Éthiopie: une paix avec des blessures à cicatriser
L'Éthiopie a maintenant un accord de paix. Olusegun Obasasio, le médiateur de l'Union africaine dans les pourparlers de paix à Pretoria, a annoncé la cessation des hostilités entre le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) et le gouvernement éthiopien.
L'accord, qui prévoit un cessez-le-feu, la reprise de l'accès humanitaire, ainsi que "l'apaisement et la réconciliation", a déjà reçu le soutien de la communauté internationale. "Il s'agit d'une étape importante. Il s'agit d'un pilier solide pour préserver la souveraineté et l'intégrité territoriale", a déclaré l'Union africaine, principal promoteur de l'accord.
Une évaluation similaire a été faite par le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui a qualifié l'accord de "mesure audacieuse" de la part des deux parties et a saisi l'occasion pour exhorter les parties impliquées à faire place à l'aide humanitaire dans les zones les plus touchées par le conflit. "Le Secrétaire général exhorte à la poursuite des négociations dans un esprit de réconciliation afin de parvenir à un règlement politique durable, de faire taire les armes et de retrouver le chemin de la paix et de la stabilité", a déclaré le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric.
Le haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère, Josep Borrell, a également salué l'accord, mais il a mis un peu plus l'accent sur les résolutions du conflit. Borrell a exhorté les deux parties à aller au-delà de cet accord et a appelé à la poursuite des négociations afin de parvenir à un cessez-le-feu permanent et de pousser les pourparlers politiques au plus haut niveau.
L'accord de paix a été signé entre le vice-ministre éthiopien des Affaires étrangères et conseiller en matière de sécurité nationale du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, Redwan Hussien, et le représentant du TPLF, Getachew Reda. Si Hussien a salué la cessation des hostilités, ce n'est pas le cas de Getachew Reda.
Congratulations all Ethiopians & friends! Just overwhelmed. We should & could have avoided all that mess. I believe we have learned, after burned, we have learned the hard way. Victory is for Ethiopia and peace itself. We must all cheer up and march forward than leaking wounds! pic.twitter.com/GngZoCMafY
— Redwan Hussien (@RedwanHussien) November 2, 2022
Le TPLF continue d'accuser le gouvernement éthiopien de perpétrer un génocide au Tigré avec les dernières attaques dans la région. "Il n'y a pas que les mots qui peuvent aider le peuple du Tigré", dénonce l'un des porte-parole de l'autoproclamé ministère des Affaires étrangères du Tigré, Kindeya Gebrehiwot, en montrant des vidéos d'attaques présumées des forces éthiopiennes et érythréennes au Tigré alors que la paix est négociée en Afrique du Sud.
Forces of #Ethiopia @AbiyAhmedAli firing artilleries indiscriminately in a residential neighborhood in #Tigray, filming, cheering & making fun! One can imagine how many non-combatants will be killed. #Tigrayunderattack #TigrayGenocide pic.twitter.com/XHWiFvmV1n
— Kindeya Gebrehiwot, PhD, Prof (@ProfKindeya) October 30, 2022
Alors que Pretoria célèbre la paix, Addis-Abeba est toujours en guerre. Les médias du gouvernement pro-éthiopien commémorent tous les soldats qui sont morts pendant ces deux années de conflit. Des médias numériques tels que The Ethiopian Herald, Addis Heraldo ou Borkena rendent hommage aux victimes du 3 novembre, lorsque le TPLF a attaqué la base de l'armée à Mekelle, étape qui a déclenché les hostilités.
Maintenant que les accords ont été conclus, le sentiment anti-occidental qui secoue le pays, notamment depuis la manifestation du 22 octobre, a été redoublé. "L'Occident, en particulier les États-Unis, a soutenu le TPLF sur le plan politique, diplomatique et narratif tout au long de la guerre, et maintenant il vacille", indique l'un de ces articles, considérant que les pourparlers de paix ont été conclus avant la reddition du TPLF.
Des caricatures avec des drapeaux américains et des personnages se mêlant de la politique éthiopienne sont publiées à la une de nombre de ces médias, saluant l'une des principales motivations éthiopiennes: la non-intervention dans la politique de l'ancienne Abyssinie.
Ces publications dominent actuellement l'agenda éthiopien, malgré le fait que le gouvernement et le TPLF se soient engagés à Pretoria à "mettre fin à toutes les formes de conflit et de propagande hostile", un objectif sur lequel ils devront travailler pour faire baisser la tension dans l'opinion publique éthiopienne, loin des réactions internationales.