En "facilitant" l'accès aux archives de la guerre d'Algérie, Macron poursuit sa politique des "petits pas" de réconciliation

Macron ordonne la déclassification des archives secrètes de la guerre d'Algérie

photo_camera AFP/YOAN VALAT - Président français Emmanuel Macron

Emmanuel Macron avait confié à l'historien Benjamin Stora une mission sur "la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie", avec la commission que ce spécialiste présente au président un rapport avec des recommandations pratiques afin de favoriser "la réconciliation entre les peuples français et algérien". qui inclut les périodes tumultueuses de la décolonisation française en Afrique, comme la guerre d'Algérie (1954-1962). Près d'un mois après sa remise à Emmanuel Macron, le rapport de l'historien Benjamin Stora sur l'apaisement des souvenirs de la colonisation et de la guerre en Algérie semble trouver un débouché politique.

Dans un communiqué publié mardi 9 mars, l'Elysée a annoncé que le chef de l'Etat français avait pris la décision d'autoriser les archives à déclassifier les documents du ministère de la Défense jusqu'en 1971. "Cette décision est susceptible de raccourcir considérablement les délais d'attente. associée à la procédure de déclassification, notamment en ce qui concerne les documents liés à la guerre d'Algérie", selon le communiqué du quartier général présidentiel, qui explique qu'il mènera une procédure de déclassification plus agile; ce sera par dossier et non feuille par feuille. L'objectif est que les travaux de déclassification soient prêts avant l'été 2021.

el presidente francés Emmanuel Macron, a la derecha, recibe un informe del historiador francés Benjamin Stora  AP/CHRISTIAN HARTMANN

Cette annonce intervient une semaine après la reconnaissance par le président de la République, "au nom de la France", de la torture et du meurtre de l'avocat et leader nationaliste Ali Boumendjel par l'armée française pendant la guerre en France.

Jusqu'à présent, cette mesure était réservée aux éléments antérieurs à 1954. Désormais, la période couverte est "doublement intéressante" aux yeux de la Présidence de la République. D'abord parce qu'il répond à la durée de 50 ans fixée par le Code du patrimoine.

Surtout, "cela nous permet de couvrir une période qui suscite beaucoup d'intérêt pour l'actualité", à savoir la guerre d'Algérie. "Selon les historiens, le dernier soldat français a quitté l'Algérie, après l'indépendance, à la fin des années 1970 ou au début de 1971", rappelle un conseiller.

L'Elysée a annoncé que le chef de l'Etat entendait commettre des "actes symboliques" pour apaiser les souvenirs de la guerre d'Algérie et tenter de réconcilier les deux pays, mais ne présentera pas les "excuses" demandées par Alger.

En esta foto de archivo del 15 de mayo de 1962, un soldado francés vigila una esquina en Orán, Argelia, en la pared hay un cartel de la Organización Armada Secreta nacionalista, que llama a los ciudadanos a tomar las armas contra la independencia de Argelia AP/HORST FAAS

La France propose trois cérémonies entre 2021 et 2022 pour favoriser la réconciliation avec l'Algérie puisque les relations bilatérales entre ces territoires ont été sapées depuis que le pays européen était une puissance coloniale de l'Afrique entre 1830 et 1962.

Plus précisément, les événements sont prévus pour le 25 septembre 2021, à l'occasion de la Journée nationale des Harkis; le 17 octobre, commémoration du soi-disant massacre de Paris pour la répression des manifestants algériens dans la capitale française, et le 19 mars, pour le seizième anniversaire des accords d'Evian qui ont initié l'indépendance.

Ce rapport était attendu. D'une part parce que le sujet est hautement inflammable, à tel point qu'il déchaîne les passions, alors que l'Algérie est indépendante depuis près de 60 ans, et d'autre part, à cause de la personnalité de Benjamin Stora, qui a dédié sa carrière à l'histoire de l'Algérie et de l'immigration maghrébine, il ne peut être considéré comme un observateur insignifiant, au point que ses engagements passés - avec l'extrême gauche dans sa jeunesse, avec la gauche dans sa maturité - ne peuvent être totalement séparés de son travail scientifique, qui porte la marque d'un anticolonialisme de principe et d'une empathie non déguisée avec le nationalisme algérien.

 En esta foto de archivo del 27 de mayo de 1956, las tropas francesas sellan Argel, un barrio árabe de 400 años de antigüedad PHOTO/AP

Le rapport de Stora propose d'apaiser les mémoires rivales autour de la guerre d'Algérie, qui empoisonne le lien entre les deux pays, ainsi que le débat public au sein de la société française. Benjamin Stora, recommande notamment la création en France d'une commission "Souvenirs et Vérité", chargée de proposer "des initiatives conjointes entre la France et l'Algérie sur les questions de mémoire", rendant à l'Algérie l'épée d'Abdelkader, héros de la résistance à Colonisation française au 19ème siècle, reconnaître le meurtre par l'armée française de l'avocat et leader nationaliste algérien Ali Boumendjel en 1957 ou amener l'avocat anticolonialiste Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020, au Panthéon qui lui fait la bienvenue aux héros de l'histoire française.

