l'inversion des processus cognitifs de la radicalisation dans le but de parvenir à la dissociation des idéologies extrémistes "1. D'autre part, on trouve la dissociation, qui n'est pas nécessairement liée à la déradicalisation2, entendue comme "le renoncement à un comportement violent ou terroriste tout en conservant certaines convictions idéologiques "3.

Comme on l'a observé, le processus de radicalisation est influencé par divers facteurs et arguments en faveur de son soutien, outre le profil de chaque individu ; il en va de même dans le processus antagoniste, celui de la déradicalisation. Ainsi, comme l'ont conclu Bjørgo et Horgan, "il n'est pas possible de fournir une formule simple sur la manière de faire en sorte que les terroristes se retirent de l'activisme violent et/ou d'élaborer et de mettre en œuvre un programme de déradicalisation, applicable à tout groupe terroriste dans le monde"4.

Connaissance des facteurs de risque statiques (les éléments immuables de l'individu, tels que : nationalité ou casier judiciaire) et dynamiques (les caractéristiques qui peuvent être modifiées par une intervention psycho-socio-éducative), qui ont conduit l'individu à sa radicalisation, à son inclusion dans une organisation terroriste ou à son simple engagement envers elle et ses membres, est essentiel pour pouvoir élaborer un plan d'action qui les contrecarre et les annule, contribuant à l'abandon de l'individu du groupe, de la violence, de l'idéologie djihadiste, et sert enfin de guide vers sa socialisation et sa réintégration sociale5

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En tenant compte des expériences passées en matière de processus de radicalisation et après avoir étudié le cas du djihadiste, nous pouvons obtenir une série de paramètres et de principes à prendre en compte pour que le désengagement et la déradicalisation soient efficaces :

En premier lieu, le programme doit générer confiance, respect, engagement, crédibilité et authenticité; le second point à prendre en compte et déjà plus centré sur chaque individu, est la réalisation d'une étude biographique en plus de leur participation volontaire au programme6. Étant, comme déjà mentionné, une radicalisation guidée par des éléments spirituels et complètement subjectifs et irrationnels, il est nécessaire que le traitement soit centré sur l'apprentissage émotionnel et social, au lieu de se concentrer, comme dans le cas qui serait donné dans les idéologies extrémistes de coupe politique, sur les aspects cognitifs. "Les arguments ont tendance à se polariser tandis que les approches narratives en tant qu'expression d'expériences personnelles ont un effet plus unificateur "7. Dans les cas de radicalisation djihadiste, et par conséquent dans leur déradicalisation, il est important de structurer le programme en fonction du sexe du sujet, car en fonction de celui-ci, le programme devra varieri8.

L'un des points qu'il est conseillé de réaliser est l'apprentissage en groupe, qui favorise le développement émotionnel de l'individu dans un environnement social. Un facteur important en vue de leur socialisation, et non moins important, les discours politiques ou la diffusion médiatique de sujets influents dans ce domaine.

Le rôle des imams et autres érudits musulmans souligne que les détenus radicalisés cherchent des réponses sur leurs croyances religieuses et le comportement attendu. "L'émigration (hidschra) vers un pays musulman ou un califat est-elle obligatoire ?", "Les musulmans qui ne prient pas méritent-ils d'être tués ? Devrions-nous les tuer ?", "Le califat a-t-il été conquis parce qu'il n'était pas assez strict ?9 Pour répondre à ces questions, il faut un enseignement islamique qui encourage une identité musulmane positive et qui soit immunisé contre les tentatives de prosélytisme des djihadistes10.

Cependant, comme mentionné précédemment, il est impératif de s'attaquer aux facteurs sociaux, en s'attaquant aux sentiments de discrimination, d'injustice sociale et de crise d'identité qui prévalent parmi les détenus, en particulier parmi les migrants de deuxième et troisième générations ; c'est ce que l'on appelle la "prophylaxie de la colère"11. Ce conseil spirituel ou aumônerie musulmane devrait aborder des dimensions telles que les questions d'identité, l'éducation islamique générale, l'éducation politique générale et le conseil individuel. 

