L'assaut du 24 juin montre que la clôture n'est pas une solution à l'immigration irrégulière

Melilla: una solución más allá de la valla

La tragédie des migrants dans la ville de Nador place une fois de plus la clôture controversée de Melilla sous les projecteurs. La clôture frontalière qui s'étend sur les 12 km qui entourent la ville autonome a été le théâtre d'une tragédie que les syndicats de police dénoncent et qui les amène à repenser la politique migratoire européenne. 

"Nous avons besoin d'une plus grande implication de l'UE à Melilla. C'est la frontière sud de l'UE", se plaint Yusef Mohamed, un policier national représentant l'Union fédérale de la police, avec une longue carrière sur les épaules. Il demande ce que nombre de ses collègues réclament au gouvernement espagnol depuis des années. Une plus grande implication de l'État à sa frontière avec le Maroc. Plus de moyens et plus de personnel, pour contrôler les 922 assauts sur la clôture qui ont eu lieu jusqu'à présent en 2022. Déjà presque autant que les 950 enregistrés par le ministère de l'Intérieur en 2021. 

La situation de Melilla est bien pire en chiffres que celle de sa jumelle africaine, Ceuta. Jusqu'au 19 mai 2022, il y a 257 sauts à Ceuta contre les 922 susmentionnés à Melilla, soit plus de trois fois plus en comparaison. Ces chiffres ont augmenté depuis la pandémie de covidés. 

Selon Yusef Mohamed, ces nouveaux sauts, qui sont en augmentation, sont aussi de plus en plus violents. "La police marocaine n'a pas les moyens de faire face à ces nouvelles vagues. Ils ont une formation et un équipement limités qui ne leur permettent pas de travailler avec des garanties optimales pour leur sécurité et celle des migrants", poursuit Mohamed, qui considère cet assaut du vendredi 24 comme un "tournant" dans l'histoire de la clôture de Melilla. 

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Le rôle des réseaux de passeurs qui agissent comme des "commanditaires" dans les sauts et dans l'organisation des camps de migrants autour de Nador est un autre des points qui, selon les autorités marocaines et espagnoles, conduit à des assauts de plus en plus complexes pour les forces de sécurité. Mohamed rejoint la thèse marocaine et affirme que les réseaux d'immigration clandestine instruisent les migrants et utilisent des techniques de "guérilla urbaine". 

"Quand ils vont faire un saut, ils connaissent la zone où ils doivent entrer. Ils le préparent à l'avance pour affaiblir les éléments de retenue. Ils recueillent des informations auprès du contingent anti-émeute. Comme les horaires, les quarts de travail...", explique le représentant du syndicat de la police nationale. Des vidéos divulguées par la Direction générale de Sûreté nationale (DGSN), la police nationale marocaine, ont circulé sur les réseaux sociaux, montrant comment les réseaux d'immigration clandestine enseignent aux immigrants subsahariens dans les camps du mont Gurugú. 

Ces mêmes camps que les forces de l'ordre du pays maghrébin ont expulsés jeudi 23 au moyen d'une offensive rangée dans laquelle ils se sont heurtés à une défense acharnée de la part des migrants. 

Selon des sources locales, cette offensive a acculé les groupes de migrants, qui ont décidé de prendre d'assaut la clôture le 24. Des sources du ministère de l'Intérieur ont déclaré à Atalayar que depuis les réunions entre les gouvernements en avril et la normalisation des relations entre l'Espagne et le Maroc, des groupes de la Direction de Sécurité Publique, l'équivalent marocain de l'UIP espagnol, ont mené cette série d'opérations. 
 

Yussef Mohamed est toutefois sceptique quant à l'utilité réelle et à long terme de ces méthodes. "Les policiers postés à la clôture ont besoin de plus de ressources et de personnel. Mais s'il y a tout cela, ainsi qu'une collaboration efficace avec le voisin, les réseaux de trafiquants quitteront la voie de l'assaut sur la clôture pour se concentrer sur l'autre voie, celle des pirogues", résume l'officier de la police nationale. "Pour trouver une solution, nous devons analyser les erreurs et les corriger. Le coupable dans tout cela, c'est la faim et la possibilité de vivre mieux que dans leur propre pays", ajoute Mohamed, qui appelle à une politique plus ambitieuse pour freiner l'immigration clandestine. 

Il partage l'avis de Marta García Outón, coordinatrice de l'Institut pour la sécurité et la culture, qui a présenté en juin 2022 un rapport au Congrès des députés, avec d'autres experts, évaluant une réinvention de l'espace autonome de Ceuta et Melilla au sein de l'Union européenne. "Pour l'instant, il y a des accords bilatéraux, avec des contrôles aux frontières et des mesures de sécurité, mais le phénomène n'est pas abordé sur la base des problèmes structurels de base, ni avec une approche transversale qui implique non seulement les autorités politiques, mais la société dans son ensemble, notamment les entreprises et les agents économiques", commente l'expert en sécurité et défense. "Sans une étude prospective sur ces défis, il n'est pas possible de déterminer la meilleure solution à long terme et nous continuerons à travailler avec des ressources qui ne servent qu'à réagir une fois que le problème est devant nous". 

García Outón soutient que, comme le demandent les syndicats de police, en attendant une solution globale, il est nécessaire de renforcer les éléments physiques qui empêchent l'entrée illégale en Europe. "Répondre efficacement et en temps utile à une crise à court terme, c'est empêcher qu'elle ne se transforme en un problème plus important et plus complexe. L'investissement dans la clôture vise à mettre en place les capacités nécessaires à la surveillance et au contrôle des frontières et il faut continuer à cibler les ressources nécessaires pour éviter de mettre en danger le personnel de sécurité à la frontière. La protection de la frontière immédiate est une question de survie nationale, mais la protection de la frontière avancée est synonyme de prévention et d'anticipation et, par conséquent, d'investissement dans le maintien de la souveraineté de notre pays et de la stabilité des relations de voisinage", explique Outón. 

Tout cela en tenant compte du fait que la frontière infranchissable n'existe pas, d'un point de vue technique pour les analystes de sécurité. Pour les experts consultés par Atalayar, la priorité de la frontière doit être la sécurité et la vie des migrants et des policiers en poste aux frontières. 

La date du 24 juin promet de rester dans l'histoire des relations entre l'Espagne et le Maroc. Après la Commission de l'Union africaine, l'ONU s'est jointe aux appels à l'ouverture d'une enquête pour clarifier les raisons de la mort de 24 personnes à Nador. Le bureau du procureur général d'Espagne a également ordonné au procureur coordonnateur des étrangers de mener une enquête en raison de la "transcendance et de la gravité des événements qui se sont produits". À son tour, le gouvernement marocain a convoqué les ambassadeurs africains des pays alliés le dimanche 26 pour qu'ils rendent compte de ce qui s'est passé et qu'ils unissent leurs forces face à d'éventuelles turbulences.

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