Bruxelles propose de considérer l'énergie nucléaire comme une "énergie verte" alors que des pays comme l'Allemagne, l'Espagne et l'Autriche s'y opposent fermement

La crise énergétique de l'Europe s'aggrave après la réouverture du débat sur l'énergie nucléaire

photo_camera FOTO/ARCHIVO - Centrale nucléaire

L'énergie marque une fois de plus le tournant de la politique européenne. Après avoir laissé derrière elle une année marquée par la crise énergétique, l'année 2022 commence le calendrier face à un nouvel épisode de cette situation après que la Commission européenne a reconnu l'énergie nucléaire et le gaz naturel comme des énergies vertes jusqu'en 2045.

La proposition, lancée par Bruxelles, vise à réaliser la transition vers une "énergie propre", c'est-à-dire à tenter de réduire les émissions de CO2 dans le cadre du plan de l'UE pour 2050. Ce plan viserait également à promouvoir l'indépendance énergétique de l'Europe, qui traverse actuellement un moment complexe en raison de sa forte dépendance vis-à-vis de la Russie.

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À cet égard, la Russie fournit 38 % du gaz naturel de l'Europe et les voies de distribution actuelles se limitent à quelques gazoducs dans un secteur déjà peu diversifié.

Cette situation intervient alors que les prix du gaz et de l'électricité ont augmenté de près de 500 % en un an seulement. Les facteurs à l'origine de cette augmentation vont des conditions climatiques elles-mêmes, marquées par un hiver froid et un manque de vent, à l'augmentation de la demande en Chine. À cela s'ajoute la dépendance du pays vis-à-vis de la Russie, que de nombreux États européens considèrent comme l'une des principales causes de la crise.

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Actuellement, plus d'un tiers de la demande de gaz de l'Europe dépend directement de la Russie. En outre, des pays comme la Hongrie et la Bulgarie sont presque totalement dépendants, tandis que d'autres comme l'Allemagne (60 %), l'Italie (38 %) et l'Autriche (70 %) sont plus partiellement dépendants mais tout aussi importants.

L'annonce de Bruxelles intervient également à un moment où l'Allemagne a fermé trois de ses six centrales nucléaires en réponse à un plan d'arrêt de la production atomique d'ici la fin de l'année. Dans cette optique, l'énergie nucléaire reste une question controversée à laquelle les pays autres que l'Allemagne ont été réticents.

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L'Espagne a déjà refusé d'inclure l'énergie nucléaire parmi les "options vertes". Selon la ministre de la Transition écologique et du Défi démographique, Teresa Ribera, "indépendamment du fait que l'on puisse continuer à investir dans l'une ou l'autre, nous considérons qu'il ne s'agit pas d'énergies vertes ou durables". Elle ajoute qu'elle considère que cette option "n'a aucun sens" et "envoie les mauvais signaux pour la transition énergétique de l'UE dans son ensemble".

Conformément au cadre réglementaire défini dans le Pacte vert européen, la taxonomie verte est destinée à guider les entreprises et les investisseurs nationaux et internationaux dans les projets liés aux secteurs économiques à environnement durable, ainsi que ceux liés à la décarbonisation, afin de contribuer à ces objectifs. 

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Selon le ministère, "la question des déchets de l'énergie nucléaire remet en question l'inclusion de ces deux technologies dans la taxonomie verte de l'UE", ce qui "envoie un mauvais signal aux marchés financiers et ne fournit pas la clarté nécessaire pour orienter les flux de capitaux vers l'économie décarbonée".

La même position a été adoptée par l'Allemagne, qui a déjà déclaré que "le fait de qualifier l'énergie nucléaire et le gaz naturel de durables porte atteinte à la crédibilité de la taxonomie". Parallèlement, la ministre de l'Environnement et de l'énergie, l'écologiste Leonor Gewessler, a dénoncé l'énergie nucléaire et le gaz naturel comme "nuisibles pour le climat et détruisant l'avenir de nos enfants". 

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Ces positions disparates de la part des partenaires européens ont creusé un fossé entre les États, rendant plus difficile la recherche d'un terrain d'entente sur la manière de commencer à mettre en œuvre la transition énergétique.

En revanche, la France est l'un des pays qui s'est montré le plus favorable à la Commission. Ce pays, qui a également assuré pour la première fois la présidence du Conseil de l'UE, s'est montré très favorable à la labellisation de ces énergies comme énergies vertes et à la canalisation de la voie européenne vers la conduite de la transition énergétique.

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Entre-temps, l'exécutif a indiqué que "la Commission voit un rôle pour le gaz naturel et le nucléaire comme un moyen de faciliter la transition vers un avenir basé principalement sur les énergies renouvelables".

Après consultation des pays européens, Bruxelles a l'intention de donner le feu vert au plan pour que la proposition entre en vigueur, bien qu'elle doive d'abord être approuvée par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne. Les Etats membres et les experts de la Plateforme sur le financement durable auront jusqu'au 12 janvier pour envoyer leurs propositions.
 

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