La CAF appelle à une plus grande collaboration internationale pour générer une plus grande croissance face à la crise pandémique

Luis Carranza, président de la CAF : « Il est fondamental de maintenir l'effort de la grande mondialisation »

photo_camera Luis Carranza, President of CAF

L'économie latino-américaine a été particulièrement touchée par la pandémie COVID-19. Face à l'ampleur de la crise, le président de la CAF (Banque latino-américaine de développement), Luis Carranza, appelle à la coopération internationale et insiste pour continuer sur la voie de la mondialisation : plus de commerce, plus d'investissements et plus d'intégration entre les pays de la région.

Pensez-vous que l'Amérique latine a besoin d'une sorte de plan Marshall face à cette crise ?

Ce serait l'idéal. Un plan axé sur les infrastructures. Le déficit d'infrastructures en Amérique latine est très important malgré tous les efforts qui ont été faits à l'époque des prix élevés des matières premières. Et ce qui est nécessaire, c'est un engagement à très long terme pour promouvoir en particulier l'infrastructure de l'intégration régionale et de l'intégration numérique, où nous constatons un certain nombre de lacunes.

À l'heure où les déficits et la dette publique vont exploser, comment pouvons-nous respecter les règles budgétaires tout en construisant des infrastructures ?

La question fondamentale est d'obtenir des sources de financement et d'avoir des structures de dépenses qui soient durables à moyen et long terme. Il est évident que les dépenses courantes doivent ralentir, mais les dépenses d'infrastructure doivent augmenter au fil du temps. Nous allons avoir une composition différenciée des dépenses et, évidemment, le financement des infrastructures a un impact positif parce qu'il génère une plus grande productivité, de meilleures conditions d'emploi et repousse ainsi la croissance. La taille de la dette n'a pas d'importance en termes absolus mais en termes relatifs.

Quel est le rôle de l'initiative privée ?

La question de l'initiative privée doit être travaillée car elle génère une plus grande possibilité d'augmenter les infrastructures sans générer de dépenses publiques. Il y a des pays où le cadre institutionnel est assez développé, comme le Chili ou la Colombie, et d'autres pays où ce cadre institutionnel doit être soutenu pour amener des investissements privés dans des infrastructures à usage public. Et c'est un effort que nous faisons à partir de la banque de développement.

Que peut faire l'Amérique latine pour surmonter l'informalité de l'emploi, qui va monter en flèche avec la crise ?

Fondamentalement, cela va augmenter la productivité. Nous avons une trinité impossible en termes d'entreprises à faible productivité, de réglementation excessive et de nécessité de la formaliser. Ces trois choses ne fonctionnent pas. Comment sortir de ce piège ? En améliorant la productivité, notamment des petites et moyennes entreprises. Nous devons travailler à l'amélioration des infrastructures, à la création de chaînes de valeur régionales, à une meilleure formation, à un réseau de fournisseurs et, fondamentalement, à l'accès à un financement à long terme à des conditions acceptables pour les PME. C'est un effort que nous coordonnons avec nos gouvernements et où l'Espagne a eu un leadership très important.

Il existe plusieurs initiatives d'intégration en Amérique latine (Mercosur, Alliance Pacifique), mais le sentiment est que les progrès sont très lents.

C'est une question essentielle. Si l'on considère l'expérience de l'Europe et de l'Asie, une source importante de croissance est précisément l'intégration de ces régions, ce qui ne s'est pas produit en Amérique latine. Et ce que nous pensons, à la CAF, c'est que nous avons des instruments qui sont utiles aux pays.

Mais le protectionnisme commercial de ces dernières années interfère avec la collaboration entre les pays.

Il est essentiel de poursuivre cet effort de mondialisation accrue, afin de faciliter les échanges commerciaux et les flux d'investissement pour les pays. Cela nous profite à tous sur le long terme. Peut-être qu'à court terme, certains secteurs ou certaines industries seront touchés, mais à long terme, pour les sociétés des pays développés et émergents, la meilleure chose à faire est de faciliter le commerce et les investissements.

La région a bien surmonté la crise de 2008, mais en 2015, l'économie s'est redressée et maintenant les prévisions pour les cinq prochaines années sont très mauvaises. Vous retournez à une décennie perdue ?

Si nous ne faisons rien, oui, et l'effort consiste précisément à trouver des sources de financement, à identifier les projets d'infrastructure qui sont puissants pour générer des emplois et une plus grande productivité dans les pays, et à avoir un programme de politique de relance. Et en identifiant les lacunes structurelles dans chacun des pays. Chaque pays a sa propre réalité et il y a différents rouages qui doivent être ajustés pour promouvoir la croissance et la prospérité, et c'est l'effort que nous faisons au CAF.

Que vous manque-t-il en Amérique latine de la part des pays clés comme l'UE ou les États-Unis ?

Ce que nous attendons de l'Amérique latine, c'est la meilleure possibilité de pouvoir commercer et attirer des investissements dans les meilleures conditions et de la manière la plus transparente possible. À cette fin, les banques de développement jouent un rôle fondamental et nous sommes en dialogue constant avec l'Asie, l'Amérique du Nord et l'Europe.

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