Un an après la catastrophe qui a dévasté le port de Beyrouth, le Liban reste dans un coma politique et économique. Quatre premiers ministres sont arrivés au pouvoir l'année dernière sans qu'aucun d'entre eux ne parvienne à former un gouvernement stable. Avec pratiquement aucun médicament ou produit alimentaire de base dans les pharmacies et les supermarchés, avec une livre libanaise dévaluée de 90 % par rapport au dollar et une inflation supérieure à 20 % ces dernières années, le Liban se trouve dans une situation économique désastreuse après avoir été acculé à la faillite.
La mauvaise passe a frappé ce pays levantin de 4,5 millions d'habitants, qui fait face à une triple crise : sanitaire, économique et socio-politique. Alors que la colère prévaut contre une classe dirigeante qui n'a depuis lors pas réussi à former un gouvernement, la confrontation entre la classe politique tient en haleine une société qui attend la formation d'un gouvernement pour pouvoir accéder à l'aide internationale dont elle a si désespérément besoin, alors que la communauté internationale refuse de relancer son économie en faillite si des réformes drastiques contre la corruption ne sont pas mises en œuvre.

L'amalgame des religions et des cultures a conduit à une fragmentation de l'activité économique pour satisfaire les différentes factions qui coexistent à l'intérieur des frontières du Liban, ce qui a entraîné un dysfonctionnement du système économique. La dette publique du Liban est la plus élevée au monde, avec plus de 170 % du PIB. Le gouvernement a déclaré début 2020 le premier défaut de paiement de ses engagements financiers de l'histoire du pays en ne déboursant pas 1,2 milliard de dollars. Les banques sont allées jusqu'à imposer leurs propres contrôles de capitaux, en l'absence de réglementation claire de la part de la Banque centrale libanaise. Ils ne sont pas autorisés à retirer plus de 300 dollars par quinzaine dans une économie fortement dollarisée et avec une livre libanaise fortement dévaluée. Malgré cela, les importateurs pourront accéder à la devise américaine à un prix bien inférieur à sa valeur actuelle sur le marché noir, où depuis des semaines elle se situe autour de 20 000 unités pour un dollar, et l'État couvrira la différence grâce à sa dotation budgétaire pour 2022.
Les coupures de courant, le manque d'eau potable et les pénuries d'essence font désormais partie du quotidien de nombreux citoyens du pays. Les réfrigérateurs presque vides dans de nombreux foyers sont l'image qui résume parfaitement l'effondrement économique du Liban, qui a plongé une grande partie de la population dans la précarité. L'électricité du gouvernement ne parvient aux foyers libanais qu'une ou deux heures par jour, tandis que les entreprises qui exploitent des générateurs d'électricité privés rationnent l'approvisionnement en raison d'une pénurie de carburant pour les faire fonctionner.

La production d'électricité suffit à peine à couvrir 25 % des besoins d'approvisionnement du pays, tandis que la Banque centrale du Liban a avancé qu'elle n'était pas en mesure de continuer à soutenir les importations de carburant, ce qui implique la suppression des subventions. Les forces de sécurité ont mené une série de raids contre des stations-service et des entrepôts soupçonnés de retenir leurs stocks pour les vendre à des prix beaucoup plus élevés lorsque les subventions seront levées, une campagne au cours de laquelle des millions de litres ont été saisis.
Le pays méditerranéen souffre de l'une des pires crises économiques du XXIe siècle, selon la Banque mondiale, et a généré une crise de l'offre qui touche la majorité de la population et l'empêche d'accomplir les tâches les plus élémentaires. Les graves pénuries de carburant ont entraîné de longues files d'attente dans les stations-service, des coupures de courant prolongées et des fermetures d'entreprises. La crise a exacerbé les inégalités sociales dans un pays (de six millions d'habitants, dont 1,5 million de réfugiés) où 5 % détiennent plus de 65 % des richesses et où cinq des six fortunes libanaises figurant sur la liste 2019 du magazine Forbes sont des hommes politiques.

L'image idyllique d'un verger libanais coloré dans les tons verts et bleus, riche en végétation et en eau douce, est révolue. L'eau vient à manquer au Liban où les services publics d'eau sont limités à trois jours par semaine, l'eau du robinet est imbuvable, ce qui oblige les gens à acheter de l'eau en bouteille, et chaque immeuble est équipé de réservoirs alimentés par des camions. La demande en eau au Liban est de 1,8 milliard de mètres cubes par an, une quantité que ni les rivières ni les puits souterrains, surexploités et mortellement blessés par la sécheresse persistante, ne peuvent supporter à ce rythme d'approvisionnement face à une population en constante augmentation. Le pays des cèdres a traversé de nombreuses crises, dont certaines ont été longues et dramatiques. Il n'y a pratiquement plus de carburant dans les stations-service ni de médicaments dans les pharmacies, et les services publics se sont effondrés. Depuis un an, les tentatives de formation d'un exécutif au Liban se sont effondrées dans des conflits sectaires entre ses 18 communautés ethniques et religieuses, tandis que l'économie est en pleine déconfiture.
Dans un pays fortement dépendant des importations, l'impact de cette dépréciation se fait cruellement sentir. Les prix ont grimpé en flèche tandis que des milliers d'entreprises ont fait faillite ou ont licencié un grand nombre de leurs employés. Le tableau reste apocalyptique au Liban, un an après la tragédie du port de Beyrouth. L'effondrement de la monnaie, la hausse de l'inflation, conjugués à cette explosion et à la pandémie de coronavirus, ont exacerbé les tensions politiques dans une nation qui se dirige vers un État défaillant.