Poutine rencontre les dirigeants de la Turquie et du Qatar pour discuter de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique

Une réunion pour entretenir de bonnes relations. Avec le président turc Recep Tayyip Erdogan. Un autre, en vue de faire baisser les tensions. Avec l'Emir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani. Cette semaine, Astana, la capitale kazakhe, a non seulement accueilli le sixième sommet au plus haut niveau de la Conférence sur l'interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA), mais elle est aussi devenue le théâtre de certains des efforts de négociation les plus importants déployés par le président russe Vladimir Poutine ces derniers jours.

Lors d'une réunion bilatérale en marge de la CICA, le leader du Kremlin a d'abord rencontré son homologue turc. Il s'agissait de la quatrième rencontre entre les deux dirigeants depuis le début de l'année, après les sommets tenus dans la capitale iranienne de Téhéran en juillet, dans la station balnéaire russe de Sotchi en août et dans la ville ouzbèke de Samarkand en septembre. Et dans le cadre d'une communication téléphonique étroite et fréquente, grâce à laquelle le président Erdogan s'efforce de devenir l'un des principaux médiateurs dans le conflit entre Kiev et Moscou.

President @RTErdogan, who is in Astana for the Sixth Summit of the Conference on Interaction and Confidence Building Measures in Asia (CICA), met with President Vladimir Putin of Russia. pic.twitter.com/VceraKN3DL

— Presidency of the Republic of Türkiye (@trpresidency) October 13, 2022

Ankara tente de maintenir un équilibre international compliqué dans lequel, sans imposer de sanctions économiques à la Russie et en essayant de préserver des relations positives avec le Kremlin (et, plus personnellement, avec le président Poutine), elle a exprimé son soutien diplomatique à l'Ukraine. Cette formule - qui, selon le collaborateur du président russe, a été "plutôt réussie" - a permis au territoire ottoman de jouer un rôle clé dans des négociations telles que l'exportation de céréales ukrainiennes ou l'échange de plus de 250 prisonniers de guerre entre la Russie et l'Ukraine. 

Toutefois, les questions abordées par les dirigeants turcs et russes ont été source de controverse ces dernières heures. Alors qu'Erdogan a affirmé que l'un de ses principaux objectifs diplomatiques était de "maintenir l'élan obtenu malgré les difficultés sur le terrain et de parvenir à un cessez-le-feu dès que possible", et alors que le quotidien turc Milliyet a rapporté qu'Ankara était prêt à organiser des pourparlers avec la Russie, les États-Unis, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré que les dirigeants n'avaient pas abordé ces questions. 

"La question du règlement russo-ukrainien n'a pas été abordée", a déclaré Peskov, ajoutant que la proposition de négociations entre Moscou et l'Occident a été laissée de côté lors du dialogue. 

Deuxièmement, Vladimir Poutine a rencontré l'émir qatari Tamim bin Hamad al-Thani, lors de la première rencontre en face à face depuis le déclenchement de la pandémie en 2019, pour tenter de désamorcer les tensions diplomatiques apparues entre la Russie et le Qatar après le début de l'invasion russe en Ukraine. Doha "a besoin de relations cordiales avec la Russie et les autres pays de la région" pour jouer un rôle de médiateur, a déclaré une source proche des discussions à l'agence de presse Reuters.

Les relations entre la petite péninsule du Golfe et le géant eurasien - deux géants de la production de gaz - ont été marquées par les récentes critiques qataries à l'égard de l'annexion par la Russie de plusieurs territoires ukrainiens, ainsi que par la présence de représentants qataris à l'une des réunions de l'OTAN au début de l'année. Ainsi, après que l'émir arabe ait appelé à "trouver une solution pacifique et immédiate à la crise en Ukraine tout en respectant la souveraineté des États", selon une déclaration officielle du bureau de Tamim bin Hamad, les deux dirigeants ont discuté de la sécurité alimentaire mondiale, de la situation en Libye et en Syrie, et du statut de l'accord sur le nucléaire iranien. 

La rencontre entre Poutine et Erdogan a eu lieu un jour seulement après que le président russe a proposé la création d'une plateforme gazière sur le territoire turc. Le pays "est actuellement la route la plus fiable pour les approvisionnements vers l'Europe", par le biais du gazoduc TurkStream - qui transporte les approvisionnements en gaz russe vers la Turquie et d'autres pays du sud et du sud-est de l'Europe, a déclaré le chef du Kremlin. 

"Hier [...], nous avons convenu d'étudier la création d'un hub gazier en Turquie pour la vente à des pays tiers. Principalement européens", a annoncé Vladimir Poutine lors de sa rencontre avec son homologue turc. "Une plateforme qui servira non seulement à fournir du gaz, mais aussi à déterminer les prix exorbitants". Selon des sources du Kremlin, Ankara est "assez intéressée" par cette question.

Après la perte de Nord Stream I et II - en raison de fuites de gaz et du blocus allemand respectivement - dans la Baltique, les nouveaux objectifs de Poutine en matière d'exportation de gaz semblent être la mer Noire via TurkStream. Ce gazoduc, d'une capacité de 31,5 milliards de mètres cubes par an, permettrait à Moscou d'approvisionner les pays du sud-est de l'Europe comme la Grèce, la Serbie, la Roumanie et la Hongrie, alors que l'UE poursuit ses efforts pour réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes. 

"Le monde devient véritablement multipolaire", a déclaré Poutine lors de son discours au 6e sommet de la Conférence sur l'interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA), jeudi. "Et le rôle de l'Asie, où de nouveaux centres de force sont renforcés, est très important, voire essentiel". 

La transformation de l'organisme, jusqu'alors constitué comme un forum intergouvernemental pour la coopération, la paix et la stabilité en Asie, en une nouvelle organisation internationale l'a montré. Un équivalent asiatique de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). 

Asya'da İş Birliği ve Güven Artırıcı Önlemler Konferansı 6. Zirvesihttps://t.co/LWthuI8ckB

— Recep Tayyip Erdoğan (@RTErdogan) October 13, 2022

"La déclaration d'Astana pour la transformation de la CICA [en une organisation internationale] a été adoptée", a annoncé le président kazakh Kasim-Yomart Tokayev en marge d'un sommet qui ajoute le Koweït à la liste des 27 États membres, rejoignant l'Afghanistan, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bangladesh, Cambodge, Chine, Égypte, Émirats arabes unis, Inde, Iran, Irak, Israël, Jordanie, Kazakhstan, Kirghizstan, Mongolie, Pakistan, Palestine, Qatar, République de Corée, Russie, Sri Lanka, Tadjikistan, Thaïlande, Turquie, Ouzbékistan et Vietnam.