Les négociations pour revenir à un accord nucléaire avec l'Iran s'intensifient depuis plusieurs semaines. L'Union européenne a déjà présenté le texte final visant à rétablir le pacte avec Téhéran et les États-Unis ont déjà envoyé une réponse à Bruxelles sur la proposition. L'Iran, pour sa part, réaffirme ses exigences : que les Gardiens de la révolution islamique soient retirés de la liste américaine des organisations terroristes et que les sanctions contre le régime soient levées.
Ces derniers jours, le président iranien Ebrahim Raisi a également affirmé qu'il était "inutile" de revenir sur l'accord nucléaire si l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ne mettait pas fin à ses recherches sur les centrales nucléaires iraniennes.

Outre les conditions de Téhéran, la position d'Israël et sa pression sur les pays occidentaux rendent difficile le retour à un accord. Le Premier ministre Yair Lapid a qualifié d'"inacceptable" le dernier projet proposé par l'UE, déclarant que le texte actuel n'empêcherait pas l'Iran de devenir un "État nucléaire". En outre, selon le dirigeant israélien, l'offre présentée par Bruxelles permettrait à Téhéran de "saper la stabilité régionale et de promouvoir le terrorisme".
Afin d'essayer de façonner l'accord, le chef du Mossad, David Barnea, se rendra aux États-Unis la semaine prochaine. Cette visite, qui s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par Israël pour tenter d'influencer l'accord nucléaire, fait suite à un voyage à Washington du ministre de la Défense, Benny Gantz, et du conseiller à la Sécurité nationale, Eyal Hulata.

Bien qu'un certain nombre de questions restent à résoudre, le processus de retour à un accord a connu récemment un élan important. Cette poussée peut être due à la crise énergétique actuelle et à la hausse des prix du pétrole, car un accord imminent avec l'Iran pourrait être un coup de fouet pour le secteur pétrolier.
Selon les données de la société Kpler recueillies par Bloomberg, environ 93 millions de barils de pétrole brut iranien sont stockés dans des navires situés dans le golfe Persique, au large des côtes de Singapour et près de la Chine. En revanche, la société Vortexa estime que les stocks se situent entre 60 et 70 millions de barils.

"L'Iran a constitué une flottille importante de cargaisons qui pourraient atteindre le marché assez rapidement", a déclaré John Driscoll, analyste chez JTD Energy Pte Ltd, aux médias américains. Si un accord nucléaire était conclu et les sanctions contre l'Iran levées, Téhéran pourrait recommencer à vendre son pétrole aux pays qui tentent actuellement de se sevrer de leur dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie.
"Si l'Iran vise à combler le vide laissé par la Russie en Europe, c'est-à-dire en Espagne, en Italie, en Grèce et même en Turquie, Téhéran tentera également de récupérer sa part du précieux marché asiatique", explique Driscoll. Il souligne que l'Iran pourrait approvisionner l'Europe en profitant du vide causé par les sanctions contre la Russie, même si "à long terme, Téhéran cherchera à conclure des accords en Asie".

D'ailleurs, selon Emma Li, analyste chez Vortexa, la Chine est restée parmi les principaux consommateurs de pétrole iranien. De même, le géant asiatique est devenu le plus gros client de pétrole brut de la Russie depuis que l'Occident a imposé des sanctions à Moscou.
Avant que l'ancien président Donald Trump n'abandonne l'accord nucléaire et n'impose davantage de sanctions contre le régime des ayatollahs en 2018, l'Iran était le troisième producteur de l'OPEP après l'Arabie saoudite et l'Irak. Un an plus tôt, en 2017, Téhéran se classait au quatrième rang de la production mondiale de pétrole, après les États-Unis, l'Arabie saoudite et la Russie.

Les derniers développements de l'accord nucléaire coïncident également avec les récentes déclarations du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdulaziz bin Salman, qui a averti que l'OPEP pourrait être contrainte de réduire la production de pétrole. Depuis que les prix du pétrole ont commencé à augmenter à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les États-Unis tentent de faire pression sur Riyad pour qu'il augmente sa production de pétrole afin de faire baisser les prix. Cependant, le royaume a choisi d'ignorer les demandes occidentales.
Comme le soulignent les analystes du Financial Times, les commentaires du ministre saoudien pourraient constituer un avertissement pour Washington. Riyad se méfie d'un retour à un accord nucléaire avec l'Iran, son principal rival, car cela permettrait à Téhéran de revenir sur les marchés pétroliers internationaux.

Dans ce cas, "entre 1 et 2 millions de barils de brut par jour pourraient arriver sur le marché dans un laps de temps relativement court", a déclaré à CNBC Tamas Varga, analyste chez PVM Oil Associates.
Outre les pays aux prises avec la hausse des prix du pétrole, la Russie pourrait également être intéressée par un retour à l'accord nucléaire. Selon un rapport de POLITICO basé sur les déclarations de diplomates occidentaux, Moscou prévoit d'utiliser l'Iran pour contourner les sanctions si un accord est finalement conclu.
Dans ce cas, la Russie et l'Iran devraient lancer un processus d'"échange" par lequel Téhéran achèterait du pétrole russe pour sa consommation intérieure tout en exportant le sien vers d'autres pays, grâce à l'accord nucléaire et à la levée des sanctions.
Coordinateur pour les Amériques : José Antonio Sierra