Le gouvernement finlandais a pris une décision historique. Le pays nordique sort de sa neutralité et annonce son intention de demander l'adhésion à l'OTAN "sans délai". Le président Sauli Niinistö et la première ministre Sanna Marin ont annoncé dans une déclaration commune que l'adhésion à l'OTAN "renforcerait la sécurité de la Finlande". Les dirigeants finlandais espèrent que le processus nécessaire "pour prendre cette décision sera engagé rapidement dans les prochains jours". Helsinki prévoit de soumettre formellement sa demande dans le courant de cette semaine ou au début de la semaine prochaine.
"Russia’s invasion of Ukraine has changed the security policy situation in such a way that there is no going back to the way things were."
— Finnish Government (@FinGovernment) May 3, 2022
PM @MarinSanna participated today in a meeting on the European security situation organised by the Federal Government of Germany. pic.twitter.com/JDDQDRkC1L
Dans la note, Niinisto et Marin soulignent que le pays a connu un "grand débat" sur la question. Selon les sondages nationaux, plus de 75% des citoyens sont favorables à l'adhésion. "Il a été nécessaire que le parlement et la société dans son ensemble établissent leurs positions sur la question", ainsi que "d'établir des contacts internationaux étroits avec l'OTAN et ses pays membres et la Suède". Stockholm a également exprimé son intention de rejoindre l'Alliance. "Nous avons voulu donner à la discussion l'espace nécessaire", ajoute le communiqué.
Avant d'annoncer sa décision, Niinistö a déclaré que l'adhésion de la Finlande à l'OTAN n'était dirigée contre personne, lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui s'est rendu dans le pays pour signer des accords de sécurité mutuelle qui "renforceront les défenses de l'Europe du Nord contre de nouvelles menaces". Le Premier ministre s'est également rendu en Suède avec le même agenda.
Pendant l'heure des questions, un journaliste a fait allusion aux menaces "politiques et militaires" de la Russie à l'encontre de la Finlande et de la Suède en cas d'adhésion à l'OTAN. Le président finlandais a rendu le dirigeant russe Vladimir Poutine responsable de cette situation. "Vous avez provoqué cela. Regardez dans le miroir", a répondu Niinistö.
La Finlande, bien que faisant partie de l'Union européenne, avait maintenu une position neutre vis-à-vis de l'OTAN et de la Russie jusqu'au déclenchement de la guerre en Ukraine. Le pays a été envahi par l'Union soviétique le 30 novembre 1939, quelques mois après le début de la Seconde Guerre mondiale. À la fin de la guerre, le pays nordique a pu obtenir son indépendance mais a dû céder 10 % de son territoire national à l'URSS, y compris sa deuxième ville la plus peuplée, Viipuri.
La Russie a rapidement réagi à la décision du gouvernement finlandais. Le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a déclaré que l'adhésion d'Helsinki à l'OTAN constituerait "sans aucun doute" une menace pour le pays. "L'élargissement de l'OTAN et le rapprochement de l'Alliance vers nos frontières ne rendent pas le monde et notre continent plus stables et plus sûrs", a déclaré Peskov aux journalistes, selon l'AFP. Le porte-parole a également souligné que "les options les plus diverses sont toujours considérées et analysées".
Peu après le début de l'invasion de l'Ukraine, Moscou s'est adressé directement à la Finlande et à la Suède, les avertissant que l'adhésion à l'OTAN aurait des conséquences. Néanmoins, les deux pays ont continué à exprimer leur désir de rejoindre l'Alliance. En conséquence, la Russie a même menacé de déployer des armes nucléaires dans la Baltique si Helsinki et Stockholm rejoignaient l'OTAN. Le vice-président russe du Conseil de sécurité, Dmitri Medvedev, a souligné que, si tel était le cas, il ne pourrait plus être question d'une Baltique "dénucléarisée".
