Les dirigeants des groupes d'opposition au régime djiboutien dénoncent leur incapacité à participer à des élections libres et démocratiques contre le dictateur actuel. Nous avons interviewé Mohammed Ali, Omar Ali Hassan, et Ali Ali

L'opposition à Djibouti : "Nous connaissons déjà les résultats des élections qui auront lieu le 9 avril"

photo_camera Yibuti

Prenant le pouvoir en mai 1999, le dictateur actuel, Ismail Gualleh, a veillé à opprimer les voix exprimant des critiques négatives à l'égard du régime. Avec le soutien de la communauté internationale, il est parvenu à modifier la constitution du pays en avril 2010, mettant fin à la limite constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels, qui stipulait que la même personne ne pouvait occuper la présidence que deux fois au maximum. Il a donc la possibilité d'occuper le poste de pouvoir pour le reste de sa vie. Le régime, dirigé par Gualleh, a été constamment accusé de nier le "principe de légalité" et de faire taire (ou de payer pour faire taire) les militants en exil, voire de menacer la majorité lorsqu'elle s'est exprimée sur la situation précaire du pays et sur le peu de liberté et de droits civils dont disposent les citoyens.

Avez-vous confiance dans la fiabilité des résultats des élections du 9 avril ? Pensez-vous qu'il y aura une égalité des chances ?

O : Je pense qu'il est clair pour tous les citoyens de Djibouti que les élections sont truquées avant même qu'elles n'aient lieu. Tout le système est conçu pour garder le président actuel. Il n'y a aucune distinction entre les institutions gouvernementales et la famille au pouvoir. Il manque un système gouvernemental fonctionnant correctement pour diriger le pays. Il est clair pour tout le monde, même pour les plus fidèles alliés du président, que cette élection est truquée, comme les précédentes.

M : Les partis politiques représentant l'opposition au régime, y compris le parti politique militaire (FRUD), ont boycotté les élections. Les huit partis politiques ont formé une coalition contre les élections. C'est la première fois qu'ils sont tous unis, et qu'ils ont reçu le soutien de militants et de personnalités importantes de la société civile... D'autres, comme MAGD, ne nous ont pas rejoints, mais ont refusé de participer aux élections. Le président ne veut que le président ne veut la présidence que pour lui-même et son cousin, un faux candidat indépendant français, apparu dans la sphère politique il y a seulement deux mois.

Avez-vous des documents légaux montrant que vous êtes parents ?

R : Il faut savoir que la population de Djibouti est divisée en trois groupes majoritaires : Afar, Somai, et un troisième qui est composé de différents groupes ethniques minoritaires (Ethiopiens, Soudanais...). Dans le groupe somalien, la majorité est détenue par le clan Issa (60%). Le pays est contrôlé par un sous-clan dirigeant qui représente 5% de la population : le clan Mamassan. Le président est Mamassan, le directeur de la sécurité nationale est Mamassan, le commandant des garde-côtes est Mamassan, le commandant de l'armée de terre, de l'armée de l'air... 12 des 14 PDG des ports de Djibouti sont Mamassan. Pour plus de précision et de détails, vous pouvez vous rendre sur le site web : Independence.org. Il explique parfaitement comment le pouvoir est contrôlé par ces petits groupes.

Alors comment sera-t-il possible de changer la situation si le président contrôle tous les outils de l'État ?

O : La CTD, la coalition, est représentée par différentes factions de la société djiboutienne. Nous convergeons et unissons toutes nos forces pour renverser la dictature. Il est essentiel de noter que cette initiative émane du FRUD et de son président 2018. La stratégie consiste donc à rassembler tous les militants, les partis d'opposition, le FRUD (qui est le seul parti politique armé) et à atteindre IOG sur tous les fronts.

Nous avons réussi à rassembler tous les principaux partis politiques : ARD, FRUD, FBC, UDG, et quelques autres associations comme MGO et bien d'autres. Le système dictatorial djiboutien a très peur de cette coalition car pour la première fois les partis politiques djiboutiens s'allient directement avec le FRUD.

Quelle est votre stratégie et votre plan ?

O : Nous travaillons sur un système basé sur l'escalade. Nous sommes en train de rédiger un statut, composé de 30 articles, qui permettra de mettre à jour la constitution actuelle pendant une période transitoire de deux ans. Nous commencerons à structurer notre équipe avec un président de transition, un ministre suppléant et plusieurs sous-comités qui travailleront sur les réformes nécessaires et urgentes pour aider le peuple djiboutien pendant la première période de ce plan.

