La communauté internationale a "condamné fermement la tentative de coup d'État" et, dans un communiqué, "exige la libération immédiate et inconditionnelle" de Bah Ndaw et Moctar Ouane

L'armée déstabilise le Mali avec l'arrestation du président et du premier ministre

photo_camera AFP/MICHELE CATTANI - Le président de transition du Mali, Bah Ndaw, lors de sa cérémonie d'investiture au CICB (Centre International de Conférence de Bamako) à Bamako

Les militaires maliens, mécontents du nouveau gouvernement annoncé par les autorités de transition, ont arrêté lundi le président de transition, Bah Ndaw, et le Premier ministre, Moctar Ouané, dans un coup d'État qui secoue le pays, embourbé dans une crise profonde depuis des années. La capitale, qui a connu avec le Mali son quatrième coup d'État depuis l'indépendance en août 2020, présentait pourtant un air de relative normalité lundi soir. "Je peux confirmer que les hommes de Goïta sont venus me chercher et m'ont emmené à la maison du président, qui n'est pas loin de ma résidence", a déclaré Ouane lors d'une brève conversation téléphonique avec l'AFP, en référence à l'homme fort du Mali, le colonel Assimi Goïta, actuel vice-président de la transition. Ensuite, les deux chefs de l'exécutif de transition ont été escortés jusqu'à la base militaire de Kati, à une quinzaine de kilomètres de la capitale, où un haut responsable militaire a corroboré leur présence.

Los soldados llevaron al presidente interino y al primer ministro de Malí a una base militar a las afueras de la capital, Bamako, el 24 de mayo de 2021, según informaron dos funcionarios del inestable país de África Occidental.  AFP/ RAVEENDRAN

Ces événements ont eu lieu quelques heures après l'annonce d'un nouveau gouvernement, toujours dominé par les militaires, mais dont ont été écartés les officiers proches de la junte qui a pris le pouvoir après le coup d'État d'août 2020, dont Assimi Goïta était le chef. En quelques semaines, les colonels ont installé des autorités de transition, dont un président, Bah Ndaw - un officier militaire à la retraite - et un gouvernement dirigé par Moctar Ouane, un civil. À contrecœur, et sous la pression de la communauté internationale, ils se sont engagés à remettre le pouvoir à des civils élus après 18 mois, et non trois ans comme ils le jugeaient nécessaire. La grande inconnue était la place qui serait accordée aux militaires, notamment ceux proches de l'ancienne junte.

Mapa de Malí en el que se localiza la capital, Bamako, donde los soldados detuvieron al presidente y al primer ministro el lunes AFP/AFP

Le cas du Mali illustre bien les risques et les défis posés par l'intégration des groupes armés dans le Sahel. La formation de nouveaux groupes au Mali a aggravé la crise sociale et sécuritaire, entraînant la création de milices d'autodéfense ethno-communautaires qui se sont radicalisées et ont directement ciblé les civils. De 2016 à 2020, la situation s'est aggravée jusqu'à ce que, en 2020, l'instabilité et l'insécurité ainsi que les ravages économiques causés par la pandémie de coronavirus provoquent une crise politique qui a culminé avec le coup d'État contre l'ancien président malien Ibrahim Boubacar Keita le 18 août, qui était chargé de diriger la période de transition fixée à 18 mois. 

Après le coup d'État du 18 août, le président de transition Ndaw a été nommé fin septembre. Il a remplacé la junte militaire connue sous le nom de Comité national pour le salut du peuple, qui a été dissoute par la suite, mais dont les membres ont été nommés comme gouvernement de transition et ont été chargés de diriger la période de transition.Face à une contestation politique et sociale croissante, le premier ministre a démissionné il y a dix jours et a été immédiatement réintégré par le président de transition Ndaw, avec pour mission de former une équipe inclusive.  Le 14 mai, Ndaw a dissous le premier gouvernement de transition et a chargé son premier ministre Ouané de former un nouveau gouvernement, plus inclusif, intégrant des représentants des différents partis politiques et de la société civile.

En esta foto de archivo tomada el 18 de septiembre de 2020, el coronel Assimi Goita (C), presidente del CNSP (Comité Nacional para la Salvación del Pueblo).  AFP/MICHELE CATTANI

Dans le gouvernement annoncé par la présidence de transition, les militaires continuent de détenir les ministères de la défense, de la sécurité, de l'administration territoriale et de la réconciliation nationale. Mais parmi les changements annoncés dans un communiqué lu à la radio et à la télévision publiques, deux membres de l'ancienne junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Kone, quittent leurs portefeuilles respectifs de la défense et de la sécurité. Ils ont été remplacés par les généraux Souleymane Doucoure et Mamadou Lamine Ballo, respectivement. Le nouveau gouvernement accueille également - à l'Éducation et aux Affaires foncières - deux ministres membres de l'Union pour la République et la Démocratie (URD), la principale force politique du Mouvement du 5-Juin (M5), le collectif qui a mené la contestation ayant conduit au renversement du président Keïta.

El Coronel-Mayor Ismael Wague (C), portavoz del CNSP (Comité Nacional para la Salvación del Pueblo) se dirige a la prensa en la sede del CNSP en Kati, el 16 de septiembre de 2020 AFP/ MICHELE CATTANI

À la mi-avril, les autorités de transition ont annoncé qu'elles organiseraient le 31 octobre un référendum sur la révision constitutionnelle promise de longue date et qu'elles fixeraient à février-mars 2022 la date des élections présidentielles et législatives, après quoi elles transmettraient le pouvoir aux dirigeants civils. Mais des doutes subsistent quant à leur capacité à tenir leurs promesses, en particulier face à la persistance des violences djihadistes et autres, à la recrudescence des protestations politiques et aux signes croissants de mécontentement social. Le Mali, pays de 19 millions d'habitants, et ses voisins, le Niger et le Burkina Faso, sont pris dans un maelström de violences djihadistes, intercommunautaires et autres qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.

La mission de l'ONU au Mali, la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union africaine, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Union européenne ont affirmé dans un communiqué commun "leur ferme soutien aux autorités de transition" et ont appelé à remettre le processus de transition sur les rails pour respecter le délai convenu de 18 mois. Ils ont rejeté par avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants détenus.

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