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Ebrahim Raïssi, ou quand un criminel souhaite rejoindre les rangs des défenseurs des droits de l’homme à l’ONU

photo_camera Ebrahim Raisi

« Sans une série de hasards, j'aurais sûrement été l'une des 30 000 victimes du massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988. » Ces mots sont ceux de Mostafa Naderi, ancien prisonnier politique ayant réchappé miraculeusement au massacre de 1988. Alors que le président Ebrahim Raïssi manifeste officiellement son désir de rejoindre la commission des droits de l’homme aux Nations Unies, Mostafa Naderi revient sur ce chapitre sombre de l’histoire moderne de l’Iran et sur l’implication de l’actuel président de la république islamique au sein des commissions de la mort.

Emprisonné et torturé pendant 11 ans  

« En 1981, ma dissidence politique et mes activités en faveur des droits de l'homme m'ont conduit dans une prison iranienne. J'avais 17 ans lorsque j'ai été arrêté pour avoir soutenu l’OMPIi et vendu sa publication. Sept ans plus tard, après avoir perdu connaissance alors que j'étais flagellé jusqu’au sang sur la plante des pieds, j'ai été transféré à l’hôpital de la prison. Quand j'ai repris conscience, un autre prisonnier m'a dit que mon nom avait été appelé par les autorités à plusieurs reprises. "Qui me cherchait ?" me suis-je demandé. Je n'ai pas tout de suite compris ce qu’il se passait. »

« Mais peu après, j'ai appris que l'ayatollah Rouhollah Khomeini avait émis une fatwa ordonnant le massacre des prisonniers politiques, en particulier des partisans du MEK. Tous les occupants des 60 cellules avaient été exécutés. Personne n'a été épargné - personne. Afin d'appliquer la fatwa de Khomeini, des escadrons de la mort ont été sélectionnés dans chaque province et chaque ville pour tuer les prisonniers "fidèles a leurs convictions", c'est-à-dire ceux qui fondaient leur opposition au régime iranien sur les libertés et ne cachaient pas leur affiliation à l’OMPI. Ebrahim Raïssi était alors le procureur de Hamedan. Il était un membre actif de ces commissions de la mort. »

Raïssi, toute honte bue, se fait défenseurs des droits humains

« Désormais, en tant que président, il veut participer à l'Assemblée Générale des Nations Unies et veut défendre les droits de l'homme en Iran. Dans une interview citée par le site de la Deutsche Welle, il a déclaré à propos des exécutions de 1988 qu’il devrait être loué et remercié pour son action. Il a également déclaré au journal proche du régime Donyaeh  Ektesade : "Je suis un homme de loi et un défenseur des droits de l'homme. Je suis fier d’avoir défendu les droits des personnes à travers mes responsabilités dans le système judiciaire lorsque j'étais procureur".

« En 1988, les ayatollahs  ont transformé les prisons iraniennes en abattoirs. Les prisonniers étaient rassemblés et pendus, six par six. La nuit, les corps étaient transférés dans des fosses communes dans des camions à viande. Les autorités pénitentiaires opéraient avec une efficacité si impitoyable que certaines nuits, jusqu'à 400 personnes étaient exécutées. Au total, environ 30 000 prisonniers ont été massacrés en l'espace de quelques mois. Comme j'avais été hospitalisé, mon nom n'a pas été retenu et je suis devenu l'un des quelque 250 prisonniers politiques qui ont survécu à l'escadron de la mort d'Evin. » 

Le combat pour la vérité 

« Lorsque j'ai été libéré en 1991, j'ai travaillé dur pour déterminer l'ampleur réelle du massacre de 1988. J’ai du fuir le pays pour continuer d’alerter le monde sur cet événement. Puis un document a fait basculer le combat pour la vérité : la révélation, le 9 août 2016, d'un enregistrement audio de l'ancien héritier de l'ayatollah Khomeini, Hossein-Ali Montazeri, dans laquelle on l’entend réprimander les membres du comité d'amnistie de Téhéran pour leur participation à ce qu'il appelle le plus “grand crime de la République islamique". Il détaille certains des aspects les plus choquants du massacre, notamment les exécutions de femmes enceintes et d'adolescentes, et le ciblage de personnes dont le soutien au MEK se limitait à la lecture de ses journaux et magazines. »

« Aujourd’hui, des organisations de défense des droits de l'homme, dont Amnesty International, qualifient ce massacre de crime contre l'humanité resté impuni. Selon Geoffrey Robertson, ancien juge du Tribunal spécial des Nations Unies, le bain de sang de 1988 a été la plus grande exécution massive de prisonniers depuis la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, il n'y a jamais eu d'enquête internationale. Pire, les cerveaux et les auteurs de ce crime odieux occupent aujourd’hui des postes à haute responsabilité au sein de l’état. »

Ebrahim Raïssi est le plus bel exemple de cette impunité.

Hamid Enayat est un politologue spécialisé dans l'Iran.