Comment comptez-vous éviter le chaos pendant la transition ?

Nous sommes en train d'organiser nos forces et de faire converger nos efforts pour concevoir ce statut de manière à éviter une nouvelle dictature. Nous nous assurons que nous ne retomberons pas dans un autre régime autoritaire. Par exemple, l'un de nos articles autorise les sept membres du Conseil de transition à démettre le président de transition s'il ne respecte pas le statut.

Mais vous m'avez dit plus tôt que vous n'alliez pas participer aux élections.

O : Non, personne ne va participer aux élections.

Alors, le 9 avril, lorsque les élections auront lieu et que le président aura gagné, que pouvez-vous faire et que ferez-vous ? Vous laisserez des chaises vides qu'ils (le régime) rempliront.

M : Il n'y a pas de participation électorale, tout le monde sait que ce n'est pas une élection, c'est juste un spectacle.

Si vous le vouliez, le système vous permettrait-il de présenter votre candidature, ou le régime ne le permettrait-il pas ?

M : Non, il ne le permettrait pas.

Il ne serait donc pas possible pour l'opposition de participer à ces élections ?

M : Non, ils ne peuvent pas se présenter car la commission électorale nationale est contrôlée par le ministre de l'intérieur, donc la police et les agents de sécurité contrôlent les élections et leur résultat. Il n'y a pas de transparence. Donc, parce que nous ne participons pas aux élections, la nation attend, les gens protestent, les rues sont prêtes à sortir. Et il existe une force unie parmi l'opposition armée, opérant dans le nord et le sud du pays. Nous allons offrir au peuple djiboutien une alternative, nous allons leur faire une proposition. Nous allons faciliter la possibilité pour les gens de sortir dans la rue, parce qu'il y aura quelque chose d'établi et qui attend de changer le système actuel. Cela va apporter de l'espoir. Et les gens demandent cette transition, les gens sont impatients et attendent qu'elle arrive. Nous savons que les gens attendent que le pays se réinvente, et cela sera une combinaison de pressions internationales, de pressions politiques, de pressions politiques internes, de mouvements armés.....

Le régime est très vulnérable, très fragile. Elle est toujours debout par un homme. 99% de la population de Djibouti est contre le régime et attend un signe.

Yibuti

Si l'armée soutient la dictature, il y a un grand risque de violence de rue, alors quel est ce signal ?

O : Grâce au FRUD, le multipartisme est arrivé à Djibouti. Avant l'arrivée de FRUD, il n'y avait qu'un seul parti politique qui était légal. En tant qu'ancien commandant du bataillon d'intervention rapide, qui est un atout sensible.

Aujourd'hui, le gouvernement ne dépend pas de l'armée. Ils ont été obligés de faire venir 800 soldats de Somalie, ce dont nous avons la preuve. À tel point que, nous en sommes sûrs, leurs proches demandent le retour de leurs jeunes hommes. Ils n'ont rien à voir avec Djibouti. 87% de la Garde Républicaine fait partie du sous-clan du Président. De toute façon, la majorité de l'armée est contre la dictature.

Ils attendent simplement un signal. Le signal sera un effort structuré et combiné de tous les acteurs impliqués. Nous joindrons la pression de la rue, des partis politiques, la pression du FRUD au Nord et au Sud, et la pression internationale, en montrant les violations des droits de l'homme qui se produisent, envers les femmes, les enfants.....

Les gens sont-ils conscients de la situation à Djibouti ?

O : Par exemple, mes enfants sont retenus en otage à Djibouti. Le gouvernement refuse de leur donner leurs passeports. Je n'ai pas vu ma famille depuis plus d'un an. J'ai quatre enfants, et ils sont tous mineurs.

La population ne dispose que d'une plate-forme radio, d'une chaîne de télévision, d'une société de production appartenant au fils de Guelleh... Un directeur du port a un revenu de 8 000 000 de francs, ce qui équivaut au salaire de 200 soldats (47 000 francs, 300 dollars américains).

Nous commençons à sensibiliser les gens. Nous avons ici un podcast du Minneapolis Development Center, qui dénonce la situation à Djibouti. Nous sensibilisons le public et nous prévoyons de contacter des politiciens et des personnes de notoriété pour qu'ils le fassent également.

