Le président algérien apaise les tensions avec l'Elysée après une crise diplomatique prolongée

Tebboune prévoit un "retour à la normale" dans les relations avec la France

photo_camera AFP/RYAD KRAMDI - Le président algérien Abdelmadjid Tebboune

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, a annoncé qu'il prévoyait un retour à des relations normales avec la France en pleine crise du coronavirus, à condition qu'elles soient "sur un pied d'égalité".

Le président français Emmanuel Macron, dans une déclaration publiée le 2 octobre par le quotidien français Le Monde, a accusé Alger et son système "politico-militaire" d'avoir une "rente commémorative", et de réécrire une histoire dont le fondement n'est pas dans la vérité. Selon Le Monde, Emmanuel Macron s'est également interrogé sur l'existence de l'Algérie en tant que nation avant le colonialisme français, et a remis en cause l'implication antérieure de la Turquie, fascinée par sa capacité à faire oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie durant l'Empire ottoman.

"Je suis fasciné par la capacité de la Turquie à faire oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie et la domination qu'elle a exercée", a ajouté Macron. Ces déclarations ont rendu furieux les dirigeants algériens, qui les ont jugées offensantes, arguant qu'elles étaient fausses. En conséquence, ils ont interdit les vols militaires français au-dessus de leur territoire au service du Sahel, où sont déployées les troupes de l'opération anti-jihadiste Barkhane, et ont rappelé leur ambassadeur à Paris.

Emmanuel Macron

Abdelmadjid Tebboune a déclaré vendredi, dans une interview accordée à différents médias algériens, qu'"il est nécessaire que ces relations reviennent à la normale, à condition que l'autre partie (la France) les conçoive sur un pied d'égalité, sans provocation". "Nous avons convenu de traiter entre nous de manière à ne pas nuire aux intérêts de chacune des parties, mais nous n'accepterons pas que l'on nous impose quoi que ce soit", a ajouté le dirigeant algérien.

De même, le 10 novembre, la présidence française a communiqué qu'Emmanuel Macron "regrette les controverses et les malentendus" qui ont surgi avec l'Algérie et précise, avec la plus grande certitude, qu'il a "le plus grand respect pour la nation algérienne" et pour "son histoire". Ramtane Lamamra, chef de la diplomatie algérienne, a salué ces déclarations, qui "témoignent du respect" de son pays, de la part du président français.

Dans l'interview, Tebboune a critiqué la visite au Maroc, la semaine dernière, de Benny Gantz, le ministre israélien de la défense, faisant référence au contrat de coopération en matière de sécurité signé entre le Maroc et Israël, qualifiant l'entretien de "honteux" et affirmant qu'il pourrait représenter "une menace" pour son pays. Historiquement, le Maroc et l'Algérie sont rivaux au Maghreb depuis plusieurs années. 

Benny Gantz
Le jour des élections en Algérie 

Il convient également de noter que ce samedi se tiendront en Algérie des élections locales, considérées comme de la plus haute importance pour mettre fin au mandat du défunt président Abdelaziz Bouteflika, au cours desquelles plus de 23 millions d'Algériens sont appelés aux urnes. Malgré cela, les prochaines élections des conseils municipaux et provinciaux n'ont pas suscité beaucoup d'intérêt. On n'a guère organisé de rassemblements là où les candidats n'étaient pas suffisamment actifs, et quelques panneaux d'affichage ont été accrochés.  

Les experts prévoient une baisse du taux de participation par rapport aux autres élections organisées dans le sillage des manifestations du mouvement pro-démocratique Hirak, qui a fait tomber le président Bouteflika, décédé à 84 ans en septembre, en avril 2019. 

Le vote serait le troisième organisé sous la présidence d'Abdelmadjid Tebboune, qui s'est engagé à réformer toutes les institutions après le règne de Bouteflika. Tebboune lui-même a été élu en décembre 2019, avec 58% des voix et un taux de participation de près de 40%. Le chef de l'Etat algérien a assuré le 5 juin, lors des célébrations de l'indépendance, que ses pas suivaient la voie du "Hirak authentique". Lors de son premier vote organisé, le président a introduit certains amendements constitutionnels lors d'un référendum approuvé en novembre 2020 par 23,7% de l'électorat total. 

Elecciones Argelia

Son deuxième vote a eu lieu le 12 juin, lors d'une élection législative marquée par un fort taux d'abstention et une participation de seulement 23 %, bien que ce taux "n'ait pas d'importance", selon M. Tebboune après les élections législatives de juin. "Ce qui m'importe, c'est que ceux pour qui le peuple vote aient une légitimité suffisante", a-t-il ajouté.  

Lors de ces troisièmes élections, plus de 34 000 candidats devraient se présenter aux conseils de plus de 1 500 municipalités et 58 préfectures, dont seulement 15 % de femmes, selon l'Autorité électorale nationale indépendante. Cependant, Redouane Boudjemaa, professeur de journalisme à l'université d'Alger, a décrit le vote comme "une tentative de nettoyer la façade des conseils locaux en changeant leurs membres au profit de la classe dirigeante". "La politique se limite actuellement à des slogans proclamant que le pays est entré dans une nouvelle ère, alors que tous les indicateurs montrent le contraire", a ajouté M. Boudjemaa. 

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune parle des élections locales actuelles comme de "la dernière station pour construire un État moderne", qui assure "un État économiquement fort dans une atmosphère de démocratie et de liberté donnée au citoyen". "Nous recherchons des institutions légitimes qui ne sont pas irréprochables, et qui n'ont pas de plaintes pour fraude, et c'est un résultat que nous avons obtenu aujourd'hui", a ajouté M. Tebboune.

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