L'objectif des nouveaux budgets est de réduire le déficit par une augmentation des impôts qui a suscité un grand mécontentement

La Tunisie présente son nouveau budget et l'UGTT le rejette, menaçant d'"occuper les rues"

photo_camera AP/FETHI BELAID - Le président de la Tunisie, Kais Saied

Le fossé entre le gouvernement et la population tunisienne continue de se creuser au fil du temps. Ni l'abstention au référendum sur la Constitution rédigée unilatéralement par le Président Kais Saied, ni sa propre abstention aux élections législatives, n'ont servi à mettre le gouvernement à l'écoute de la société. Aujourd'hui, avec l'annonce des nouveaux budgets pour 2023, le mécontentement envahit à nouveau les rues tunisiennes, et la centrale syndicale tunisienne, l'UGTT, parle de manifestations de masse et d'"occupation des rues" pour montrer leur rejet des budgets annoncés par la ministre des Finances, Sihem Boughdiri.
 
La crise financière en Tunisie a laissé une inflation supérieure à 10 % et un déficit budgétaire de 7,7 % du produit intérieur brut (PIB). L'objectif pour l'année prochaine est d'améliorer ces chiffres, selon le ministre Boughdiri, en réduisant le déficit d'au moins 2,5 pour cent, pour le laisser à environ 5 pour cent du PIB. Toutefois, pour y parvenir, une hausse des impôts est nécessaire, ce qui n'a pas été bien accueilli par le plus grand syndicat du pays. En fait, la hausse des impôts ne sera pas suffisante et la Tunisie devrait emprunter quelque 23,5 milliards de dinars - un peu plus de sept milliards d'euros.

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Mais ce n'est pas la seule chose sur laquelle le gouvernement tunisien devra s'appuyer pour faire fonctionner le budget 2023. Il cherchera également à obtenir un financement étranger d'environ quatre milliards d'euros et trois milliards d'euros supplémentaires auprès des banques locales. Toutefois, le moyen le plus controversé de collecter des recettes est la hausse d'impôts susmentionnée, qui touche plusieurs secteurs de l'économie, à commencer par une nouvelle taxe sur les biens immobiliers d'une valeur supérieure à trois millions de dinars - près d'un million d'euros -.
 
À cela s'ajoute une taxe de 20 % sur les paiements en espèces de plus de cinq mille dinars, qui devrait générer des recettes importantes, ainsi que l'octroi d'un prêt de sauvetage de 1,9 milliard de dollars par le Fonds monétaire international. Tout cela dans le but d'atteindre une croissance du PIB de 1,8 %, et le calcul d'un prix de 89 dollars par baril de pétrole. Malgré tout, le ministre, dans sa déclaration aux journalistes, a assuré que l'année prochaine sera "une année très difficile" et que l'inflation, du moins pour le moment, continuera à augmenter.

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Toutes ces mesures annoncées par Sihem Boughdiri ont été accueillies très négativement dans la société, notamment au sein de l'UGTT, un syndicat qui compte plus d'un million de membres. Son président, Noureddine Taboubi, a assuré qu'"ils n'accepteront pas cette situation" et qu'"ils descendront dans la rue pour défendre leurs choix et les intérêts du peuple". Taboubi qualifie le gouvernement de Saied de "gouvernement collecteur d'impôts" et estime que la loi de finances "accroît les souffrances des Tunisiens", soulignant également l'augmentation de 13 à 19% des taxes pour diverses professions telles que les avocats et les ingénieurs.
 
Il ne faut pas oublier que l'annonce de ces nouveaux budgets intervient après une hausse du prix de l'eau potable - qui devrait continuer à augmenter l'année prochaine - ainsi que des prix des carburants, due en grande partie à la crise énergétique du pays. L'UGTT n'est pas la seule à rejeter farouchement le nouveau budget. Les avocats tunisiens ont publié un communiqué menaçant de "désobéissance fiscale". La société tunisienne a montré à plusieurs reprises qu'elle était capable de paralyser l'économie par des grèves. Le gouvernement doit donc rechercher un consensus, sinon le fossé avec la population sera sans retour.

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