Algérie-Russie : le chef des exportations militaires russes rencontre Chengriha

Vendredi, l'Algérie a reçu le chef de la coopération militaro-technique russe, le diplomate Dmitry Evgenyevich Shugayev, sanctionné par l'Occident. Accompagné d'une délégation de militaires russes, le chef du Service fédéral de coopération militaro-technique a eu un entretien avec Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'Algérie. 

Selon des médias proches du pouvoir algérien, la visite de Shugayev précède les prochaines manœuvres militaires que les forces russes et algériennes préparent dans la zone militaire limitrophe du Maroc à Bechar, à seulement 50 km des bornes qui marquent la frontière entre les deux pays. Les manœuvres, qui se dérouleront en novembre prochain et impliqueront des éléments motorisés et parachutistes, ont été annoncées l'année dernière, peu après le début de l'invasion russe en Ukraine. 

Cependant, le profil de l'invité de Chengriha concerne davantage sa responsabilité dans l'exportation d'équipements militaires que la préparation d'exercices militaires. Shugayev est un civil, pas un officier en uniforme, et a été formé dans les écoles d'élite du ministère russe des affaires étrangères, où il a obtenu un diplôme en journalisme international et en économie. Plus tard, après avoir passé sept ans dans le secteur privé, il est devenu membre du cabinet de direction de la société d'État d'exportation militaire Rosoboronexport. 

En 2008, à l'occasion du remaniement des conglomérats d'État russes opéré par Poutine, Shugayev a été transféré à la macro-entité Rostec, où il est devenu vice-président en 2009 et a été chargé de superviser l'activité économique à l'étranger, la politique de marketing, l'image de marque et la publicité. À ce titre, selon le portail d'information T Adviser, Shugayev était responsable de l'organisation des principaux salons d'équipement militaire en Russie, tels que le Salon international de l'aérospatiale (IAS). 

Depuis 2017, Shugayev dirige le Service fédéral pour la coopération militaro-technique. Et avec ce profil, si clé pour l'industrie d'armement russe et ses exportations, il est plutôt clair que Moscou envoie en Algérie la personne chargée de négocier avec Alger l'accord d'achat potentiel de 12 milliards de dollars qui devrait être conclu entre les deux pays d'ici 2023. 

C'est à la fin du mois d'octobre que le média spécialisé Africa Intelligence a révélé l'existence de négociations sur ce marché à forte valeur ajoutée. Un revenu juteux pour le Kremlin et une nécessaire revitalisation de l'équipement des forces armées algériennes. Les armées sous le commandement de Chengriha ont besoin de la Russie pour moderniser leur arsenal. Depuis des années, Moscou est le principal partenaire commercial d'Alger, et la compatibilité des systèmes d'armes, qui doivent fonctionner ensemble sur le champ de bataille, fait de l'Algérie un acheteur "forcé" d'équipements standardisés aux normes russes. 

Le fait que les médias proches de l'État algérien aient tenté de vendre la visite de Shugayev comme une étape supplémentaire dans la préparation des manœuvres, ce qui n'est pas à exclure, indiquerait que le "Pouvoir" ne veut pas encore diffuser la nouvelle de ce gigantesque achat d'équipement militaire à la Russie. Les échanges de systèmes d'armes avec Moscou peuvent être soumis à de fortes sanctions américaines telles que CAATSA, d'autant plus après le gouffre qui a été creusé entre les blocages occidentaux et orientaux. L'Algérie, qui parvient à redynamiser sa puissance internationale, ne veut pas prendre un mauvais virage dans ses relations avec les pays européens, avec lesquels son commerce de gaz est en pleine croissance. 

Les sanctions de plusieurs pays occidentaux pèsent sur l'envoyé du Kremlin lui-même. Les avoirs de Shugayev sont gelés en France, et des embargos et diverses sanctions sont prévus à son encontre en Suisse, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon, dans l'Union européenne, au Canada et en Ukraine. Le nombre de sanctions contre ce haut responsable du gouvernement russe s'est intensifié après le début de l'invasion de l'Ukraine et nombre d'entre elles ont été actualisées et renforcées en novembre.

Début octobre, il a été annoncé que l'Algérie entendait approuver une augmentation de 130 % de son budget militaire d'ici 2023. Outre le renouvellement du matériel, l'Algérie devrait "exporter" ses forces armées vers les pays voisins, éventuellement le Mali et la Libye.