Quatre Libanais ont mis fin à leurs jours depuis la semaine dernière et les données du début de l'année indiquent une tendance inquiétante à la hausse

Hausse des suicides, l'autre crise du Liban

REUTERS/GORAN TOMASEVIC - Un manifestant brandit le drapeau libanais devant la police anti-émeute lors d'une manifestation à Beyrouth, au Liban, le 8 août 2020.

Le Liban traverse l'une des périodes les plus difficiles dont sa population puisse se souvenir. Plusieurs points étouffent un pays englué dans une crise sociale et économique qui s'aggrave de jour en jour. La dépréciation de la monnaie et le litige juridique concernant l'explosion de Beyrouth en 2020 ont conduit à une situation dont beaucoup de Libanais ne se sentent pas capables de sortir.
 
Information International, une société indépendante de recherche et de conseil basée à Beyrouth, a récemment publié une étude montrant une augmentation inquiétante du nombre de suicides au sein de la population libanaise. Ce chiffre tire la sonnette d'alarme dans le pays car, malgré le contexte délicat que traverse le Liban depuis des années, les suicides n'avaient pas connu d'évolution majeure. En fait, l'année dernière, le nombre de suicides a diminué par rapport à 2021. L'année où le nombre de suicides a été le plus élevé est 2019 avec 172, alors que la moyenne entre 2013 et 2022 est de 143.

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Et les chiffres sont conformes aux faits. A cette étude d'Information International, il faut ajouter quatre suicides au cours de la semaine dernière. Mohammed Ibrahim, neveu du procureur financier, le juge Ali Ibrahim, s'est donné la mort dans la ville de Wardaniyeh. La veille, Hussein Al-Abed Mroueh, qui, selon des connaissances, "avait constamment des problèmes économiques et financiers et ne travaillait pas dans un domaine spécifique", a été retrouvé mort à Zararia, dans le sud du Liban. À cela s'ajoute le suicide de Mousa Al-Shami, qui a laissé un message sur les médias sociaux demandant que l'on s'occupe de ses enfants et expliquant qu'il ne pouvait plus supporter les charges économiques qui pesaient sur lui.
 
Le dernier en date est celui d'un homme de 30 ans qui a assassiné sa femme et son fils de quatre ans dans la région de Daraya, dans le gouvernorat du Mont-Liban, avant de mettre fin à ses jours. Selon les rapports, l'un des principaux motifs était l'incapacité de la famille à rembourser ses dettes. Les motifs économiques sont considérés comme un facteur commun dans cette vague de suicides, comme le note Embrace Lebanon, une organisation non gouvernementale qui offre un soutien en matière de santé mentale.

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L'organisation estime que de nombreux facteurs influent sur ce type de décisions dans une période aussi complexe que celle que traverse le pays. Des aspects psychologiques, sociaux, biologiques et culturels sont impliqués, entre autres. Et que la crise, les abus, la violence et, surtout, la situation de vulnérabilité, poussent de plus en plus de personnes au suicide. En effet, ce sont les groupes vulnérables de la population qui souffrent le plus de cette situation, un groupe qui augmente d'ailleurs au fur et à mesure que la crise s'aggrave.
 
L'enquête 2022, réalisée par l'Administration centrale des statistiques et l'Organisation internationale du travail, souligne que l'effondrement de la monnaie nationale - dépréciée de 97 % de sa valeur depuis le début de la crise - et l'incapacité de l'État à mener à bien les réformes exigées par la communauté internationale ont provoqué une augmentation spectaculaire du nombre de personnes à risque. Jusqu'à récemment, 28 % des familles bénéficiaient de prestations sociales, un chiffre qui est aujourd'hui tombé à 10 %. De plus, l'épargne de ces familles est inexistante puisque, selon la même enquête, 85 % d'entre elles ne pourraient pas survivre ne serait-ce qu'un mois si elles perdaient leurs sources de revenus.
 
Les Nations Unies estiment à 80 % le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté au Liban. L'inflation a augmenté de 171 % rien que l'année dernière, et la population, comme le montrent les événements récents, ne trouve aucune bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher, ni aucune lueur de solution à l'horizon.