Un document "top secret" incite le président tunisien à promulguer l'article 80 de la Constitution, qui lui permet d'obtenir des pouvoirs étendus

Fuite d'un document secret qui permettrait au président tunisien d'obtenir des pouvoirs étendus

AFP/KARIM JAAFAR - Le Président de la Tunisie, Kais Saied

Alors que le bras de fer entre le président tunisien Kaïs Saied, le Premier ministre Hichem Mechichi et le chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, persiste, le Middle East Eye, a publié un document de cinq pages, daté du 13 mai et marqué "top secret", qui exhorte le président tunisien à promulguer l'article 80 de la Constitution qui lui permet d'instaurer l'état d'urgence en lui accordant de larges pouvoirs. 

Ce document, divulgué par une source présidentielle, provient du bureau du chef de cabinet du président, Nadia Akacha, pour promulguer l'article 80 de la Constitution qui - en cas d'urgence nationale - sous couvert de la situation sanitaire et de l'accumulation de la dette publique, donnerait le contrôle total de l'État à l'actuel président, Kais Saied. En outre, le document contient un "plan" qui stipule que "dans une telle situation, le président de la République a pour fonction de rassembler tous les pouvoirs entre ses mains afin qu'il devienne le centre d'autorité qui lui permet de contrôler exclusivement...". toutes les autorités qui lui confèrent ce pouvoir. 

Un documento "top secret" transmitido al MEE insta al presidente tunecino a promulgar el artículo 80 de la Constitución  PHOTO/ARCHIVO

Kais Saied, déclarerait alors une "dictature constitutionnelle" qui, selon les auteurs du document, est un outil pour concentrer tous les pouvoirs entre les mains du président de la République pour tendre une embuscade à Hichem Mechichi, premier ministre, et Rached Ghannouchi, président du parlement et leader du parti Ennahda, annonçant en leur présence la promulgation de l'article 80 de la Constitution.  À ce moment-là, le président s'adresse à la nation dans un discours télévisé en présence du premier ministre et du président du parlement pour annoncer son coup d'État. 

Pour populariser le coup d'État, le document indique que le paiement des factures d'électricité, d'eau, de téléphone et d'Internet sera suspendu pendant 30 jours, de même que le remboursement des prêts bancaires et le paiement des impôts, et que le prix des produits de base et du carburant sera réduit de 20 %.

Nadia Akacha, alta consejera del presidente tunecino encargada de Asuntos Jurídicos AFP/ FETHI BELAID

Le plan comprend également des propositions visant à interdire le départ du pays de tout parlementaire recherché par la justice tunisienne, et à démettre de leurs fonctions tous les dirigeants affiliés à un parti politique. Le problème est que cet article ne peut être mis en œuvre sans une Cour constitutionnelle, qui n'existe pas encore, bloquée entre autres par Kais Saied.

Le document n'a pas pu être authentifié, mais les partisans de Kais Saied ont directement accusé Ennahda d'avoir créé ce document de toutes pièces pour ternir l'image de la présidence et accréditer l'idée d'une tentation autoritaire. Par ailleurs, les "propositions dangereuses" contenues dans le plan appellent à une "enquête sérieuse et rapide pour révéler toutes les circonstances et rassurer l'opinion publique", a déclaré Ennahda dans un communiqué. 

Los legisladores tunecinos debaten antes de una votación de confianza sobre la nueva remodelación del gobierno del primer ministro Hichem Michichi  AFP/ FETHI BELAID

Ennahda a formé un gouvernement de coalition en s'alliant avec le mouvement islamo-nationaliste Al-Karama et le parti Qalb Tounes du magnat des médias Nabil Karoui. Cette coalition est en désaccord depuis des mois avec Saied, élu après les élections législatives d'octobre 2019 qui ont abouti à un parlement fragmenté en une douzaine de partis et une vingtaine d'indépendants. Le parti islamiste Ennahda, qui dispose de 52 des 217 sièges du Parlement, a été un acteur clé dans les négociations visant à former un gouvernement - le troisième en un peu plus d'un an - et est devenu le principal soutien de l'exécutif de Hichem Mechichi. 

Le 26 janvier, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, obtient une large majorité parlementaire pour procéder au changement de onze des 25 portefeuilles - dont ceux de l'Intérieur, de la Justice et de la Santé - mais le président de la République, Kais Saied, le rejette au motif qu'il n'a pas été consulté au préalable et que cinq des nouveaux ministres seraient impliqués dans des affaires de corruption et de conflit d'intérêts.

El primer ministro tunecino Hichem Mechichi, a la izquierda, habla con el presidente de la Cámara, Rached Ghannouchi AP/HASSENE DRIDI

Des alternatives ont déjà émergé au sein du Parlement au cas où de Saied maintiendrait sa position. Certains députés ont lancé la formule d'une motion de censure contre le président, comme le prévoit l'article 88 de la Constitution. Celle-ci stipule que "les membres de l'Assemblée des représentants du peuple peuvent, par un vote majoritaire, présenter une motion motivée visant à mettre fin au mandat du Président de la République pour une violation grave de la Constitution". La motion de censure doit être approuvée par les deux tiers de l'Assemblée. S'il reçoit l'approbation du Parlement, le processus passerait entre les mains de la Cour constitutionnelle, qui décide également à la majorité des deux tiers. Toutefois, en cas d'approbation, la Cour constitutionnelle elle-même ne peut que prononcer le rejet de la procédure pénale sans préjudice pour Saied.

EL presidente tunecino Kais Saied (R), al primer ministro Hichem Mechichi (L) y al presidente de la Asamblea (parlamento) Rached Ghannouchi (C)  AFP PHOTO / HO / PRESIDENCY FACEBOOK PAGEE

La paralysie politique survient à un moment où la crise du COVID-19 affaiblit une économie déjà malmenée qui s'est contractée de plus de 8% l'année dernière, et où les prêteurs étrangers et les puissants syndicats tunisiens exigent que les réformes soient accélérées, alors que de nombreux Tunisiens sont de plus en plus blasés par la gestion par le gouvernement de services publics médiocres et par une classe politique qui a démontré à plusieurs reprises son incapacité à gouverner de manière cohérente. Cette décision priverait le Président de la République du droit d'être candidat à toute autre élection.

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