Satlantis envoie en orbite le moine qui a découvert la route océanique des Philippines à l'Espagne
Alors que le ministère des Sciences et de l'Innovation dirigé par Diana Morant avance à pas de tortue dans le processus de création de l'Agence spatiale espagnole, l'entrepreneur basque Juan Tomas Hernani poursuit son engagement personnel imparable pour faire de Satlantis - l'entreprise qu'il dirige et dont il est le fondateur - une société de référence internationale dédiée à la fourniture d'images de la Terre à ultra-haute résolution avec des caméras de dimensions et de poids très réduits.
Avec quatre projets de vaisseaux spatiaux en cours de réalisation, le premier d'entre eux est déjà une réalité. Tous les tests et essais sont terminés et le premier satellite complet de la société espagnole est installé au sommet d'un lanceur Falcon 9, avec des dizaines d'autres petits satellites de nationalités et de technologies différentes.
La fusée Falcon 9 est déjà sur la rampe du complexe de lancement SLC-40 à Cap Canaveral, sur la côte atlantique de l'État américain de Floride. Au moment de la mise sous presse, les prévisions météorologiques étaient favorables à 80 % pour l'ouverture de la fenêtre de lancement aujourd'hui, mercredi 25 mai, à 20 h 35, heure espagnole.
Si le décollage et l'ascension sont réussis, le satellite, baptisé Urdaneta, sera positionné à une altitude de 550 kilomètres et entrera en service dans quelques semaines. Contrôlé depuis Bilbao, il renverra des images de la surface de la Terre avec une vue de 26 kilomètres de large, dont le traitement sera utilisé pour la planification agricole, la détermination de la santé des cultures, l'aide à la différenciation entre plantes saines et malades et la fourniture d'informations environnementales.
De la taille d'un appareil à micro-ondes domestique - 40 x 20 x 20 centimètres - et pesant 15,5 kilos, sa structure est constituée de 16 cubes de 10 centimètres de côté, conformément à la norme CubeSat 16U. Avec une durée de vie en orbite estimée à 4 ans, Urdaneta a été fabriqué et intégré en 15 mois par Satlantis à Bilbao, dans ses installations du parc scientifique du campus Loyola de l'Université du Pays basque.
La principale technologie embarquée sur la plate-forme est la micro-caméra iSIM-90, un puissant télescope binoculaire multispectral miniaturisé développé par Satlantis, qui offre quatre bandes d'observation dans les spectres visible et proche infrarouge. Le résultat final sera des images d'une résolution comprise entre 1,65 et 2 mètres.
Fondée en octobre 2013 aux États-Unis et établie en Espagne peu après, Satlantis compte une équipe d'environ 70 personnes, principalement des ingénieurs en optique et en mécanique de précision, en électronique et en logiciels. Urdaneta est le projet phare de l'entreprise : "J'ai étudié au Colegio de los Agustinos Andrés de Urdaneta à Bilbao", se souvient Hernani, "et j'ai voulu rendre hommage au moine qui, par sa ténacité, a découvert le tornaviaje, la route de retour vers l'Espagne depuis les Philippines à travers l'océan Pacifique".
Dirigée par Juan Tomas Hernani, une partie de ses directeurs et techniciens sont à Cap Canaveral pour assurer l'intégration d'Urdaneta dans le distributeur Falcon 9 qui le placera en orbite et pour assister à son décollage. Une autre partie se trouve à Bonn (Allemagne), où se tient du 23 au 27 mai le symposium Living Planet 2022, organisé par l'Agence spatiale européenne (ESA), qui réunit des industriels, des scientifiques et des chercheurs intéressés par les dernières avancées des technologies d'observation de la Terre.
Satlantis, dont le lancement est prévu au cours des deux prochaines années, compte au total quatre projets spatiaux à différents stades de réalisation, avec des satellites pesant "de 15,5 à 100 kilos", selon le PDG Hernani. "Cela signifie", précise-t-il, "fabriquer ou participer pleinement à quatre satellites, être présent lors de quatre lancements et également lors des quatre processus ardus de passation de marchés administratifs et financiers qu'ils impliquent".
Outre Urdaneta, le développement de GeiSat, une constellation de trois satellites que l'entreprise basque réalise avec le parrainage d'Enagás, son principal actionnaire, est bien avancé. Avec ses équipements en phase d'étalonnage, son déploiement dans l'espace vise à détecter et à quantifier avec une grande précision les émissions de gaz méthane sur Terre, en priorité dans les installations gazières et pétrolières. La mise en orbite du premier appareil est prévue pour l'été 2023.
Une autre initiative déjà en cours est Urdaneta 2, une plateforme qui viendra compléter celle qui vole actuellement dans l'espace. Il y a aussi la mission de démonstration Mantis, dans laquelle l'ESA évaluera une nouvelle caméra Satlantis, également à très haute résolution et aux performances améliorées, une initiative à laquelle participent l'Agence spatiale britannique (UKSpace) et les entreprises britanniques Terrabotics et Open Cosmos.
Au cours des dernières années, la société a levé 24 millions d'euros lors de différents cycles de financement. Parmi ses principaux actionnaires figurent des entreprises et des institutions telles que Enagás, Orza, Axis-Ico, Sepides, le Centre pour le développement de la technologie industrielle (CDTI), le conseil provincial de Biscaye et, il y a quelques semaines seulement, la société américaine Encino Environmental Holdings (EEH).
Avant de se lancer dans la construction et le lancement de ce qui sera son premier satellite complet (Urdaneta), Juan Tomas Hernani a testé sa technologie. En 2020, il a obtenu la coopération de l'Agence japonaise d'exploration aérospatiale (JAXA) pour emmener sa micro-caméra haute résolution iSIM-170, qui a remporté un prix de la JAXA, vers la station spatiale internationale. En 2021, elle a obtenu le soutien du ministère américain de la défense et de la NASA pour évaluer le nouveau iSIM-90 en orbite.
