La junte militaire de Guinée-Conakry refuse de libérer le président déchu
La junte militaire au pouvoir en Guinée-Conakry depuis le coup d'État du 5 juin a refusé de libérer le président guinéen déchu, Alpha Condé, à l'issue de discussions menées vendredi avec une délégation de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
En réponse aux rumeurs d'un éventuel départ du président déchu, la junte militaire a assuré dans un communiqué lu tard hier à la télévision nationale que "l'ancien président de la République, Alpha Condé, restera en Guinée".
"Nous ne céderons à aucune pression. Il recevra un traitement humain digne de son rang dans son pays", a déclaré l'armée.
Alassane Ouattara, président de la Côte d'Ivoire, et Nana Akufo-Addo, président du Ghana et chef actuel de la CEDEAO, étaient les représentants de l'organisation lors de la rencontre qui s'est tenue vendredi dans un hôtel de la capitale guinéenne avec le colonel Mamady Doumbouya, principal artisan du coup d'État.
La délégation a également pu rendre visite à Condé, qui a été trouvé en bonne condition, selon les déclarations rapportées par les médias locaux.
La réunion a eu lieu après que le bloc des 15 nations, dont la Guinée-Conakry est membre, a décidé d'imposer des sanctions contre les auteurs du coup d'État lors d'un sommet extraordinaire qui s'est tenu jeudi à Accra, la capitale du Ghana.
L'organisation a également exigé le retour à l'ordre constitutionnel dans les six mois et la libération d'Alpha Condé.
Malgré le refus de libérer le leader évincé, M. Akufo-Addo a déclaré aux médias après la réunion qu'ils avaient eu "une conversation très franche et fraternelle avec le colonel Doumbouya et ses associés et collaborateurs".
"Je crois que la CEDEAO et la Guinée trouveront un moyen de marcher ensemble", a déclaré le président ghanéen, sans donner plus de détails.
Un groupe de manifestants anti-sanctions a accueilli les présidents de la CEDEAO à leur arrivée à l'aéroport international de Conakry-Gbèssia vendredi, portant des banderoles revendiquant la "souveraineté" de la petite nation africaine.
Le 8 septembre, la CEDEAO a déjà décidé, à l'issue d'un autre sommet extraordinaire, de suspendre la Guinée de toutes les institutions de la CEDEAO, un exemple suivi par l'Union africaine quelques jours plus tard.
Le coup d'État en Guinée-Conakry a suscité la crainte d'un retour en arrière démocratique en Afrique de l'Ouest, après deux soulèvements militaires au Mali voisin depuis août dernier et la prise du pouvoir au Tchad par une junte militaire après la mort au combat du président Idriss Déby en avril dernier.
Alpha Condé, 83 ans, au pouvoir depuis 2010, a été renversé et arrêté par des membres du groupe des forces spéciales de l'armée dirigés par le colonel Doumbouya, qui a déclaré avoir organisé le coup d'État pour créer les conditions d'un État de droit.
Le colonel, nouvel homme fort du pays, a justifié le coup d'État par "le manque de respect des principes démocratiques, la politisation excessive de l'administration publique, la mauvaise gestion financière, la pauvreté endémique et la corruption" dans le pays.
Les putschistes ont créé le Comité National de Rassemblement et de Développement (CNRD) afin de "lancer une consultation nationale pour ouvrir une transition inclusive et pacifique".
Le dialogue se déroule cette semaine avec différents acteurs socio-politiques guinéens, tels que des chefs de partis politiques, des représentants religieux, des hommes d'affaires du secteur minier et des médias.
Le 18 octobre, le pays a organisé des élections présidentielles au cours desquelles Condé a opté pour un troisième mandat controversé, non autorisé en principe par la Constitution, à la suite d'un référendum organisé en mars 2020 pour modifier la Magna Carta, approuvé avec 91,5 % des voix.
Selon certains observateurs, ce changement forcé, qui a provoqué de violentes protestations faisant des victimes, a rendu le président vulnérable à une tentative de coup d'État.
La Guinée-Conakry est l'un des pays les plus pauvres du monde, mais elle possède un important potentiel minier, hydrique et agricole. Ses réserves de bauxite, la matière première de la production d'aluminium, sont parmi les plus importantes au monde et ont attiré ces dernières années des investisseurs chinois, russes et français. EFE