La Turquie affirme que le rapprochement avec Israël profitera aux Palestiniens
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, s'est rendu en Israël dans le but de resserrer les liens entre les deux pays après plusieurs affrontements dans le passé au sujet du conflit israélo-palestinien. Dans le cadre de l'amélioration des relations bilatérales, le président turc Recep Tayyip Erdogan a invité son homologue israélien, Isaac Herzog, à Ankara en mars. Cette visite, ainsi que le voyage de Cavusoglu en Israël, s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique étrangère de la Turquie visant à renforcer les alliances régionales.
Turkiye and Israel are on the same page regarding normalization and revitalization of ties, the Turkish foreign minister said https://t.co/oSLgzlAUlN pic.twitter.com/KNiQTkSfny
— ANADOLU AGENCY (@anadoluagency) May 25, 2022
La visite de Cavusoglu est le premier voyage en Israël d'un ministre des Affaires étrangères turc depuis 15 ans. Pour son premier jour, le ministre turc des Affaires étrangères s'est rendu en Cisjordanie, où il a rencontré des responsables palestiniens. À Ramallah, il s'est entretenu avec son homologue palestinien, Riad al-Malki, à qui il a assuré que le soutien turc à la cause palestinienne "est totalement indépendant du cours des relations avec Israël", selon EFE. Cavusoglu a également rencontré le président palestinien Mahmoud Abbas.
#Filistin Ziyaretimiz
— Mevlüt Çavuşoğlu (@MevlutCavusoglu) May 24, 2022
Visit to #Palestine ???? pic.twitter.com/zLllppGF5J
Le deuxième jour, Cavusoglu a visité le musée de l'histoire de l'Holocauste (Yad Vashem), où il a déposé une gerbe et signé le livre commémoratif du musée. Il a ensuite rencontré le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, avec lequel il a discuté des progrès réalisés en matière de réconciliation entre les deux pays.
Le diplomate israélien a souligné l'objectif de "développer la coopération économique et civile" entre les pays. "Au-delà de la diplomatie, Monsieur le Ministre, les Israéliens aiment tout simplement la Turquie", a déclaré Lapid, faisant référence aux milliers d'Israéliens qui choisissent la Turquie comme destination touristique, selon le Times of Israel.
Israeli FM Yair Lapid in presser with Turkish FM Cavusoglu:
-Our relations and cooperation reached an unprecedented level
-We intend to work on a new civil aviation deal
-We're opening a new chapter in our relations pic.twitter.com/sRXubVa2k8— TRT World Now (@TRTWorldNow) May 25, 2022
Dans ce contexte, les deux ministres ont convenu de travailler sur un nouvel accord d'aviation civile qui permettrait aux compagnies aériennes israéliennes de voler à nouveau vers la Turquie, puisque les transporteurs ont été interdits en 2007 après que la Turquie a refusé de s'adapter aux exigences de sécurité spéciales d'Israël, note le journal israélien. Turkish Airlines, quant à elle, est le plus grand transporteur israélien après El Al.
Le partenariat turco-israélien vise également à "créer des liens d'entreprise à entreprise et de peuple à peuple, et à tirer parti des avantages comparatifs de nos deux pays au niveau régional et mondial", a ajouté Lapid. Ce partenariat peut également s'étendre à d'autres domaines tels que la sécurité et la défense. Sur ce point, Lapid a fait allusion à la récente vague d'attaques terroristes dans le pays, qui ont coûté la vie à 19 Israéliens. "Nous attendons de nos amis qu'ils coopèrent avec nous dans cette bataille", a-t-il déclaré.
Israeli FM Lapid said to his Turkish counterpart Çavuşoğlu that "we are fighting terror with determination & we expect our friends to cooperate with us."