Pour la Finlande et la Suède, l'agression de la Russie contre l'Ukraine a marqué un tournant. La crainte de vivre la même chose aux mains de leur grand voisin de l'Est a poussé les deux pays à vouloir rejoindre l'OTAN. Comme Marin l'a prévenu lors d'une rencontre avec la Première ministre suédoise Magdalena Andersson, son pays, qui partage une frontière de 1 300 kilomètres avec la Russie, doit "se préparer à toutes sortes d'actions russes" car depuis l'invasion de l'Ukraine "tout a changé". Andersson est d'accord et note que "le paysage de la sécurité a complètement changé".
A Ukrainian flag flies over Azovstal. A Ukrainian flag over Mariupol. On the 75th day of the defence. The true Flag of Victory is not somewhere in a foreign capital. It flies over its own land.#UAarmy pic.twitter.com/ZjsF7qEuTm
— Defence of Ukraine (@DefenceU) May 9, 2022
Malgré les menaces de la Russie, plusieurs analystes considèrent qu'une action militaire contre ces pays est peu probable. "Une grande partie des troupes russes stationnées près de la frontière finlandaise ont été déplacées en Ukraine et ont subi des pertes importantes", affirme Heli Hautala, diplomate finlandais et chercheur au Center for a New American Security, cité par l'Associated Press.
Par conséquent, selon Hautala, Moscou est susceptible de lancer des campagnes de désinformation, des cyberattaques et des contre-attaques économiques contre le pays, ainsi que des migrations directes vers la frontière finno-russe, à l'instar de ce qui s'est passé à la frontière polonaise avec le Belarus en novembre dernier.
En outre, comme l'explique à CNBC Anna Weislander, directrice du groupe de réflexion sur l'Europe du Nord de l'Atlantic Council, "l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN renforcera la dissuasion dans la région". Weislander souligne "les atouts" que les deux pays apporteront à l'Alliance, ainsi que "la capacité de planifier la sécurité de l'Europe du Nord de manière globale".
L'OTAN, pour sa part, accepterait "rapidement" l'adhésion de la Finlande et de la Suède, "alors que l'invasion de l'Ukraine par la Russie oblige à repenser radicalement la sécurité européenne", ont relevé cinq diplomates à Reuters. Les sources ont confirmé à l'agence de presse que les demandes des deux pays seraient approuvées, avant même le sommet de l'OTAN prévu du 28 au 30 juin à Madrid. "Il n'y a pas de calendrier précis. Nous n'attendrons pas le sommet de Madrid si cela peut être approuvé avant", explique un diplomate.
Certains États membres comme l'Estonie, le Danemark, la Pologne et la Roumanie ont déjà manifesté leur soutien à l'adhésion de la Finlande, affirmant qu'ils soutiendraient un processus d'adhésion rapide. Même le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que les portes de l'Alliance étaient ouvertes à ces deux pays.
History being made by our northern neighbours. Today's announcement by @MarinSanna & @niinisto paves the way for #Finland joining #NATO.
— Kaja Kallas (@kajakallas) May 12, 2022
You can count on our full support. We support a rapid accession process. From our side will make necessary steps quickly.
#StrongerTogether pic.twitter.com/qdat42g3Y3
Les responsables soulignent également que le moment est venu pour Helsinki et Stockholm de rejoindre l'Alliance, car "la Russie n'est pas en mesure d'attaquer (les nations nordiques)". "Si ce n'est pas maintenant, alors quand ?" demande un autre, faisant allusion aux pertes russes en Ukraine.
Après la Finlande, c'est au tour de la Suède, un autre pays qui, ces derniers mois, a signalé son intention de demander l'adhésion à l'OTAN. La ministre des Affaires étrangères, Ann Linde, a qualifié la décision de Helskini d'"importante".
Important message today from ?? President @niinisto & PM @MarinSanna on @NATO membership. ?? is ?? closest security & defence partner, and we need to take ?? assessments into account. ?? will decide after the report from the security policy consultations has been presented.
— Ann Linde (@AnnLinde) May 12, 2022
"La Suède décidera après la présentation du rapport sur les consultations sur la politique de sécurité", a-t-elle écrit sur son compte Twitter. Selon les médias suédois, Stockholm prévoit de soumettre sa demande la semaine prochaine, après un sommet des sociaux-démocrates au pouvoir dimanche.