Une pandémie révèle les risques de dépendance technologique de l'UE

La pandémie de coronavirus a mis en évidence la dépendance technologique de l'Union européenne vis-à-vis des pays tiers dans des domaines tels que l'intelligence artificielle, un manque de souveraineté numérique qui entraîne des risques liés à la cybersécurité ou à la vie privée, avertissent les chercheurs européens.
Le rapport du Centre commun de recherche de l'UE intitulé « Intelligence artificielle (IA) et transformation numérique : les premières leçons de la crise du COVID-19 » met en garde contre ces dangers et invite les 27 États membres de l'UE à étudier la question.
Le document soutient que le manque de « souveraineté numérique » comporte deux aspects qui devraient être analysés par l'UE : l'utilisation accrue de l'intelligence artificielle pour perpétrer des cyber-attaques et la « dépendance à l'égard des plateformes non européennes ».
« La souveraineté numérique et des données doit également inclure cette couche technologique. S'inquiéter de la propriété étrangère des structures physiques plutôt que des différentes couches de ces plates-formes laisserait un grand trou de sécurité », souligne le centre.
En ce sens, le groupe d'experts souligne qu'une politique de souveraineté technologique doit « inclure les applications logicielles », surtout si l'on considère que la « grande majorité » des programmes et solutions utilisés pendant la pandémie « sont américains et chinois ».
Il est donc « primordial de renforcer » leur présence dans de tels services, comme la vidéoconférence, qui ont connu, pendant la crise sanitaire, une « grande accélération » due à une demande accrue.
Le rapport souligne également la nécessité d'un positionnement rapide dans le domaine de l'intelligence artificielle, qui « n'est pas encore une technologie révolutionnaire pour la cybersécurité », mais les prévisions indiquent qu'elle le sera dans « quelques années seulement ».
D'autres secteurs dans lesquels l'Europe « doit être vigilante » afin de garantir la souveraineté susmentionnée sur les fournisseurs étrangers sont « les dispositifs de réseau rapide, les plateformes de distribution de contenu et les plateformes de médias en streaming », énumère l'étude.
L'importance de l'autonomie numérique est due au fait que l'Internet fonctionne déjà comme une « infrastructure stratégique » pour les nations et que, par conséquent, la gouvernance actuelle du réseau, qui est « basée sur les régions, pourrait être considérablement affectée par les technologies innovantes » déjà développées dans d'autres parties du monde.
Le rôle des institutions sera également « vital » pour garantir la vie privée des citoyens dans l'environnement numérique, une question qui a fait l'objet d'un débat public ces derniers mois à la suite des applications de suivi ou de stockage des données personnelles mises en place pour tracer la contagion par le COVID-19.
« Il est absolument crucial que les gouvernements restent responsables et transparents envers leurs citoyens. La crise ne peut être une excuse pour ne pas respecter les droits de l'homme ou pour faire progresser l'autoritarisme », déclare Lucia Vesnic-Alujevic, l'une des 18 chercheurs qui ont signé le rapport.
La portée sociale de ces tendances négatives « aggravées » par COVID-19 est « préoccupante » pour les scientifiques responsables du rapport, qui suggèrent une « stratégie proactive » afin qu'aucun niveau social ne soit laissé à risque d'exclusion dans les années à venir.
« Une dernière dimension amplifiée par le coronavirus est la mesure dans laquelle l'intelligence artificielle et la transformation numérique aggravent les inégalités sociales, économiques et géographiques existantes, touchant en particulier les plus vulnérables de la société : les personnes âgées, les jeunes et les personnes issues de groupes socialement ou économiquement défavorisés », détaille l'étude.
Il est donc nécessaire de soutenir les « écosystèmes de données locales » afin d'unir dans une même stratégie les administrations publiques, les petites entreprises, les centres éducatifs et la société civile dans son ensemble. L'étude conclut qu'en abordant ces questions technologiques sous l'angle municipal et régional, on contribuera à « offrir de meilleures possibilités de formation et d'emploi au niveau local ».