— Hossein Aghaie, Ph.D (@Haghaie) May 25, 2022
Lapid made a reference to the killing of 19 Israeilis in recent months & thanked the US for keeping #IRGC in the terror list. pic.twitter.com/JSc6E2Ilsz
Toutefois, le ministre israélien a également reconnu les "hauts et les bas" des relations, tout en rappelant que la Turquie a été la première nation musulmane à reconnaître Israël en 1949, un an seulement après la création de l'État juif. C'est pourquoi les deux pays ont toujours su "revenir au dialogue et à la coopération".
"Aujourd'hui, nous amorçons un nouveau cadre pour améliorer nos relations, dont non seulement nous, mais aussi nos enfants, bénéficieront dans les années à venir", a conclu Lapid.
Cavusoglu, pour sa part, a assuré que la normalisation des relations avec Israël "aura un impact positif sur la résolution pacifique du conflit israélo-palestinien". En ce sens, le ministre turc a désigné son pays comme un modérateur possible "pour poursuivre les efforts de dialogue". En ce qui concerne les liens avec Israël, le diplomate a noté que le "volume des échanges entre la Turquie et Israël a dépassé 8 milliards de dollars l'année dernière", tandis que les chiffres du premier trimestre de cette année sont "très prometteurs", rapporte TRT.
Turkish Foreign Minister Mevlut Cavusoglu said on Wednesday that the normalization of ties between Turkey and Israel will have a "positive impact" for a "peaceful" resolution to the Palestinian conflict. pic.twitter.com/QvIaQh6bI8
— ANews (@anews) May 25, 2022
Cavusoglu s'est engagé à accroître cette coopération commerciale et économique, car elle est "mutuellement bénéfique". Dans le cadre du partenariat bilatéral, il a également mis l'accent sur le tourisme, déclarant qu'Istanbul était la destination la plus populaire pour les touristes israéliens, mais qu'il espérait "recevoir davantage de visites dans différentes régions du pays".
En raison de la crise économique qui frappe le pays, Ankara met l'accent sur la sphère économique dans ses relations avec de nouveaux alliés tels que Jérusalem. Comme l'ont souligné des analystes à l'AFP, Erdogan reste favorable à la cause palestinienne, mais il souhaite également améliorer les relations avec Israël afin de stimuler l'économie turque, notamment par le biais d'initiatives conjointes dans le domaine du gaz. Cavusoglu s'est donc rendu en Israël avec le ministre de l'Énergie, Fatih Donmez.
La présence de Donmez reflète les aspirations d'Erdogan à construire un gazoduc avec Israël vers l'Europe dans le contexte de la guerre Ukraine-Russie. Lors de la visite de Herzog à Ankara, le dirigeant turc s'est dit " prêt à coopérer avec Israël dans le domaine de l'énergie et de la sécurité énergétique ", car le pays eurasien " a l'expérience et la capacité de mettre en œuvre de tels projets ".
Cependant, cette initiative ne rencontre pas l'approbation d'Israël. "Pour certains, Erdogan n'est pas un partenaire fiable", explique à l'AFP Gabi Mitchell, attaché à l'Institut Mitvim, spécialisé dans la politique régionale d'Israël. Mitchell nous rappelle qu'en matière d'énergie, les pays doivent "se faire confiance".
Le gazoduc traverserait également la Méditerranée orientale, une région pour laquelle la Turquie entretient une forte rivalité avec Chypre et la Grèce. Pour cette raison, ce projet n'est pas dans l'intérêt d'Israël, car il "pourrait nuire à ses relations" avec ces nations.
Israël et la Turquie doivent encore résoudre certaines questions afin de consolider ce rapprochement, tant sur le plan commercial que politique. Au cours de la réunion, les ministres n'ont pas évoqué l'éventuel retour de leurs ambassadeurs respectifs, rappelés après des affrontements à la frontière de Gaza en 2018.
Le Hamas, le groupe islamiste qui contrôle Gaza et maintient une présence importante en Turquie, n'a pas non plus été mentionné. À cet égard, Israël aurait demandé à Ankara - qui a soutenu l'organisation ces dernières années - d'expulser certains de ses membres comme condition à la reprise des relations.