L'ombre de la Turquie en Ukraine inquiète la Russie et la France
Une déclaration du ministère ukrainien de la défense, ainsi qu'une vidéo publiée par l'état-major général des forces armées, ont ouvertement rendu publique l'utilisation de vols armés de drones Bayraktar TB2 dans le conflit du Donbass. Ces drones, produits par la Turquie et vendus en grand nombre à Kiev, sont l'une des grandes réussites de l'industrie militaire turque. Leur utilisation dans le conflit ukrainien, et contre les rebelles pro-russes, a irrité et inquiété la Russie, la France et l'OTAN.
Les images publiées par les autorités ukrainiennes montrent, à travers la caméra montée sur le drone, un missile de moyenne portée bombardant une position occupée par une équipe d'artillerie légère des rebelles pro-russes. Le missile laisse un grand nuage de fumée et de terre sur la position des tireurs, qui est dévastée, après quoi l'enregistrement est coupé.
З метою примушення ворога до припинення вогню у районі проведення #ООС було вперше застосовано “#Байрактар” - Генеральний штаб #ЗСУhttps://t.co/8snvyiYB8x
— Defence of Ukraine (@DefenceU) October 26, 2021
À la suite de ces événements, l'impression russe a été exprimée par le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, qui a déclaré aux journalistes qu'il avait évalué la situation de guerre en Ukraine. "Nous avons de très bonnes relations avec la Turquie, mais dans cette situation, nos craintes se réalisent malheureusement, car les livraisons de telles armes à l'armée ukrainienne peuvent potentiellement déstabiliser la situation sur la ligne de contact", a déclaré Peskov à Reuters. Il est clair que la Russie n'apprécie pas que son ennemi indirect, le gouvernement de Kiev, ait entre les mains des outils de guerre aussi sophistiqués que le Bayraktar TB2, et que leur utilisation soit indiscriminée dans le conflit du Donbass, où la Russie mise beaucoup. L'ingérence de la Turquie va si loin qu'elle est fermement décidée à produire les drones de combat et d'exploration en Ukraine, afin de faciliter l'approvisionnement des forces armées ukrainiennes.
La Turquie déstabilise une fois de plus la situation dans une région troublée, mais cette fois aux portes de l'Europe et de la Russie. Le porte-parole du gouvernement de Poutine l'a également fait savoir. "Nous voyons que dès que ces armes tombent entre les mains des militaires (ukrainiens), elles peuvent potentiellement être utilisées dans cette région (orientale) de l'Ukraine, et cela conduit à la déstabilisation", a répété Dmitri Peskov, selon Reuters. "Cela ne contribue pas à la solution de ce problème interne ukrainien". La Russie et la France craignent que la présence d'une puissance comme la Turquie ne contribue en rien à la résolution du conflit dans l'est de l'Ukraine.
Du côté français, comme le publie le média émirati Al-Ain, la première porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Anne Claire Legendre, a fait une déclaration au Quai d'Orsay dans laquelle elle a critiqué l'utilisation de nouvelles armes de guerre en Ukraine, fournies par l'administration d'Erdogan. Elle a déclaré qu'elles iraient à l'encontre de l'intention de désescalader le conflit, un objectif qui ne semble pas être à l'ordre du jour de la Turquie après la vente de Bayraktar et la promesse de nouvelles fournitures. "Nous sommes préoccupés par l'escalade des hostilités dans l'est de l'Ukraine, outre l'utilisation répétée d'armes lourdes interdites par les accords de Minsk, et l'annonce par les militaires ukrainiens de l'utilisation du drone armé Bayraktar", a déclaré Anne Claire Legendre. "Ces actes sont incompatibles avec les mesures de consolidation du cessez-le-feu entrées en vigueur le 27 juillet 2020", poursuit la porte-parole du ministère français.
L'Ukraine rejoint ainsi la liste des pays utilisant cet avion sans pilote, qui comprend déjà les forces armées marocaines, qui ont reçu 13 appareils en septembre 2021, l'Azerbaïdjan et le Qatar, ainsi que la gendarmerie et l'armée de l'air turque. Le Bayraktar TB2 (qui signifie "porte-drapeau" en turc) a une longueur de 6,5 mètres et une envergure de 12 mètres avec les ailes déployées. Il pèse 150 kg et peut être armé et équipé jusqu'à 650 kg. Avec une vitesse de croisière de 130 km/h, il peut lancer des missiles antichars L-UMTAS à longue portée ou les missiles turcs à guidage laser Roketsan Cirit après un vol de 27 heures.
Bayraktar a fait son baptême du feu à la frontière turque avec l'Irak, en bombardant les positions du PKK kurde dans ce qui s'est avéré être des attaques sanglantes en 2019. Mais sa véritable performance de star a eu lieu pendant les combats du Haut-Karabakh, de septembre à novembre 2020, au cours desquels l'armée de l'air azérie a bombardé sans relâche les troupes arméniennes grâce au Bayraktar fourni par la Turquie et à la formation dispensée aux pilotes azerbaïdjanais par l'armée turque, en raison des très bonnes relations et de la coopération opérationnelle entre les deux pays.