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"Cependant, le conseil spirituel ne remplace pas les programmes de désengagement, car il n'atteint que ceux qui le sollicitent. Les programmes de conseil spirituel et de désengagement devraient plutôt fonctionner en tandem, notamment en ce qui concerne les besoins en personnel et la composition des équipes "12.

Stratégie nationale antiterroriste pour 2019

La stratégie nationale antiterroriste pour 2019 définit les lignes d'action à suivre dans la lutte contre le terrorisme en s'appuyant sur les quatre piliers essentiels : prévenir, protéger, poursuivre et se préparer à réagir13.

Les traitements de déradicalisation doivent être planifiés et conçus sur la base des caractéristiques de chaque individu, c'est-à-dire qu'il s'agit de traitements individuels, en détectant quels sont les facteurs d'attraction et de poussée qui ont influencé le sujet en question14.

D'une part, elle propose les modèles de réponse aux risques et aux besoins, qui fondent leur ligne d'action sur le principe du risque, en établissant un niveau de traitement basé sur la dangerosité du sujet, s'adaptant progressivement aux changements de ce niveau de dangerosité ; d'autre part, le modèle VERA-2 (Violent Extremist Risk Assessment), créé dans le but d'évaluer les risques associés au radicalisme violent, en utilisant d'autres mesures telles que le HCR-20 (Historical Clinical Risk Management-20) ou le protocole SAVRY (Structured Assessment of Violence Risk in Youth)15. Cet outil détaille 25 facteurs de risque possibles, regroupés en quatre groupes : croyances et attitudes, facteurs de risque contextuels, facteurs de risque historiques et facteurs de protection.16En outre, une nouvelle version, la VERA-2R, étend la liste à 34, y compris des indicateurs dynamiques, c'est-à-dire un modèle ouvert au changement de sujet pendant le processus de déradicalisation.17

Amanda Pérez Gómez / Criminologue spécialisée dans le terrorisme international 

BIBLIOGRAPHIE ET NOTES DE BAS DE PAGE :
  1. Altier, T. H. (2014). Turning away from terrorism: lessons from psychology, sociology, and criminology.
  2. Íbidem.
  3. Glaser, M., Greuel, F., Herding, D., Hohnstein, S., & Langner, J. (2017). Young and radical. Political violence during adolescence. (D. Jugendinstitut, Ed.) Munich. Pág. 12-17.
  4. Bjørgo, T. y. (2009). Leaving terrorism behind: Individual and collective. Routledge, 245-255.
  5. Unity Initiative. (s.f.). Unity Initiative. Obtenido de Unity Initiative: https://www.theunityinitiative.com
  6. Active Change Foundation. (s.f.). Active Change Foundation. Obtenido de Active Change Foundation: https://www.activechangefoundation.org
  7. MSB Medical School Berlin. (s.f.). DENK ZEIT. Obtenido de DENK ZEIT: https://www.denkzeit.info/trainingsprogramme/
  8. Women Without Border. (s.f.). Women Without Border. Obtenido de Women Without Border: http://www.women-withoutborders.org/
  9. MATES (Multi Agency Training Exit Strategies for radicalized youth. (2018). Estrategias de salida. Formas de salir de la Radicalización. Estrategia Europea, Directorate-general migration and home affairs. Págs. 10-12.
  10. Íbidem. Pág. 38.
  11. Íbidem. Pág. 38.
  12. Meyer, H. (2017). Gefängnisse als Orte der Radikalisierung – und der Prävention? Jana Kärge.
  13. Membrives, M. T. (2019). ¿Cómo se puede estimular la desradicalización de los terroristas yihadistas? Instituto Español de Estudios Estratégicos (ieee). Pág. 5.
  14. Íbidem. Pág. 11-12.
  15. Echaniz, R. (2019). VERA-2R: aproximación a la evaluación de riesgos asociados a la radicalización. OIET: Observatorio Internacional de Estudios sobre Terrorismo.
  16. Membrives, M. T. (2019). ¿Cómo se puede estimular la desradicalización de los terroristas yihadistas? Instituto Español de Estudios Estratégicos (ieee). Pág. 9-10.
  17. Echaniz, R. (2019). VERA-2R: aproximación a la evaluación de riesgos asociados a la radicalización. OIET: Observatorio Internacional de Estudios sobre Terrorismo.

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