Sharjah lance son festival international du film : "Les films qui seront projetés serviront à faire tomber les barrières"
Mujtaba Saaed était un adolescent lorsqu'il a visité Sharjah pour la première fois. Ce voyage a changé la vie du jeune Saoudien, et pas seulement à cause de la distance. Seulement 540 kilomètres séparaient et séparent encore Dammam, sa ville natale, et l'émirat, également situé sur les rives du Golfe. La raison qui a ouvert un nouveau monde devant ses yeux en est une autre. Dans l'Arabie saoudite alors hermétique, "il était impensable d'aller au cinéma", se souvient-il. Il avait à peine pu entrer en contact avec ce qui allait devenir sa vocation. Il le fera finalement à Sharjah, où il y avait un petit festival de théâtre où il a eu l'occasion de se produire. Il ne devait plus jamais être séparé de ce rêve.
Après quatre décennies d'interdiction, le royaume wahhabite a levé l'interdiction il y a quatre ans. Ils ont rouvert les théâtres en masse. À cette époque, Mujtaba s'était déjà fait un nom dans le secteur à Berlin. Le réalisateur saoudien garde cependant de bons souvenirs de son enfance et de son adolescence à Dammam, mais souligne avec une certaine fierté l'ouverture ambitieuse de ces dernières années. Cependant, Mujtaba n'a pas trouvé sa voie dans le monde avant de mettre le pied à Sharjah. Beaucoup de temps a passé depuis ce voyage, mais le cinéaste n'oubliera jamais ces journées de 2001.
Pendant tout ce temps, l'Émirat a également suivi sa propre voie. Toujours derrière Abu Dhabi et Dubaï, les principaux pôles économiques du pays, Sharjah a construit sa personnalité autour des arts et du savoir. Bien qu'elle dispose des plus grandes réserves naturelles et du secteur industriel le plus florissant de l'État, la famille régnante, notamment sous la direction du cheikh Sultan Al Qasimi, membre du Conseil suprême et émir de Sharjah, a mis tous ses œufs dans le panier de la culture. Depuis, il n'a cessé de se renforcer et a su attirer une multitude de visiteurs avides de culture au cours de la dernière décennie.
L'émirat accueille un quart des musées du pays et des événements culturels majeurs, tels que la Biennale de Sharjah, une foire d'art contemporain, et la Foire internationale du livre. Un autre joyau de la couronne est le Festival international du film pour enfants et jeunes de Sharjah (SIFF), dont le coup d'envoi a été donné lundi. Sous la houlette de la présidente du Conseil suprême des affaires familiales, Sheikha Jawaher bint Abdullah al-Qasimi, l'événement a donné le coup d'envoi de sa neuvième édition après deux années en cale sèche et une autre, quelque peu décaféinée, tenue par vidéoconférence en raison de la pandémie de COVID-19.
Les chemins de Mujtaba Saeed et de Sharjah se croisent à nouveau lors de l'édition de cette année. Le cinéaste saoudien présente au festival "Zawal", un court-métrage sorti en 2021 qui raconte l'histoire du petit Adam dans une pièce qui mêle drame et thriller. Le jeune protagoniste, explique le réalisateur, "affronte un monde mutant" lorsqu'il s'échappe de la zone de quarantaine destinée aux réfugiés où il vit avec sa mère. C'est l'un des films les plus prometteurs.
Des centaines de personnes ont afflué lundi après-midi dans la salle de convention Al-Jawaher, dans la banlieue de Sharjah, pour assister à l'ouverture du SIFF, auquel participaient cette année certaines des célébrités du cinéma du Moyen-Orient. C'était une occasion appropriée. L'actrice omanaise Buthaina al-Raisi et les acteurs égyptiens Rogina, Ashraf Zaki - également réalisateur -, le célèbre Ahmed Zaher et sa fille, l'actrice Laila Ahmed Zaher, ont foulé le tapis vert caractéristique du festival, entre autres personnalités de premier plan.
Des visiteurs et des invités du monde entier se sont rassemblés à l'intérieur du lieu pour se rapprocher d'un événement prometteur qui projettera cette semaine un total de 95 productions de 34 pays différents dans deux centres commerciaux de l'émirat et "dans certaines écoles de Sharjah", selon les organisateurs. L'objectif est de "réveiller l'imagination de la prochaine génération de cinéphiles" et d'encourager les enfants à apprendre à raconter des histoires grâce aux médias audiovisuels. En bref, pour inspirer les jeunes et jeter les premières bases d'une industrie.
La présidente Jawaher al-Qasimi a profité de l'occasion pour prononcer un discours d'ouverture devant une salle comble. "Le cinéma élargit nos horizons, c'est un outil enrichissant", a-t-elle déclaré, avant de remercier l'émir de Sharjah pour son travail. Pour la fondatrice de FUNN Sharjah Media Arts For Youth and Children, le cinéma "est un monde magique qui, entre autres choses, nous fait prendre conscience des problèmes de notre nation et de la situation mondiale".
Le cinéaste et écrivain émirati Fadel al-Mheiri a ensuite pris la parole pour raconter son expérience dans le secteur avec le soutien de l'Émirat. Il est parti de zéro et, après une formation à l'université américaine de Sharjah, a produit des dizaines de courts métrages, de documentaires et de longs métrages. Il a même commencé à écrire une trilogie dont il a déjà publié la première œuvre. "Mes origines sont modestes, mais aujourd'hui, je suis en mesure d'aider tous ceux qui veulent se lancer", a-t-il déclaré à l'auditoire.
Avant la projection du premier film, "Kids are Fine" du réalisateur sud-coréen Ji Won-lee, l'actrice anglaise Dixie Egericks a clôturé le bloc de discours. "Le cinéma est un langage universel et les films qui seront projetés serviront à faire tomber les barrières", a-t-elle conclu. L'ambitieux Festival international du film pour enfants et adolescents a déjà donné le coup d'envoi.
