Avis

Une réforme judiciaire qui menace la démocratie israélienne

photo_camera Israel-protestas-reforma-judicial

Les protestations dans les rues, au Parlement et dans tous les forums de débat en Israël contre la réforme judiciaire radicale dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fait la vedette du programme de son gouvernement se poursuivent sans relâche. Des manifestations ont lieu, bien suivies par des personnes de tous horizons, principalement à Tel Aviv, mais aussi à Jérusalem et à Haïfa et dans une vingtaine d'autres villes, pour dénoncer ce qu'elles considèrent comme une attaque en règle contre le système judiciaire.

En substance, le projet de loi présenté par le ministre de la justice, Yariv Levin, début janvier, réduit les pouvoirs de la Cour suprême en faveur de la Knesset (parlement), dans la mesure où les députés pourraient approuver à la majorité simple des lois que les juges ont annulées pour cause de violation de la constitution. Le texte prévoit également de donner au gouvernement un pouvoir quasi absolu sur la nomination des juges et, dans le même temps, de limiter l'indépendance des experts juridiques qui conseillent le gouvernement. En bref, les opposants à la réforme estiment que M. Netanyahou, qui est lui-même poursuivi pour corruption, porterait un coup fatal au système israélien de freins, de contrepoids et d'équilibre, c'est-à-dire qu'il s'attaquerait aux fondements du système démocratique qui a régi le pays et qui lui a permis d'être à égalité avec la démocratie depuis sa création en 1948.

Au contraire, dans les rangs du gouvernement, tant du Likoud que de ses alliés de l'extrême droite et des ultra-orthodoxes, on estime qu'il est temps de réformer un système judiciaire auquel on a donné trop de pouvoir au cours de la dernière décennie du vingtième siècle, au point qu'il est devenu excessivement interventionniste dans le processus législatif.

Certes, la situation judiciaire de Netanyahou lui-même ne contribue pas à dissiper les soupçons de ses détracteurs selon lesquels il cherche avant tout à éviter la prison, mais plutôt à lier la fin de son pouvoir exécutif à sa nomination à la tête de l'État israélien. En Israël, si le premier ministre ne bénéficie pas de l'immunité même s'il est jugé pour corruption, cela ne l'oblige pas à démissionner ou à être démis de ses fonctions en attendant le procès.

Cela n'aide pas non plus le fait que son bras droit au gouvernement, Arié Dery, condamné pour fraude fiscale, venait de s'asseoir à la table du Conseil des ministres et de présenter un projet de loi qui permettrait à une personne condamnée pour n'importe quel crime, mais sans peine de prison définitive, de rester au gouvernement. La Cour suprême a sévèrement critiqué la nomination de M. Dery, la dénonçant comme "en contradiction flagrante avec les principes fondamentaux de l'État de droit", ce qui a incité M. Netanyahu à se passer de ses services.

Bien que minoritaire, l'opposition amplifie le volume de ses protestations. Son leader actuel, Yair Lapid, puisant dans une épopée aux réminiscences churchilliennes, a déclaré : "Nous nous battrons ici dans les rues, nous nous battrons à la Knesset, nous nous battrons dans les tribunaux, nous sauverons Israël car nous refusons de vivre dans un pays non démocratique".

Dans la même veine, le maire de la ville populeuse de Tel Aviv, Ron Huldai, a ajouté : "Si les mots s'arrêtent, les actions commenceront. Nous ne nous limiterons pas aux places publiques, nous ne serons pas indifférents, nous ne réagirons pas avec résignation".

Il s'agit probablement du débat le plus intense sur l'équilibre des forces dans l'histoire d'Israël, et il intervient à un moment où le pays connaît un succès incontestable dans l'ouverture et l'établissement de relations avec les pays arabes grâce aux accords d'Abraham. Ces succès sont toutefois éclipsés par la résurgence du conflit avec les Palestiniens, le sentiment croissant de ces derniers d'être de plus en plus éloignés de la volonté supposée de leur accorder un État souverain, et la réalité d'une colonisation croissante de la Cisjordanie occupée, qui rendrait une telle solution définitivement irréalisable.