Il s'agira d'une force combinée qui interviendra au bon endroit et au bon moment.

Nos travaux de recherche montrent que Kadra Mahamoud Haid, la première dame, était la personne qui tirait les ficelles et manipulait de manière invisible. De plus, avec sa demi-sœur qui est l'épouse du président de la Somalie, et appartenant au même groupe ethnique... elle a beaucoup de pouvoir financier. D'où le tient-elle ?

O : Je vais vous donner une excellente référence. LVD, La Voix de Djibouti, le dernier épisode de ce mardi (30 mars 2021) montre exactement ce que cette famille a, et je suis convaincu que ce n'est que le sommet de l'iceberg.

Comment peuvent-ils opérer, et comment pouvons-nous couper leurs mouvements d'argent ?

R : Il n'y a pas de structure démocratique à Djibouti. Il n'y a pas d'institutions nationales qui fonctionnent. C'est un one-man show. Compte tenu de l'existence de la dictature, nous connaissons les résultats des élections avant qu'elles n'aient lieu. Nous avons beau avoir le mot "démocratique", la démocratie n'existe pas à Djibouti. Les campagnes électorales et les votes ne sont qu'un spectacle pour le reste du monde. En 1991, nous avons introduit des mesures démocratiques qui n'ont pas été appliquées.

Yibuti

Mais les choses changent-elles ?

R : Oui, la situation a changé. Le centre d'intérêt dans la Corne de l'Afrique a changé, notamment à Djibouti. Il ne s'agit plus d'une question d'ethnicité, mais d'une lutte commune. À l'époque, les Afars étaient le groupe opprimé. Aujourd'hui, quelle que soit votre origine ethnique, tout le monde souffre d'IOG. Les gens n'ont pas accès aux soins médicaux, et cela n'a aucune importance si vous êtes Afar, Somalien ou Arabe. Ils sont contraints d'émigrer en Europe, en Éthiopie, au Kenya, en Inde et même en Turquie.

Nous devons avoir les compétences et les capacités nécessaires pour nous rassembler en tant que Yiboutis, et créer une nation qui n'a jamais existé. C'est l'objectif du CTD. Depuis 1997, c'est un spectacle à une seule tribu, dirigé par une seule personne.

C'est une opportunité en or. Nous essayons de montrer à la communauté internationale qu'il existe une alternative. Que nous pouvons créer l'une des meilleures démocraties du monde. Un gouvernement conçu pour le peuple, dirigé par le peuple.

En ce moment, la région fait partie des grands intérêts stratégiques ? Quels pays font partie de la pression internationale ? Avez-vous des contacts avec les États-Unis ou d'autres pays occidentaux ?

A : Eh bien, si l'on se rappelle le cas d'Hosni Moubarak, il avait le soutien des pays occidentaux jusqu'à ce que la pression de "la rue" change la situation. Vous savez ce qu'on dit, que les États-Unis n'ont pas d'alliés permanents, mais des intérêts permanents des alliés permanents, mais plutôt des intérêts permanents. Nous pensons qu'une fois que nous aurons fait un pas en avant, le soutien de ces pays suivra.

Que pensez-vous de la prise de contrôle par la Chine du système bancaire, des ports et de la zone franche ?

M : C'est une très bonne question. Par exemple, la Chine est une protection alternative pour le régime. Ils ont investi sans poser de questions. Ils sont les bons alliés de dictatures comme celle de Djibouti. Il n'y a pas de responsabilité. Le régime a contacté la Chine après s'être trouvé dans une situation de pression avec l'administration Obama, où on lui a posé des questions et exercé des pressions sur ses normes démocratiques. Le président s'est senti menacé et a décidé de suivre la Chine.

O : IOG n'a jamais compris comment équilibrer les pouvoirs et les intérêts de la Chine et des Etats-Unis. Mais les deux ont réalisé que Gulleh menace les intérêts des deux. La Chine et les États-Unis comprennent que Gulleh doit quitter le pouvoir. Mais comme nous l'avons déjà dit, les seuls qui sont prêts à promouvoir ce changement sont les citoyens de Djibouti.

Pensez-vous que la Chine va modifier son soutien au nouveau régime ?

En fait, l'aspect le plus faible de la relation Chine-OIG est sa relation avec les États-Unis. La pire décision a été de céder et de compter autant sur la protection de la Chine.

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