L'attitude réconciliatrice du Président, célébrée en Algérie, n'est pas sans polémique en France, car il y a encore beaucoup de voix qui critiquent ces œuvres de mémoire historique et dénoncent que ce type d'acte est un manque de considération envers les militaires français qui ont participé à Guerre.

Après avoir salué le rapport de Stora, jugé "en deçà des attentes", les autorités et les médias algériens ont salué l'annonce d'Ali Boumendjel la semaine dernière, la qualifiant de "pas dans la bonne direction", selon le journal El Watan. Alger a alors insisté pour récupérer toutes les archives de la période coloniale et, au-delà, pour obtenir la "reconnaissance des crimes coloniaux" de Paris, ce qui jusqu'à présent excluait de présenter des "excuses".

En esta foto de archivo del 14 de diciembre de 1960, soldados franceses armados, en primer plano, se enfrentan a una turba de argelinos que gritan a la entrada de un barrio en Argel PHOTO/AP

Pour préserver les informations qui continuent d'être ultra-sensibles, "le gouvernement a entamé des travaux législatifs" pour renforcer la "communicabilité" des archives "sans compromettre la sécurité et la défense nationales", selon l'Elysée. De plus, les informations sur les essais nucléaires effectués par la France au Sahara algérien dans les années 1960 resteront secrètes, au grand dam d'Alger qui les revendique. Pour les experts, l'ouverture des fichiers ne doit pas conduire à de grandes révélations. "A propos de l'Algérie, on sait tout!" dice un miembro de inteligencia, citando operaciones militares, infiltración del FLN o torturas ... Y hoy, el Ejército francés "no defiende en absoluto lo que se ha hecho en Argelia" y quiere, por el contrario, "alejarse de eso", selon le.

Mais sur les réseaux sociaux, si de nombreux historiens français ont souligné l'aspect positif des recommandations du rapport, ils ont également souligné que, dans la pratique, "ils seront vains» si l'Instruction générale interministérielle 1300 sur la protection du secret de la défense nationale (IGI 1300) n'est pas réformé. Comme l'explique l'association des archivistes dans un communiqué publié le 17 janvier, "depuis plus d'un an, l'application systématique de l'IGI 1300 (…) a conduit à subordonner toute communication de documents antérieurs à 1970 et à porter un sceau de "secret" à une procédure administrative appelée déclassification. "En termes moins techniques, l'accès aux documents datant de la période coloniale "est ainsi bloqué pendant des mois, voire des années ".

Pour le journal algérien L'Expression, ce travail de mémoire est "un exercice difficile mais nécessaire" et permet aux deux pays d'avoir "un horizon commun tourné vers l'avenir". "Benjamin Stora en su informe exploró los callejones sin salida que llevaron a la incomprensión de ambos lados, antes de abogar por soluciones capaces de ir más allá de ellos y permitir el paso de una memoria comunitaria a una memoria común", resume con entusiasmo la vie quotidienne.

vista del Maqam Echahid, un monumento de hormigón que conmemora la guerra de independencia de Argelia, el 21 de enero de 2021 en Argel AFP/ RYAD KRAMDI

Le Quotidien d'Oran est plus critique, soulignant que le "rapprochement des souvenirs" souhaité par l'Elysée n'est pas pour demain. "C'est un processus de reconnaissance, mais ce n'est pas une question de regrets et d'excuses, a déclaré la présidence française, s'appuyant sur l'avis de Benjamin Stora qui cite en exemple le précédent des excuses présentées par le Japon à la Corée du Sud et à la Chine en la Seconde Guerre mondiale, une Coupe du monde qui n'a pas permis de "réconcilier" ces pays ", déplore le journal.

Interrogé sur la chaîne RFI, l'essayiste algérien Akram Belkaïd s'est également ému de la question des archives. "Il est évident qu'il y a un fantôme en Algérie sur les archives. Certains pensent encore que la France garde des secrets honteux sur les trahisons, les gens qui ont joué un double jeu ou ceux qui ont servi les intérêts de la France pendant qu'ils étaient au FLN", résume-t-il. Si, en France, l'accès aux documents est devenu plus difficile ces derniers mois, l'écrivain souligne également les difficultés du côté algérien: "Très peu de chercheurs algériens ont accès à leurs propres archives en Algérie, à tel point que certains préfèrent que cela reste en France par crainte d'être trafiqué ou dissimulé. "

Ce passé passera-t-il enfin? Le désordre, qu'il soit diplomatique (vicissitudes des relations entre Paris et Alger), identitaire (intégration des jeunes issus de l'immigration) et historiographique (archives insuffisamment ouvertes), condense une complexité au moins délicate à démêler.

Emmanuel Macron et son homologue Abdelmadjid Tebboune se sont engagés à travailler ensemble sur la question de la mémoire. Mais, jusqu'à présent, Alger n'a annoncé aucun geste réciproque, et l'alter ego de Benjamin Stora, Abdelmadjid Chikhi, n'a pas présenté son rapport.

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