Le pays qui compte le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde se prépare à les renvoyer chez eux. Michel Aoun, le président du Liban, a annoncé hier que Beyrouth allait commencer à renvoyer les réfugiés syriens dans leur pays d'origine. Le retour de certains groupes de réfugiés devrait commencer à la fin de la semaine prochaine. Cette décision n'a pas été très bien accueillie par la grande majorité des groupes de défense des droits de l'homme, qui ont mis en garde à de nombreuses reprises contre les risques d'un retour en Syrie en ce moment.
Cependant, M. Aoun a décidé de faire la sourde oreille à ces avertissements et a annoncé que le retour des réfugiés aurait lieu prochainement. Cependant, tous ceux qui le feront le feront parce qu'ils se sont volontairement inscrits pour rentrer auprès de l'agence de la Sûreté générale libanaise qui, avec la collaboration du ministère des Affaires sociales, se chargera de toute l'opération. Par conséquent, aucun des réfugiés se trouvant actuellement au Liban ne serait contraint de partir. Toutefois, le caractère volontaire du transfert n'a pas convaincu les différentes associations, qui continuent de mettre en garde contre le danger que représenterait le retour de ces personnes dans leur pays d'origine.
Il est important de garder à l'esprit que plus de 1,5 million des six millions d'habitants du Liban sont des réfugiés. Et sur ce 1,5 million, plus de 600 000 ne sont pas enregistrés auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le HCR lui-même déconseille le retour des réfugiés syriens car il estime que les conditions dans le pays ne permettent pas un retour en toute sécurité. De plus, l'association s'est désolidarisée de l'initiative et n'y participera pas.
Human Rights Watch (HRW) est en phase avec le HCR, et a déjà déclaré en juillet dernier que "la Syrie est tout sauf sûre pour les rapatriés". Pour appuyer cette idée, le directrice de la division Moyen-Orient de HRW, Lama Fakih, a expliqué que "les réfugiés syriens qui sont rentrés entre 2017 et 2021 depuis le Liban et la Jordanie ont été confrontés à de graves violations des droits de l'homme et à des persécutions de la part du gouvernement syrien et des milices affiliées". À cela s'ajoute le rapport de la commission des Nations unies sur la Syrie, publié en septembre, qui indique que le pays n'est pas encore sûr pour le retour des réfugiés.
L'initiative du Liban s'appuie sur certains des changements intervenus à Damas, comme l'amnistie accordée par le président syrien Bachar el-Assad au début de l'année. Parmi les crimes visés par cette amnistie figurent de nombreux crimes commis par des Syriens qui ont quitté le pays pendant les onze années de conflit. En outre, certaines des mesures appliquées aux jeunes hommes qui avaient fui le service militaire obligatoire ont été assouplies. Mais malgré ces mesures, les associations de réfugiés ne voient aucune garantie qu'elles seront pleinement respectées et affirment qu'elles ne sont pas suffisantes pour garantir le retour en toute sécurité des réfugiés.