Des centaines d'agriculteurs manifestent depuis jeudi à Figuig, dans le sud-est du Maroc, pour protester contre l'expulsion par l'Algérie des agriculteurs marocains qui étaient traditionnellement autorisés à cultiver des dattes

Manifestaciones en Marruecos contra las expulsiones de agricultores en la frontera argelina

AFP/FADEL SENNA - Les forces de sécurité marocaines montent la garde alors que des agriculteurs marocains manifestent dans la ville frontalière de Figuig, le 18 mars 2021

Les habitants de Figuig, une ville située à l'extrême est du Maroc, ont exprimé leur indignation face à la décision des autorités algériennes d'expulser une trentaine d'agriculteurs marocains d'une palmeraie qu'ils cultivaient à quelques kilomètres de là, mais du côté algérien de la frontière. Dans l'après-midi du jeudi 18 mars, des centaines de manifestants se sont rendus à la palmeraie pour protester contre cette décision. En revanche, ils sont agacés par les autorités marocaines, qui n'ont pas contesté l'expulsion.

La ligne frontalière entre le Maroc et l'Algérie est définie par un accord signé entre les deux pays en 1972. Selon cet accord, les autorités des deux pays semblent convenir que l'oasis d'Arja fait partie du territoire algérien. Cependant, les agriculteurs marocains sont libres d'exploiter cette palmeraie depuis les années 1990.

La frontera entre los rivales regionales Argelia y Marruecos está cerrada desde 1994 AFP/FADEL SENNA

En février, les autorités algériennes ont demandé aux agriculteurs marocains de quitter la zone dans les trois jours. Suite à des négociations avec les autorités marocaines, ce délai a été prolongé jusqu'au 18 mars.

Le jeudi 18 mars, la police marocaine a finalement empêché les manifestants d'atteindre Arja, vraisemblablement pour éviter toute friction avec la gendarmerie algérienne, qui avait pris possession de la zone. La marche a finalement été détournée vers le centre ville de Figuig et s'est terminée par un sit-in.

"Encore une fois, c'est nous qui payons !" Les habitants de Figuig, oasis historique à la frontière entre le Maroc et l'Algérie, souffrent du regain de tensions entre les deux pays, qui leur interdisent désormais de cultiver des dattes dans la zone frontalière algérienne. 

La frontera entre los rivales regionales Argelia y Marruecos está cerrada desde 1994 AFP/FADEL SENNA

"Pendant 30 ans, l'Algérie et le Maroc nous ont laissé cultiver sans problème, et maintenant nous ne savons pas vers qui nous tourner", a déclaré à l'AFP Abdelmalik Boubekri, un agriculteur contraint d'abandonner les palmiers dattiers qui faisaient vivre sa famille depuis trois générations. Ces derniers jours, l'homme de 71 ans a manifesté à plusieurs reprises pour protester contre cette "injustice" qui signifiera "la mort de Figuig".

Jeudi, à Figuig, une marche a mobilisé quelque 4 000 personnes, soit, selon les organisateurs, la moitié de la population de cette ville située aux confins de l'Atlas et du Sahara. "Tout le monde se sent lésé, l'agriculture est la seule ressource, il n'y a pas de travail ici, il n'y a pas d'usines", a déclaré Mohamed Jabbari, 36 ans, l'un des "jeunes chômeurs" venus soutenir les agriculteurs.

Une décision politique

L'Algérie a justifié la "sécurisation de la frontière" par les "déficiences" des exploitations agricoles et par l'existence de "bandes criminelles organisées dans le trafic de drogue", arguments qui ont été fortement contestés à Figuig. "Ces expulsions sont une décision politique", a déclaré Mohamed El Jilali, président d'une association locale. La mesure d'Alger n'a pas provoqué de réaction officielle à Rabat. Seule réponse : les autorités régionales marocaines ont organisé une réunion pour "examiner les solutions possibles pour atténuer les répercussions" de cette décision "temporaire et à court terme".

Fondé à l'époque des premières caravanes, l'ancien carrefour commercial avait déjà commencé à décliner avec l'établissement de la frontière en 1845, avant de devenir une impasse en raison de différends diplomatiques. Située à une dizaine d'heures de route de Rabat, l'oasis peine à attirer les touristes, bien que la beauté de ses paysages et de son architecture lui fasse rêver d'être inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Agricultores marroquíes protestan en la ciudad fronteriza de Figuig el 18 de marzo de 2021 AFP/FADEL SENNA

En outre, au fil des ans, les agriculteurs ont abandonné leur périmètre historique pour planter des "extensions" à proximité et au-delà de la rambla, utilisant la nappe phréatique pour irriguer leurs cultures. Les nouvelles zones sont beaucoup plus productives que les jardins traditionnels en adobe irrigués par un réseau complexe de tuyaux construits à la main. La zone d'Arja, celle qui a été évacuée cette semaine, couvre quelque 1 500 hectares, avec de nombreuses dattes "Aziza", une variété très recherchée. 

Abedelmalik Boubekri dit avoir laissé derrière lui "30 000 palmiers", dont certains ont été plantés par son grand-père. "Des années de travail" représentant, dit-il, une valeur de plus de 5 millions de dirhams" (environ 500 000 euros), les dattes se vendant jusqu'à 150 dirhams le kilo (environ 15 euros). Comme la trentaine d'agriculteurs expulsés d'Arja, cet agriculteur prétend avoir un "droit historique" sur les terres, brandissant une photocopie d'un acte notarié rédigé à la main en 1939. 

Toutefois, ces expulsions ne sont pas les premières. En 1975, les agriculteurs de Figuig ont été contraints d'abandonner leurs cultures après l'aggravation des tensions autour du Sahara occidental. À cette époque, pendant la Marche verte, des dizaines de milliers de Marocains avaient pris possession de l'ancienne colonie espagnole au nord de la Mauritanie. Après près de trente ans de cessez-le-feu, les tensions sur cette question ont refait surface à la fin des années 2020. 

Una vista general tomada el 19 de marzo de 2021 muestra la ciudad oasis de Figuig en la frontera con Argelia AFP/FADEL SENNA

Même à des centaines de kilomètres de là, Figuig craint de payer à nouveau le prix fort avec la perte des producteurs de dattes. Après les expulsions de 1975, une vague d'émigration vers les grandes villes ou l'Europe avait déjà vidé l'oasis de la moitié de ses habitants, laissant des maisons abandonnées, des jardins en friche et des murs en ruine. Et dans les parcelles "ancestrales" de l'autre côté de l'oued, "tout a été abandonné", déplore Rajae Boudi, descendante d'une famille "lésée". 

La palmeraie d'Arja, d'une superficie de 114 hectares, compte entre 10 000 et 15 000 palmiers, que les agriculteurs ont dû abandonner. Ils se sentent expropriés et demandent maintenant une compensation aux autorités marocaines et algériennes. Le Club des avocats marocains a annoncé qu'il avait créé une cellule de crise dans le but de porter l'affaire devant les tribunaux algériens.

Envíanos tus noticias
Si conoces o tienes alguna pista en relación con una noticia, no dudes en hacérnosla llegar a través de cualquiera de las siguientes vías. Si así lo desea, tu identidad permanecerá en el anonimato