Le Parlement européen rejette une proposition visant à exclure ces deux sources de la "taxonomie européenne" de la Commission, les ouvrant ainsi à des investissements de plusieurs millions d'euros

Le Parlement européen estime que l'énergie nucléaire et le gaz naturel doivent être considérés comme "durables"

photo_camera AP/JEAN-FRANCOIS BADIAS - Les législateurs européens se rassemblent pour voter au Parlement européen, le mercredi 6 juillet 2022 à Strasbourg, dans l'est de la France

Le Parlement européen a donné son feu vert à la qualification de durable du gaz naturel et de l'énergie nucléaire. Les députés ont rejeté mercredi une proposition visant à exclure ces deux sources de la "taxonomie européenne", en approuvant la proposition de la Commission. Cette taxonomie vise à classer les activités économiques en fonction de leur durabilité, en orientant les investissements privés, par le biais d'incitations et d'avantages, vers les secteurs les plus nécessaires à la transition énergétique. Et maintenant, à moins d'un vote à la majorité qualifiée contre au Conseil de l'UE, le gaz et l'énergie nucléaire bénéficieront de ce régime à partir du 1er janvier 2023, pouvant bénéficier de millions d'investissements.

Le vote a été très serré, suscitant des passions de part et d'autre, mais au final 328 députés, notamment de la droite conservatrice, libérale et de l'extrême droite, l'ont emporté, contre 278 sociaux-démocrates et députés de gauche opposés à cette désignation.

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Mairead McGuinness, commissaire chargée des affaires financières, s'est félicitée de ce résultat, qualifiant le projet de législation de la Commission, appelé "acte délégué supplémentaire", de "proposition pragmatique" qui garantira que les investissements privés dans ces deux sources d'énergie répondent à des "critères stricts". "Notre proposition garantit la transparence afin que les investisseurs sachent dans quoi ils investissent", a-t-elle déclaré.

La Présidente du Parlement, Roberta Metsola, a souligné la nécessité de maintenir l'ambition sur les objectifs climatiques. "Ce Parlement restera ferme en nous demandant de rester ambitieux et en même temps réalistes afin de garantir que les mesures immédiates à court terme ne deviennent pas la nouvelle norme à moyen terme", a-t-elle déclaré. 

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Une solution temporaire

S'il est adopté par le Conseil, ces deux sources seront classées comme transitoires, dans la mesure où il n'existe pas d'alternative à faible teneur en carbone technologiquement ou économiquement viable, ce qui leur confère moins d'avantages que les énergies qualifiées de vertes. L'idée de la Commission est que ces deux sources peuvent contribuer aux efforts pour réaliser la transition énergétique. "Les activités nucléaires et gazières nous permettront de nous éloigner plus rapidement des activités plus polluantes - telles que la production d'électricité à partir du charbon - pour nous diriger vers un avenir neutre sur le plan climatique, fondé principalement sur des sources renouvelables", explique la Commission dans le communiqué de presse présentant le projet.

Selon le Pacte vert européen, l'UE vise, d'ici à 2030, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport aux niveaux de 1990 et à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. Bruxelles attend du gaz et de l'énergie nucléaire qu'ils contribuent à cet objectif ambitieux de manière temporaire et en respectant un certain nombre d'exigences.

Le gaz aura pour objectif de contribuer à remplacer le charbon, et les investissements dans le gaz ne seront approuvés que dans le cadre de projets à faible taux d'émission ou jusqu'en 2030. L'énergie nucléaire devra répondre à des exigences strictes en matière de sécurité et d'environnement, et les Le gaz aura pour objectif de contribuer à remplacer le charbon, et les investissements dans le gaz ne seront approuvés que dans le cadre de projets à faible taux d'émission ou jusqu'en 2030. L'énergie nucléaire devra répondre à des exigences strictes en matière de sécurité et d'environnement, et les investissements seront comptabilisés dans le cadre de la taxonomie jusqu'en 2045 pour les nouvelles centrales et jusqu'en 2040 pour les modifications et extensions des centrales existantes. 

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La construction d'un réacteur nucléaire prend généralement entre 5 et 20 ans, en fonction des délais, et sa durée de vie est d'environ 40 ans, qui peut être prolongée par une maintenance appropriée. L'avenir énergétique de l'Europe pourrait donc rester lié à cette source au-delà du tournant du siècle. Bien que son coût économique soit très élevé, l'attraction de nouveaux investissements verts pourrait donner un coup de fouet au secteur.

S'adressant à Atalayar, le président de la Société nucléaire espagnole, Héctor Dominguis, a salué cette décision, réaffirmant l'importance de l'énergie nucléaire pour un "système électrique sûr, compétitif et durable". "De nombreux pays l'ont compris et prennent des décisions pour prolonger la durée de vie de leurs centrales nucléaires et en construire de nouvelles pour compléter la croissance des énergies renouvelables, mais nous comprenons que cela doit être l'ordre, d'abord maintenir ce que nous avons et en parallèle explorer la mise en service éventuelle de nouvelles installations", a déclaré Dominguis. Le gouvernement espagnol a précédemment convenu avec les principales compagnies d'électricité de fermer les sept centrales nucléaires espagnoles d'ici 2035, mais Dominguis affirme que le parc nucléaire espagnol pourrait fonctionner pendant encore au moins 20 ans

La division dans l'UE

Les opposants au projet, quant à eux, ont accusé la Commission d'abandonner la voie de la transition climatique et de permettre le "greenwashing" des entreprises. "À partir de maintenant, la Commission devra cesser de prétendre que l'UE est un leader dans l'action climatique mondiale - comment diable pouvons-nous exiger que les autres cessent d'utiliser les combustibles fossiles alors que nous avons nous-mêmes décidé que le gaz naturel est un investissement vert?", a déclaré Silvia Modig, une eurodéputée finlandaise de la Gauche européenne.

Le bureau européen de Greenpeace a également condamné le vote sur l'énergie, le qualifiant de "résultat scandaleux pour qualifier le gaz et l'énergie nucléaire de verts [...] et remplir davantage le trésor de guerre de Poutine". L'ONG a également promis de porter l'affaire devant les tribunaux européens. 

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La mesure n'a pas non plus été bien accueillie dans certaines capitales. Le Luxembourg et l'Autriche ont annoncé leur opposition à l'accord et saisiront également la Cour de justice des Communautés européennes. "Il n'est pas crédible, pas ambitieux, pas fondé sur les connaissances, il met en péril notre avenir et est plus qu'irresponsable", a déploré la ministre autrichienne de l'Environnement Leonore Gewessler.

Mais, sauf surprise, la loi sera adoptée. La proposition visant à exclure le gaz et l'énergie nucléaire va maintenant être soumise au Conseil, le colégislateur au sein duquel les 27 États membres de l'UE sont représentés et qui fait office de chambre haute. Pour se réaliser, ce projet devrait surmonter une métrique compliquée, avec au moins 20 des 27 pays représentant 65% de la population totale de l'UE votant en sa faveur, ce qui est très peu probable.  

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