Protéger le delta du Nil
Des enfants courent les uns après les autres avec des cerfs-volants en vol le long du delta du Nil en Egypte. Les familles et les amis apprécient le paysage tout en profitant d'un pique-nique l'après-midi. À quelques kilomètres de là, les agriculteurs travaillent dans leurs champs verts. Ces cultures diversifiées permettront de nourrir des millions d'Égyptiens. Dans toute la région, les villes sont pleines de gens qui vont et viennent entre les usines et les bureaux, qui jouent au football avec leurs familles et qui construisent le moteur économique qui soutiendra les objectifs des nations pour un développement à faible émission de carbone et résilient au changement climatique.
C'est une belle image. Une image de progrès, une image d'espoir, une image de paix.
Imaginez maintenant que cela ait un impact négatif. Le delta du Nil abrite 18 millions de citoyens, soit près d'un quart de la population égyptienne, ainsi que d'innombrables entreprises, secteurs économiques, exploitations agricoles, etc.
Ce scénario effrayant deviendra une réalité si le changement climatique n'est pas pris au sérieux.
Les effets se font déjà sentir. Prenons l'exemple d'Aziz, qui vit avec sa famille dans une modeste maison de la ville côtière du gouvernorat de Kafr ElSheikh, à 130 kilomètres au nord du Caire.
"Les pêcheurs et les agriculteurs avaient peur d'aller travailler, explique Aziz, à cause de la montée des eaux qui recouvrent la côte lors des tempêtes."
Les observations d'Aziz ont été étayées par des rapports scientifiques. Selon un rapport publié en 2007 par le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), le delta du Nil est l'une des zones les plus vulnérables au monde en termes d'élévation du niveau de la mer, de conditions météorologiques extrêmes et d'autres facteurs exacerbés par le changement climatique.
Cette région représente plus de la moitié de l'activité économique de l'Égypte grâce à l'agriculture, l'industrie et la pêche. Le delta du Nil représente à lui seul environ 20 % du PIB de l'Égypte.
L'Égypte a étudié les résultats et a travaillé avec des partenaires internationaux pour trouver des solutions afin de protéger les zones vulnérables et leurs habitants.
Pour faire face à ces problèmes, le Ministère égyptien des Ressources en Eau et de l'Irrigation s'est associé au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et au Fonds Vert pour le Climat (FVC), le plus grand fonds dédié au climat dans le monde, pour lancer un nouveau projet climatique.
Grâce à ce projet, 17 millions de personnes seront protégées des inondations côtières par l'installation de 69 kilomètres de digues à faible coût le long des rives du delta du Nil. Ils sont conçus pour ressembler à des éléments naturels du littoral et/ou à des dunes de sable.
Les digues seront stabilisées par une combinaison de clôtures de roseaux et d'espèces végétales locales afin de stimuler la croissance des dunes en piégeant et en stabilisant le sable soufflé. Ces mesures de protection du littoral réutiliseront les matériaux de dragage existants qui, autrement, auraient été déposés dans le milieu marin.
La protection des communautés locales, la prévention des pertes économiques et la sauvegarde des établissements humains et des infrastructures exigent des mesures extraordinaires.
"Nous avons réalisé que l'eau montante vient à nous parce qu'il n'y avait aucune mesure pour protéger nos vies et nos propriétés", a déclaré Aziz.
Le nombre de phénomènes météorologiques extrêmes qui ont fait des victimes et causé des pertes économiques a considérablement augmenté en Égypte au cours des dix dernières années. Aziz a été témoin de violentes tempêtes jamais vues auparavant.
Jusqu'à présent, 10% des barrages ont été installés. Ils ont été mis à l'épreuve en décembre 2020, lorsque le pays a été témoin de l'une des tempêtes sévères, qui comprenait de fortes pluies et des vents violents. Les gens ont pu voir de première main comment des conditions météorologiques extrêmes peuvent être mortelles si le pays n'est pas préparé. Les digues ont passé le test et ont bloqué l'onde de tempête inattendue sur les rives du delta du Nil.
La solution physique n'est pas le seul moyen de lutter contre les effets négatifs du changement climatique. Un plan de Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC) sera mis en œuvre pour rendre les activités économiques, sociales et agricoles de la zone résistantes au climat. Le plan comprendra la mise en place d'un système de surveillance de l'évolution du niveau de la mer et de l'impact du changement climatique sur l'érosion et la stabilité des côtes.
Des activités communautaires de développement côtier ont lieu à différents endroits de la zone d'intervention du projet. Par exemple, un système de drainage agricole, situé au nord de Bar-Bahry, améliorera la productivité d'environ 1 000 acres au nord de la route côtière et augmentera les revenus d'au moins 500 familles.
Un système de drainage urbain dans le village d'Al-Aqoula protégera les routes principales des pluies excessives. Cela améliorera positivement la qualité de vie de l'ensemble du village de 1500 habitants et facilitera leur accès à des services tels que les écoles, les sites religieux, les marchés et les transports.
Des zones paysagères et récréatives seront réhabilitées et fortifiées dans le cadre des travaux de protection côtière au nord de la nouvelle ville de Damiette. Il s'agit d'un nouveau concept qui permettra à l'Égypte de maximiser les avantages des ouvrages côtiers, non seulement pour se défendre contre les inondations et l'érosion, mais aussi pour utiliser l'emplacement privilégié des ouvrages de protection le long des zones côtières afin de soutenir les activités de loisirs. Ce soutien a le potentiel de générer un impact social élevé pour les communautés locales et améliorera le paysage global le long de la zone côtière.
Le projet crée également des programmes de renforcement des capacités pour le personnel gouvernemental, incluant des programmes de formation et des ateliers pour le personnel gouvernemental et les gouvernorats côtiers : Sinaï Nord, Port Saïd, Damiette, Kafr el Sheikh, Dakahlia, Behira, Alexandrie et Matrouh. Cela permettra de fournir aux dirigeants locaux les outils et la formation dont ils ont besoin en matière de gestion intégrée des zones côtières, d'outils informatiques et technologiques et de compétences en matière de constitution d'équipes, tout en les préparant à mettre en place les comités côtiers qui seront finalement responsables de la mise en œuvre du plan de GIZC dans les gouvernorats côtiers.
Pour sa part, Aziz affirme que le travail a déjà un impact.
"Les agriculteurs sont de retour dans les champs après la mise en œuvre du projet. Nous avons vu le changement lorsque nous nous sommes réveillés et avons constaté que l'eau était bloquée et ne pouvait plus nous atteindre, ni nos champs, ni nos maisons", explique Aziz. "Avec ce [projet] en place, nous espérons que nos enfants auront un avenir sûr".
