Macron envoie son navire d'écoute électronique en mer Noire pour espionner la Russie et la Turquie
Le Président de la République française, Emmanuel Macron, a ordonné à son seul navire d'espionnage électronique de prendre position en mer Noire et de rester dans ses eaux internationales pour intercepter les émissions radio et électromagnétiques des forces militaires terrestres, maritimes et aériennes de la Russie et de la Turquie. Le navire de la Marine française Dupuy-de-Lôme est parti mercredi 9 septembre de la base navale méditerranéenne de Toulon - à 190 kilomètres de la frontière avec l'Italie - et a traversé le détroit des Dardanelles/Bosphore dans la nuit du dimanche 13 septembre. Il se trouve déjà dans la région, où naviguent quelque 16 navires de guerre, dont trois discrets sous-marins d'attaque russes.
Avec les satellites espions et les avions de reconnaissance de l'armée de l'air française, le Dupuy-de-Lôme se déploie régulièrement dans des zones géographiques de crise ou d'intérêt stratégique pour la France afin de suivre directement et au plus près l'évolution de la situation et ainsi obtenir des informations et produire du renseignement de manière autonome et indépendante de celui acquis par d'autres pays.
Trois raisons expliquent la présence du navire espion Dupuy-de-Lôme dans les eaux de la mer Noire et à proximité des eaux territoriales turques. D'une part, à la volonté de Macron de poursuivre les pressions diplomatiques que Paris exerce sur Ankara et de renforcer la visibilité militaire de la France dans son grave désaccord avec le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan en raison des prospections pétrolières que la Turquie effectue en Méditerranée. Ensuite, pour exprimer le soutien de l'Élysée au gouvernement grec du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, qui vient d'annoncer son intention d'acheter un grand lot de systèmes d'armes à l'industrie française de la défense, dont 18 avions de chasse Rafale du constructeur Dassault et quatre frégates.
Une autre clé pour envoyer le navire dans la zone de tension est de suivre de près les grandes manœuvres militaires conjointes Kavkaz 2020 que la Russie va effectuer dans la région du 21 au 26 septembre. Ils impliqueront des troupes d'Arménie, d'Azerbaïdjan, de Biélorussie, de Chine, d'Iran, du Myanmar et du Pakistan sous le commandement du chef d'état-major des forces armées de la Fédération de Russie, le général d'armée Valery Gerasimov. L'Inde s'est retirée des exercices multinationaux en raison de ses récentes tensions avec la Chine à la frontière du Ladakh.
Selon les données fournies par le vice-ministre russe de la défense, le colonel général Alexandre Fomin, qui a réuni la semaine dernière les attachés militaires étrangers accrédités à Moscou, l'exercice Kavkaz-2020 est « l'aboutissement du cycle de formation de quatre ans de l'ensemble des forces armées de la Fédération de Russie ». Dans le but principal d' « évaluer les capacités des forces armées russes à assurer la sécurité militaire dans le sud-ouest du pays », environ 80 000 militaires des unités de combat, de défense aérienne, de soutien logistique et technique participeront à Kavkaz 2020, ainsi que du personnel du ministère russe de la défense civile, des urgences et de l'élimination des conséquences des catastrophes naturelles.
Le vice-ministre russe de la défense a souligné que le nombre maximum de troupes participant aux manœuvres sous un seul commandement opérationnel est soumis au document de Vienne 2011 et ne dépassera pas 12 900 militaires, ainsi que le nombre de systèmes d'armes différents. Selon le colonel général Alexander Fomin, l'exercice fera intervenir environ 250 chars de combat, 450 véhicules de combat d'infanterie et véhicules blindés de tous types, 200 pièces d'artillerie et lance-roquettes, de nombreux avions de combat et hélicoptères d'attaque, ainsi que des navires de surface et des sous-marins des marines des pays participants.
Un sujet qui intéresse particulièrement l'OTAN et la France est l'essai annoncé d'un missile de longue portée qui sera tiré depuis la Russie, prévu entre le 17 et le 25 septembre, et dont l'impact se fera dans les eaux internationales à l'est de Chypre, où Moscou a défini une zone restreinte à la navigation. L'objectif du Dupuy-de-Lôme est de collecter un maximum de données de trajectoire et de télémétrie sur les performances du missile.
Ce n'est pas la première fois que la France déploie le Dupuy-de-Lôme en mer Noire. Cela s'est déjà produit, par exemple lors du conflit en Ukraine en juillet 2019 et également en avril 2014. Au cours de la dernière année mentionnée, il a traversé les Dardanelles accompagné du destroyer de la marine américaine USS Donald Cook DDG-75, appartenant au système de défense anti-missile américain et, à l'époque, stationné sur la base aéronavale espagnole de Rota. Officiellement appelé BEM, c'est le premier navire de la Marine française spécialement conçu pour les missions de guerre électronique de longue durée.
Construit au chantier naval néerlandais Royal Niestern Sanders et lancé le 27 mars 2004, le Dupuy-de-Lôme n'est pas un navire de combat. Contrairement à eux, elle est peinte en blanc et équipée d'une seule paire de mitrailleuses lourdes de 12,7 millimètres pour l'autodéfense. Pour la liaison physique avec la terre, il dispose d'un petit héliport à l'arrière.
Rattachée à la Marine nationale - nom officiel de la Marine française - mais affectée opérationnellement à la Direction du renseignement militaire, elle est équipée des meilleures et des plus fines technologies d'origine française en matière d'antennes, de capteurs d'écoute et de brouillage, d'analyse des émissions, de radiogoniométrie, de télémétrie, d'écoute, de contre-mesures de communications électroniques (COMINT) et de signaux radar (ELINT), le tout régulièrement mis à jour.
Avec un déplacement de près de 4 000 tonnes, une longueur de 102 mètres et une autonomie de 30 jours, les systèmes de pilotage du navire sont pour la plupart automatisés. Grâce à cela, l'équipage est réduit à seulement 30 marins, qui sont accompagnés de 80 techniciens et opérateurs de systèmes de guerre électronique et d'analystes du renseignement. L'aménagement des espaces de vie à bord et l'ergonomie des postes de travail sont spécialement adaptés pour faciliter le séjour en mer jusqu'à 240 jours. Le navire porte le nom de l'ingénieur naval Henri Dupuy de Lôme (1816-1885) et est basé à Brest sur la côte bretonne, la principale base navale militaire française dans l'océan Atlantique.
